Imputation des libéralités au conjoint survivant : Rappels de la Cour de cassation
Le 17 janvier 2024, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu une décision, rappelant les méthodes d'imputation des libéralités consenties au conjoint survivant, sur ses droits légaux (Cass. 1er civ. 17 janvier 2024, n°21-20.520).
Cette décision, qui s'inscrit dans un contexte de succession complexe, apporte des précisions sur l'application des articles 757 et 758-6 du code civil.
Contexte de l'affaire
Un homme décède en juin 2010, laissant derrière lui sa veuve, deux enfants communs et un fils issu d'une union précédente.
Par un testament olographe, il lègue à son épouse des liquidités et des valeurs en pleine propriété ainsi que l'usufruit de tous ses biens meubles et immeubles.
La nue-propriété des biens immobiliers est attribuée à ses trois enfants.
En 2014, le fils aîné, se sentant lésé, assigne le notaire en responsabilité.
Ses demandes sont rejetées en première instance et en appel, estimant que les droits successoraux de la veuve se cumulent avec les libéralités reçues.
Décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation rappelle que les libéralités consenties au conjoint survivant doivent s'imputer sur ses droits légaux dans la succession.
Selon l'article 758-6 du code civil, si les libéralités sont inférieures aux droits légaux, le conjoint peut réclamer le complément, sans jamais dépasser la quotité disponible spéciale prévue à l'article 1094-1.
Méthode de calcul
La Cour précise la méthode de calcul : il faut additionner la valeur des droits légués en pleine propriété et celle, convertie en capital, des droits légués en usufruit.
Ce total est comparé à la valeur du quart des biens en pleine propriété. Si les libéralités excèdent les droits légaux, le conjoint ne peut pas cumuler les deux.
Si elles sont inférieures, il peut réclamer le complément.
Les articles 757 et 758-6 du code civil s’appliquent pour la mise en œuvre des droits du conjoint survivant.
Article 757 du code civil
Cet article dispose que le conjoint survivant recueille la propriété du quart de la succession en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux.
Cela signifie que le conjoint survivant a droit à une part fixe de la succession, garantissant ainsi une protection minimale.
Article 758-6 du code civil
Cet article précise que les libéralités (legs, donations) reçues du défunt par le conjoint survivant doivent s'imputer sur les droits de celui-ci dans la succession.
Implications pratiques
1. Imputation des libéralités : Les libéralités consenties au conjoint survivant doivent être déduites de ses droits légaux dans la succession.
Cela évite que le conjoint ne cumule les libéralités et ses droits légaux, ce qui pourrait léser les autres héritiers.
Cela signifie que les libéralités ne s'ajoutent pas aux droits légaux, mais en diminuent la part.
2. Calcul des droits : Pour déterminer les droits du conjoint survivant, il faut additionner la valeur des biens légués en pleine propriété et celle des biens légués en usufruit, convertie en capital.
Ce total est comparé à la valeur du quart des biens en pleine propriété.
Scenarii possibles :
1. Libéralités supérieures aux droits légaux : Si la valeur des libéralités reçues par le conjoint survivant est supérieure à ses droits légaux (le quart en pleine propriété), le conjoint ne peut pas cumuler les deux.
Il conserve les libéralités, mais ne peut pas réclamer le quart en pleine propriété en plus.
2. Libéralités inférieures aux droits légaux : Si la valeur des libéralités est inférieure à ses droits légaux, le conjoint survivant peut réclamer le complément pour atteindre la valeur du quart en pleine propriété.
Cependant, il ne peut jamais recevoir une portion des biens supérieure à la quotité disponible spéciale prévue à l'article 1094-1 du code civil.
Exemple pratique :
- Situation : Un défunt laisse à son conjoint survivant des biens en pleine propriété et en usufruit, ainsi que des enfants issus d'une union précédente.
- Calcul : Le notaire additionne la valeur des biens légués en pleine propriété et celle des biens légués en usufruit (convertie en capital).
- Comparaison : Ce total est comparé à la valeur du quart des biens en pleine propriété.
- Si le total des libéralités est supérieur à ce quart, le conjoint ne peut pas réclamer plus.
- Si le total est inférieur, le conjoint peut réclamer le complément pour atteindre le quart en pleine propriété.
3. Protection des héritiers réservataires : Ces articles visent à équilibrer les droits du conjoint survivant avec ceux des enfants, notamment ceux issus d'unions précédentes, en évitant que le conjoint ne reçoive plus que ce qui est prévu par la loi.
4. Responsabilité des notaires : Les notaires doivent veiller à bien appliquer ces règles et informer les héritiers de leurs droits et des modalités de calcul.
En cas de manquement, leur responsabilité peut être engagée.
Conclusion
La décision de la Cour de cassation rappelle les règles d'imputation des libéralités au conjoint survivant.
Elle rappelle également le devoir d'information et de conseil des notaires, essentiel pour éviter les litiges successoraux.
En résumé, les articles 757 et 758-6 du code civil encadrent strictement les droits du conjoint survivant en matière de succession, notamment pour tenir compte des droits des enfants issus de différentes unions.
Les libéralités affectent les droits du conjoint survivant de manière significative en influençant la part de la succession qu'il peut effectivement recevoir.
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