La déclaration d’utilité publique est la décision permettant de justifier les expropriations. Elle intervient pendant la phase administrative de la procédure d’expropriation.

Cette phase administrative comprend également la procédure de détermination des parcelles à exproprier, constituée d’une enquête parcellaire et aboutissant un arrêté de cessibilité.

Une opération ne peut être déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d’ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l’environnement, et l’atteinte éventuelle à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.

Lorsqu’il apprécie la légalité d’une déclaration d’utilité publique, le juge administratif réalise un bilan « coût-avantage » du projet objet de cette déclaration.

Il compare les avantages du projet par rapport à son impact sur l’environnement, la propriété privée et sur d’autres intérêts publics, ainsi que par rapport à son coût financier.

Si le bilan « coût-avantage » est négatif, la déclaration d’utilité publique est annulée.

 

S’agissant de la ligne à grande vitesse de Poitiers à Limoges, le Conseil d’Etat a annulé la déclaration d’utilité publique estimant que les inconvénients du projet l’emportaient sur ses avantages.

Ces inconvénients sont de plusieurs ordres :

  • Le coût élevé de la construction, dont le financement n’était pas assuré,
  • les incertitudes quant au temps de parcours,
  • une évaluation de la rentabilité économique et sociale inférieure au niveau habituellement retenu,
  • le fait que ce projet n’est qu’un simple barreau se rattachant au réseau ferroviaire à grande vitesse, dont il n’était envisagé aucun prolongement
  • l’impact sur la ligne Paris Orléans Limoges Toulouse, qui subira une diminution de trafic ce qui entraînera une dégradation de la desserte des territoires situés entre Orléans et Limoges

De plus, le Gouvernement n’avait pas satisfait à la réserve de la commission d’enquête publique tendant à ce que les travaux soient programmés à un horizon rapproché. L’engagement des travaux était en effet prévu entre 2030 et 2050. Ce décret permettait donc de procéder rapidement aux expropriations alors que les travaux étaient prévus dans relativement longtemps.  L’atteinte à la propriété était donc très importante.

 

A l’inverse, le Conseil d’Etat a validé la déclaration d’utilité publique pour la ligne ferroviaire Lyon Turin.

L’utilité publique du projet est déduite du fait que :

  • Cette opération constitue un élément essentiel du projet prioritaire n° 6 du projet transeuropéen de transport,
  • Il vise à mettre en place un service d’autoroutes ferroviaires performantes et cadencées permettant le développement du fret transalpin entre la France et l’Italie.
  • Il permettra un transport plus rapide des passagers et des gains en termes de sécurité et de réduction de la pollution.
  • Les temps de trajets seront réduits et les dessertes plus fréquentes.

Le Conseil d’Etat a également apprécié l’utilité publique du projet par rapport à la solution alternative qui consistait en l’aménagement de la ligne existante. Cette solution est écartée car il ne ressortait pas du dossier qu’elle permettait des résultats comparables, notamment en termes de gains de temps et d’augmentation du trafic, et qu’elle éviterait des expropriations.

Le Conseil d’Etat s’est refusé à examiner les autres solutions, estimant qu’il ne lui appartenait pas en tant que juge statuant au contentieux de procéder à une comparaison entre le projet et ces solutions.

Il a écarté le moyen tiré du coût du projet, estimant qu’il n’était pas sous-estimé et qu’il prenait bien en compte le coût des impacts sur l’environnement.

Ces deux décisions correspondent aux avis qu’avait rendus le Conseil d’Etat sur ces deux projets.

En effet, s’agissant de la LGV Poitiers Limoges, l’avis simple rendu par le Conseil dans le cadre de ses fonctions consultatives en décembre 2014 était négatif en raison de sa mauvaise rentabilité. A l’inverse, l’avis pour la ligne ferroviaire Lyon Turin était positif.

 

Conseil d’Etat, 15 avril 2016, n° 387475

Conseil d’Etat, 9 novembre 2015, n° 375322