Les conditions de la reconstitution d’un testament perdu en jurisprudence
La perte d’un testament, qu’il soit olographe ou authentique, peut poser des défis juridiques majeurs pour les héritiers et les légataires.
En France, la reconstitution d’un testament perdu est encadrée par des règles strictes, notamment en cas de force majeure ou de cas fortuit.
Le cabinet est intervenu dans un dossier où un notaire a « perdu » un testament authentique, à la suite d’un cambriolage.
A l’énoncé des faits, en début de plaidoirie, le magistrat a cru à une plaisanterie.
Mais non, la perte d’un testament authentique n’est pas une hypothèse d’école, mais un cas concret, alors qu’il s’agit, en principe, de la forme de testament la plus solide.
1.Les conditions de la reconstitution d’un testament perdu
La reconstitution d’un testament perdu est régie par les articles 1430 et suivants du Code de procédure civile.
Selon l’article 1430, la demande en reconstitution d’un acte authentique ou sous seing privé détruit par un sinistre ou un fait de guerre doit être portée devant le tribunal judiciaire.
L’article 1434 précise que le tribunal peut opérer une reconstitution partielle si la preuve de certaines clauses peut être rapportée.
1.2.La preuve de la perte par cas fortuit ou force majeure
Pour qu’un testament puisse être reconstitué, il faut démontrer que sa perte résulte d’un cas fortuit ou d’une force majeure.
La jurisprudence est stricte sur ce point.
Par exemple, dans un arrêt de la Cour de cassation du 31 mars 2016 (Cass. civ. 1re, n° 15-12.773), la perte d’un testament olographe par un expert judiciaire a été considérée comme un cas de force majeure, permettant aux légataires de produire des photocopies pour prouver son existence et son contenu.
1.3.Les moyens de preuve admissibles
En cas de perte justifiée, la preuve du testament peut être apportée par tous moyens, y compris des témoignages ou des photocopies. Cependant, ces preuves doivent être graves, précises et concordantes, comme le rappelle un arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 2009 (Cass. civ. 1re, n° 08-17.791). Dans cette affaire, la Cour a rappelé que la preuve par témoins de l’existence et du contenu d’un testament n’est admise qu’en cas de disparition par cas fortuit ou force majeure.
2.La responsabilité du notaire en cas de perte du testament
2.1.L’obligation de conservation
Les notaires ont une obligation de conserver les testaments qu’ils reçoivent.
En cas de perte, leur responsabilité peut être engagée, sauf s’ils démontrent un cas de force majeure.
Dans une affaire dans laquelle est intervenu le cabinet, un notaire a été reconnu responsable après le vol d’un testament authentique dans son étude.
Le tribunal a estimé que le notaire n’avait pas pris les mesures nécessaires pour sécuriser le document, malgré l’enregistrement du testament au Fichier Central des Dispositions des Dernières Volontés (FCDDV).
2.2.La faute du notaire et ses conséquences
Dans un jugement du Tribunal judiciaire de Nice (13 juin 2023), un notaire a été condamné pour ne pas avoir assuré la conservation d’un testament authentique, dressé par son prédécesseur et déposé au coffre de l’étude.
Le tribunal a souligné que le notaire, en tant que dépositaire, doit apporter les mêmes soins que s’il s’agissait de son propre acte (art. 1927 du Code civil).
En l’espèce, le notaire n’avait pas fait de photocopie du testament, ce qui a rendu sa reconstitution partielle, et limitée aux clauses relatives aux assurances-vie, en l’état de la fourniture de la photocopie des notes du notaire, sur ce point.
3.Les limites de la reconstitution
3.1.La reconstitution partielle
Dans certains cas, seule une reconstitution partielle est possible.
Par exemple, dans l’affaire jugée par le Tribunal judiciaire de Nice, dans laquelle est intervenu le cabinet, la juridiction a pu reconstituer les clauses relatives aux contrats d’assurance-vie, mais pas celles concernant la désignation d’un légataire universel, faute de preuves suffisantes, selon lui, malgré la production de nombreux témoignages.
3.2.L’importance des témoignages et des documents annexes
Les témoignages de proches ou de tiers peuvent jouer un rôle crucial.
Dans l’affaire mentionnée, des attestations de proches de la défunte ont permis de confirmer certaines dispositions testamentaires.
Cependant, ces témoignages doivent être corroborés par d’autres éléments, comme des échanges écrits ou des projets de testament.
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4.Les enseignements jurisprudentiels
4.1.La perte par un expert judiciaire
La Cour de cassation (31 mars 2016, n° 15-12.773) a confirmé que la perte d’un testament par un expert judiciaire constitue un cas de force majeure.
Cette décision permet aux légataires de produire des photocopies pour prouver l’existence du testament.
4.2.La preuve par tous moyens en cas de force majeure
Un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (27 février 2014, n° 13/06088) a rappelé que la preuve par témoins n’est admise qu’en cas de disparition par cas fortuit ou force majeure.
En l’absence de tels éléments, la reconstitution est impossible, notamment comme dans le cas traité par la Cour, où il s’agissait de confirmer la volonté du testateur, alors que le testament n’était pas valable sur la forme.
4.3.La responsabilité in solidum des notaires
Dans l’affaire jugée par le Tribunal judiciaire de Nice, la responsabilité in solidum du notaire et de son étude a été retenue pour ne pas avoir assuré la conservation du testament.
Cette décision souligne l’importance de la vigilance et des mesures de sécurité dans la gestion des actes notariés.
La reconstitution d’un testament perdu est un processus complexe, encadré par des règles strictes.
Les héritiers et légataires doivent apporter des preuves solides, et les notaires ont une responsabilité accrue dans la conservation des actes.
Les jurisprudences récentes montrent que les tribunaux sont exigeants, mais qu’une reconstitution partielle reste possible sous certaines conditions.
Mais la première est d’exiger de son notaire, en sortant de son étude, qu’il fournisse une photocopie du testament authentique, ou, mieux encore, qu’il justifie non pas seulement de son enregistrement au fichier des dernières volontés, mais de son annexion aux minutes, qui sont aujourd’hui conservées numériquement.
Références jurisprudentielles :
- Cour de cassation, 31 mars 2016, n° 15-12.773
- Cour de cassation, 12 novembre 2009, n° 08-17.791
- Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 27 février 2014, n° 13/06088
- Tribunal judiciaire de Nice, 13 juin 2023

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