La modification des règles d’urbanisme, par exemple les règles portant sur l’utilisation du sol, la hauteur des constructions, l’interdiction de construire dans certaines zones, n’ouvre en principe aucun droit à indemnisation.

Il n’est donc pas possible de solliciter de la collectivité une indemnisation en réparation du préjudice subi du fait du classement en zone inconstructible d’un terrain par un nouveau document d’urbanisme (plan local d’urbanisme par exemple).

 

L’article L. 105-1 du code de l’urbanisme prévoit deux exceptions à ce principe de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme.

Une indemnité est due lorsqu’il résulte des règles d’urbanismes :une atteinte à des droits acquis ou une modification de l’état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain.

 

Le Conseil d’Etat a ajouté une autre exception.

Le propriétaire dont le bien est frappé d’une servitude d’urbanisme peut solliciter une indemnisation dans le cas exceptionnel où cette servitude fait supporter à ce propriétaire une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi (Conseil d’Etat, 3 juillet 1998, n° 158592).

 

Dans un arrêt du 29 juin 2016, le Conseil d’Etat reconnait la responsabilité sans faute de l’Etat et d’une commune suite à l’élaboration d’une carte communale faisant peser sur une société d’aménagement une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi.

 

Dans cette affaire, une convention a été signée entre une commune et une société  pour la réalisation d’un programme immobilier. Après révision du plan d’occupation des sols, une autorisation de lotir a été délivrée.

Une nouvelle convention a ensuite été passée, prévoyant que la commune se chargerait de la réalisation du système d’assainissement et du raccordement du projet au réseau et mettant à la charge de la société une participation financière

La commune n’a cependant jamais réalisé les travaux d’assainissement

Elle a ensuite abrogé le plan d’occupation des sols et l’a remplacé par une carte communale, classant la majeure partie du terrain d’assiette du projet en zone naturelle non-constructible

 

Le Conseil d’Etat a reconnu que l’approbation de cette carte a fait peser sur la société une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi, qui consistait en la préservation du caractère rural de la zone.

La société avait engagé d’importants travaux pour la réalisation du projet, qui bénéficiait à l’origine du soutien de la commune.

La société étant la seule affectée par ce nouveau classement qui a eu pour effet d’amoindrir la valeur vénale de la propriété, occupant une partie substantielle du territoire de la commune et de compromettre définitivement les projets d’aménagement, la charge que ce nouveau classement est spéciale et exorbitante.

Le Conseil d’Etat retient cependant un partage de responsabilité entre, d’une part, l’Etat et la Commune qui avaient approuvé la carte communale et, d’autre part, la société elle-même, du fait de son inertie pendant plusieurs années.

 

La société peut prétendre à l’indemnisation du préjudice résultant d’une part du montant des dépenses exposées en pure perte pour la réalisation de l’opération d’aménagement envisagée et d’autre part de la perte de valeur vénale des terrains  dont elle est propriétaire.

Conseil d’Etat, 29 juin 2016, n° 375020