Par un arrêt d'assemblée du 4 avril 2014, le Conseil d'Etat a ouvert la possibilité aux tiers susceptibles d'être lésés de manière directe par la conclusion d'un contrat de saisir le juge du contrat d'un recours de plein contentieux pour en contester la validité  (Conseil d'Etat, assemblée, 4 avril 2014, n° 358994, Tarn et Garonne).

Jusqu'à cet arrêt, depuis l'arrêt Martin du 4 août 1905, les tiers lésés pouvaient seulement saisir le juge de l'excès de pouvoir d'un recours en annulation contre les actes détachables du contrat.

Dans son arrêt d'assemblée en date du 16 juillet 2007, Tropic travaux signalisation, le Conseil d'Etat avait déjà donné la possibilité aux candidats évincés de saisir le juge du contrat d'un recours de plein contentieux pour constater la validité de ce contrat (Conseil d'Etat, assemblée, 16 juillet 2007, n° 291545).

Désormais, tous les tiers susceptibles d'être lésés dans leurs intérêts  de façon suffisamment directe et certaine par la passation ou les clauses du contrat sont recevables à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction pour contester la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires et qui en sont divisibles.

 

Le Conseil d'Etat précise que ce recours doit s'exercer dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées. Ce délai de deux mois s'applique également en matière de travaux publics.

 

Le juge doit apprécier l'importance et les conséquences des vices. En fonction de la nature de ces vices, il peut soit décider de la poursuite de l'exécution du contrat soit ordonner aux parties de régulariser dans un délai qu'il fixe. Il peut prononcer la résiliation du contrat. Si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice du consentement ou d'un vice d'une particulière gravité, il peut en prononcer l'annulation.

 

Les tiers pouvant être concernés peuvent être, par exemple, les membres des organes délibérants des collectivités territoriales ou groupement de collectivités territoriales ayant passé le contrat, ou le Préfet.

 

Ce recours ne concerne que les contrats de droit public qui relèvent de la compétence du juge administratif.

Pour les contrats de droit privé, les tiers peuvent contester la validité des actes détachables devant le juge administratif. Ce recours est toujours possible dès lors qu'il ne leur est pas possible de saisir le juge judiciaire du recours créé par le Conseil d'Etat.

 

Ce nouveau recours n'est cependant pas ouvert aux contrats signés avant la lecture de la décision.

Pour les contrats signés après cet arrêt, les tiers ne pourront plus agir devant le juge de l'excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat dès lors qu'il dispose de ce nouveau recours.

 

Par un arrêt du 30 juin 2016, le Conseil d’Etat se prononce sur la recevabilité des demandes d’un tiers au contrat.

Ce tiers sollicitait l’annulation des clauses règlementaires du contrat. Mais également l’annulation de la décision de l’autorité compétente de signer le contrat.

Si la première demande, par laquelle est sollicitée l’annulation du contrat, est recevable, celle portant sur la décision de signer le contrat, acte détachable du contrat, est, en application de la jurisprudence Tarn et Garonne, irrecevable.

 

Le Conseil d’Etat applique également la jurisprudence Danthony dans un recours dirigé contre un contrat.

Selon cette jurisprudence, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie (Conseil d’Etat, assemblée, 23 décembre 2011, n° 335033, Danthony).

Le vice invoqué par le requérant portait sur l’absence d’intervention d’une autorité de supervision indépendante dans l’élaboration du contrat, en violation d’une directive européenne.

Cependant, ce requérant avait pu faire valoir ses observations avant la signature du contrat. L’absence d’autorité de supervision indépendante n’a pas privé ce requérant d’une garantie et n’a pas exercé d’influence sur le contenu des clauses règlementaires du contrat.

Le Conseil d’Etat écarte donc ce moyen tiré de l’irrégularité de la procédure.

Le contrat en question était un contrat de régulation économique entre l’Etat et la société Aéroport de Paris.

 

Conseil d’Etat, 30 juin 2016, n° 393805