Vue d’ensemble de la réforme des Nullités en droit des sociétés
Entrée en vigueur de la réforme des nullités en droit des sociétés
Le 1er Octobre 2025
Ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025
portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés
Ce texte marque une refonte profonde du régime des nullités en droit des sociétés, guidée par une ambition de clarification, de simplification et de renforcement de la sécurité juridique.
Entrée en vigueur le 1er octobre 2025, elle s’inscrit dans le cadre de la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître l’attractivité économique de la France et à aligner le droit français sur la directive européenne 2017/1132.
Cette réforme tend tout d’abord à centraliser le droit commun des nullités en droit des sociétés dans le Code civil (articles 1844-10 et suivants) en supprimant les dispositions générales du Code de commerce.
Elle redéfinit les conditions, les effets et les délais des actions en nullité, tout en conférant un rôle accru au juge pour en limiter les abus.
Rationalisation des causes de nullité
La réforme limite drastiquement les hypothèses de nullité des sociétés et de leurs décisions.
A cet égard, ce nouveau régime de nullités s’applique uniquement aux actes décisionnels internes de la société, à l’exclusion des conventions passées par la société avec les tiers
Pour la constitution d’une société, seules l’incapacité de tous les fondateurs ou la violation du nombre minimal d’associés (deux au minimum) peuvent désormais justifier une nullité, sauf disposition légale contraire.
Concernant les apports, leur nullité totale peut entraîner la dissolution de la société, avec une liquidation alignée sur les règles des sociétés commerciales, y compris pour les sociétés civiles.
Par ailleurs, la violation des statuts ne constitue plus, en principe, une cause de nullité, sauf exceptions prévues par la loi ou, pour les sociétés par actions simplifiées (SAS), par les statuts eux-mêmes.
Ces mesures visent à réduire les contentieux opportunistes et à sécuriser les structures sociétales.
Principales innovations :
Fin de l'automaticité de la nullité : Introduction du triple test pour les décisions sociales :
L’ordonnance instaure un "triple test" (article 1844-12-1 du Code civil) comme condition préalable au prononcé de la nullité des décisions sociales. Le demandeur doit démontrer :
-un grief personnel lié à l’intérêt protégé par la règle violée
- une influence de l’irrégularité sur le sens de la décision,
- l’absence de conséquences excessives pour l’intérêt social.
Cette approche, qui rompt avec l’automaticité des nullités, confère au juge un pouvoir d’appréciation central pour équilibrer les intérêts en jeu et éviter les annulations disproportionnées.
Les décisions sociales, désormais distinctes des conventions avec les tiers, se limitent aux délibérations internes des organes sociaux ou des assemblées.
Modulation des effets de la nullité : Encadrement des effets en cascade
La réforme atténue les effets potentiellement déstabilisants des nullités.
Ainsi, la nullité de la nomination ou du maintien irrégulier d’un organe n’entraîne plus automatiquement l’annulation des décisions prises par cet organe.
De plus, le juge peut différer les effets rétroactifs d’une nullité si ceux-ci s’avèrent manifestement excessifs pour l’intérêt social, prévenant ainsi les "nullités en cascade" qui fragiliseraient l’entreprise.
Pour les augmentations de capital dans les sociétés par actions, des règles spécifiques s’appliquent, rendant l’action en nullité irrecevable dans les sociétés cotées dès la réalisation de l’opération, sauf pour les décisions réservées.
Réduction des délais de prescription
L’ordonnance réduit les délais de prescription des actions en nullité, passant de trois à deux ans pour les nullités relatives à la société, aux décisions postérieures à sa constitution ou aux apports.
Pour les augmentations de capital dans les sociétés par actions, ce délai est ramené à trois mois, et pour les sociétés cotées, l’action devient irrecevable après la réalisation de l’opération. Ces délais raccourcis, applicables dès le 1er octobre 2025, y compris pour les actions antérieures via un régime transitoire, visent à limiter les incertitudes juridiques prolongées.
La violation des statuts
L’ordonnance pose un principe général selon lequel « la violation des statuts ne constitue pas une cause de nullité » (art. 1844-10, al. 4 nouveau du Code civil), tout en réservant la possibilité de dispositions législatives dérogatoires.
Pour les sociétés par actions simplifiées (SAS), il sera désormais possible d’insérer dans les statuts une clause prévoyant la nullité des décisions violant les règles statutaires, ce qui limite les actions en nullité en dehors de ces cas.
Dispositions en matière de nullité applicables aux sociétés commerciales
L’ordonnance distingue les cas où la sanction de la violation des règles est la nullité et ceux où la sanction est la possibilité d’une action en nullité auprès du juge.
- Nullité des nominations des organes de sociétés anonymes (SA)
Nullité automatique pour violation des règles sur :
- Compétence de l’assemblée générale.
- Équilibre hommes-femmes dans les SA.
- Nomination d’un représentant permanent d’une personne morale.
- Cumul mandat d’administrateur/contrat de travail.
- Rémunération des administrateurs.
- Exigence de personne physique pour président du conseil d’administration, de surveillance ou membre du directoire.
Action en nullité possible devant le juge pour :
- Dépassement de la limite d’âge des administrateurs, membres du conseil de surveillance ou directoire.
- Administrateur représentant le personnel.
- Dispositions similaires pour les sociétés en commandite par actions.
- Non applicable aux sociétés par actions simplifiées (SAS).
2. Nullité des assemblées générales des sociétés par actions
En cas violation des règles prévues par le code de commerce applicables aux assemblées générales, l’assemblée n’est pas nulle mais elle peut être annulée par le juge.
Il s’agit notamment des règles en matière de convocation, de quorum, de compétence et de communication des documents aux actionnaires.
Par exception, la violation des règles en matière changement de nationalité de la société est sanctionnée par la nullité de l’assemblée.
3. Nullité des transformations
Transformation SARL en SA :
Action en nullité pour non-respect de la majorité requise ou absence de rapport du commissaire aux comptes.
Nullité automatique pour absence d’unanimité en cas de transformation en SNC ou société en commandite.
Transformation en société par actions :
Action en nullité pour non-approbation expresse de l’évaluation des biens ou des avantages particuliers.
4. Nullité des augmentations de capital
Délai de prescription réduit pour action en nullité, 3 mois à compter de la date de l’assemblée générale ou de la décision contestée.
5. Nullité des fusions et Scissions
Concernant ces opérations de restructuration, les dispositions afférentes à leur régime de nullité sont relocalisées au sein des articles L236-2-1 (s’agissant des fusions) et L236-19-1 du Code de commerce (s’agissant des scissions).
La nullité d’une telle opération ne peut résulter que de la nullité de la délibération de l’une des assemblées qui ont décidé l’opération ou du défaut de dépôt de la déclaration de conformité.
L’ordonnance a prévu un délai de prescription spécifique pour l’action en nullité d’une fusion : six mois à compter de la date de la dernière inscription au registre du commerce et des sociétés rendue nécessaire par l’opération.
6. Nullité des décisions des SAS
- Règle générale : violation des statuts n’entraîne pas de nullité.
- Exception : les statuts peuvent prévoir la nullité des décisions prises en violation de leurs règles.
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