Dans cette décision, la Cour de cassation relève qu’une créance relative à une prestation fournie postérieurement à l’ouverture de la procédure collective bénéficie du paiement préférentiel.

Faits et procédure :

Dans l'objectif de créer un club privé, M. M. a, le 27 avril 2010, conclu avec deux sociétés une lettre d'accord et souscrit deux "cartes-société" ouvrant droit, au profit des membres du club privé, à des avantages et prestations, moyennant une cotisation annuelle de 100.000 € pour chacune des sociétés.
Après avoir vainement demandé le paiement des cotisations afférentes à l'année 2010, les sociétés ont assigné M. M. en paiement.
Le 21 mai 2015, M. M. a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, convertie le 26 avril 2017 en liquidation judiciaire.

Dans un arrêt du 12 octobre 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné M. M. à payer aux sociétés une provision de 200.000 € à valoir sur le montant des cotisations échues pour l'année 2016 puis pour l'année 2017.

Les juges du fond ont rappelé qu'il résulte de l'article L. 622-17 et de l'article L. 641-13 du code de commerce, ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 applicable en la cause, que "sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation de la procédure de sauvegarde ou, après la conversion de celle-ci en liquidation judiciaire, en exécution d'un contrat en cours".

Ils ont constaté que M. M. a fait l'objet, le 21 mai 2015, d'une procédure de sauvegarde convertie en liquidation judiciaire le 26 avril 2017.

Ils ont relevé que, selon le protocole d'accord, M. M. s'est engagé à souscrire les "cartes-société" et qu'il devait payer les cotisations y afférentes à compter du 1er janvier 2012.
Ils ont retenu que ces cartes donnent droit à des services et avantages divers au sein des installations des sociétés, tels que l'accès privilégié à des restaurants, à une salle de réunion et à un golf, la possibilité d'organiser des événements privés, des réductions sur des boutiques et hôtels, de sorte que ces cartes donnent accès à un ensemble de prestations dont il n'est pas allégué qu'elles aient été refusées à M. M. pour les années 2016 et 2017.

M. M. a formé un pourvoi soutenant qu'il n'avait pas à payer des prestations auxquelles il aurait pu prétendre en droit et dont il n'a pas effectivement bénéficié, après le jugement d'ouverture.

Considérant de principe :

« Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 622-17 du code de commerce, comme de l'article L. 641-13 dudit code, ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 applicable en la cause, que sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation de la procédure de sauvegarde ou, après la conversion de celle-ci en liquidation judiciaire, en exécution d'un contrat en cours ; qu'ayant constaté que M. M... a fait l'objet, le 21 mai 2015, d'une procédure de sauvegarde convertie en liquidation judiciaire le 26 avril 2017, l'arrêt relève qu'il résulte du protocole d'accord du 27 avril 2010 que M. M... s'est engagé à souscrire les « cartes-société » et que l'arrêt du 17 décembre 2015 a irrévocablement jugé qu'il devait payer les cotisations y afférentes à compter du 1er janvier 2012 ; qu'il retient, ensuite, que ces cartes donnent droit à des services et avantages divers au sein des installations de la société DetO, tels que l'accès privilégié à des restaurants, à une salle de réunion et à un golf, la possibilité d'organiser des événements privés, des réductions sur des boutiques et hôtels, de sorte que ces cartes donnent accès à un ensemble de prestations dont il n'est pas allégué qu'elles aient été refusées à M. M... pour les années 2016 et 2017 ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de constater que le débiteur avait effectivement bénéficié des prestations attachées aux cartes-société après le jugement d'ouverture, ni que le jugement de conversion en liquidation judiciaire avait autorisé le maintien de l'activité du débiteur, en a exactement déduit que cette créance avait une contrepartie et que la demande de provision formée par la société DetO, non soumise à l'interdiction des poursuites individuelles, était recevable ;

Et attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions du liquidateur que celui-ci ait allégué qu'il convenait de distinguer entre les cotisations de l'année 2017 antérieures au jugement convertissant la procédure de sauvegarde de M. M... en liquidation judiciaire, et les cotisations postérieures audit jugement ; que le grief de la troisième branche est nouveau et mélangé de fait et de droit ; »

Apport de la décision

Dans le cadre d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire, les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant la période d’observation sont payées à leur échéance ou par privilège. Il en est de même en cas de liquidation judiciaire si la prestation a été fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou en exécution d'un contrat en cours régulièrement poursuivi après l’ouverture de la liquidation judiciaire.

Lorsqu’un créancier dispose d’une créance postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective et bénéficiant d’un paiement à l’échéance ou par privilège sur la plupart des autres créances en vertu des articles L 622-27, I et L 641-13, I du Code de commerce.

La Cour de cassation considère donc légitimement que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture doivent être payées à leur échéance si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation de la procédure de sauvegarde ou, après la conversion de celle-ci en liquidation judiciaire, en exécution d'un contrat en cours.

Dans le cas présenté, l’entrepreneur avait effectivement contracté préalablement à l’ouverture de la procédure. Il devait payer les cotisations afférentes à ces cartes à compter de janvier 2012. La créance de l’exploitant avait donc une contrepartie, sans qu’il y ait lieu de constater que le débiteur avait effectivement bénéficié des prestations attachées aux cartes société après le jugement d'ouverture, la demande de provision formée par l’exploitant, qui n’était pas soumise à l’interdiction des poursuites individuelles, était donc recevable.

Ce traitement préférentiel bénéficie notamment aux créances nées en contrepartie d’une « prestation fournie au débiteur ». Contrairement à ce que soutenait le liquidateur judiciaire en l’espèce, il n’est pas requis que le débiteur ait effectivement bénéficié de la prestation (ici, tel n’avait pas été cas, le club privé n’ayant jamais été construit) ; il suffit qu’il ait eu droit à la prestation en vertu du contrat et qu’il n’ait pas été empêché d’en demander l’exécution.