La clause de tontine : un outil patrimonial étonnant mais risqué
Introduction
La clause de tontine est un mécanisme juridique qui était souvent utilisé pour organiser la transmission de biens, notamment des titres de sociétés, entre plusieurs personnes de même sexe, avant l’introduction du PACS, puis du mariage pour tous.
Elle permet au survivant de devenir propriétaire de la totalité des biens acquis en commun, en excluant ces biens de la succession du prémourant.
Cependant, son utilisation n'est pas sans risques, notamment celui de voir l'opération requalifiée en donation déguisée.
Qu'est-ce qu'une clause de tontine ?
La clause de tontine est une stipulation insérée dans un contrat d'acquisition ou dans les statuts d'une société.
Elle prévoit que le survivant des coacquéreurs deviendra propriétaire de la totalité des biens acquis en commun, rétroactivement depuis leur acquisition. Ce mécanisme repose sur un contrat aléatoire : chaque coacquéreur achète la totalité des biens sous la condition suspensive de sa survie et la condition résolutoire de son prédécès.
Exemple concret : Deux associés achètent des parts sociales d'une société.
Grâce à une clause de tontine, si l'un décède, le survivant devient propriétaire de l'intégralité des parts, comme s'il en avait toujours été le seul propriétaire.
Fondement juridique :
- La jurisprudence française valide ce mécanisme, à condition qu'il présente un aléa réel.
- En principe, les biens acquis en tontine échappent à la succession du prémourant, car ils ne font pas partie de son patrimoine au moment de son décès.
Pourquoi utiliser une clause de tontine ?
La tontine a plusieurs caractéristiques :
- Transmission simplifiée : Le survivant devient automatiquement propriétaire sans passer par une succession ; cela peut-être un moyen de contourner la réserve.
- Économie fiscale : Avant le PACS et le mariage pour tous, les biens n’étaient pas soumis aux droits de mutation à titre gratuit du prémourant, ce qui n’est plus le cas ; l’intérêt fiscal est réduit, mariages et PACS étant devenus des régimes plus avantageux de ce point de vue.
- Protection du patrimoine : Elle permet de sécuriser la transmission d'un bien (immeuble, titres de sociétés) à un proche sans passer par une donation classique.
- Risque d’aléa et de contentieux : si le couple se dissous autrement que par décès, les contractants sont en indivision, avec toutes les conséquences problématiques que cela peut entraîner.
Cas d'usage typiques :
- Acquisition d'un bien immobilier ou de titres de sociétés entre concubins ou partenaires non mariés.
- Transmission d'un patrimoine professionnel (parts sociales, actions) entre associés.
Les risques de requalification en donation déguisée
Pour que la tontine soit valable, elle doit respecter deux conditions essentielles :
* Un aléa réel : L'ordre des décès doit être incertain. Si l'un des coacquéreurs est manifestement plus âgé ou en mauvaise santé, l'aléa disparaît, et la clause peut être requalifiée en donation déguisée.
* Un financement équilibré : Si l'un des coacquéreurs a financé la quasi-totalité de l'acquisition, cela peut révéler une intention libérale, et donc une donation déguisée.
* Par ailleurs, sur le plan civil, alors qu’il existe d’autres institutions de transmission, l’opération peut être douteuse, en ce que le coût fiscal est plus élevé : pourquoi payer plus d’impôts…si ce n’est pour contourner une autre règle civile, en l’occurrence, celle de la réserve.
Conséquences d'une requalification :
- Les biens entrent dans la succession du prémourant.
- Les héritiers réservataires peuvent exercer une action en réduction pour protéger leur réserve héréditaire (Article 920 du Code civil).
- Les droits de mutation à titre gratuit deviennent exigibles.
Exemple de requalification : Un père et son fils achètent des parts sociales avec une clause de tontine.
Si le père finance 90 % de l'acquisition et décède peu après, les héritiers pourraient prouver l'absence d'aléa et demander la requalification en donation.
Comment sécuriser une clause de tontine ?
Pour éviter une requalification, il est conseillé de :
- Équilibrer les contributions financières : Chaque coacquéreur doit participer de manière significative au financement.
- Éviter les déséquilibres manifestes : Une différence d'âge ou d'état de santé trop importante peut annuler l'aléa.
- Rédiger la clause avec précision : Elle doit clairement mentionner le caractère aléatoire de l'opération.
La clause de tontine est un outil quelque peu désuet pour organiser la transmission de biens, d’autant qu’elle n’est pas fiscalement avantageuse.
Une rédaction rigoureuse et un respect des conditions d'aléa et d'équilibre financier sont indispensables pour éviter une requalification en donation déguisée.
En cas de doute, il est recommandé de consulter un notaire ou un avocat compétent en droit des successions car le risque de contentieux, pour le survivant, est important.

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