Historiquement, le domaine de la régularisation en matière d’autorisation d’urbanisme est intimement lié à la consécration jurisprudentielle du régime du permis de construire modificatif (I/).

Pourtant, le contentieux de l’urbanisme représente encore près de 5% des affaires portées devant la Juridiction administrative (+7% en 2019) et, à ce jour, 76% des recours en la matière porte sur le contentieux des autorisations individuelles dont, en premier lieu, les permis de construire.

Face à la complexification de ce contentieux, le Législateur est intervenu sur la base des « Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace » (rapport Maugüé), afin d’inciter à la régularisation, en cours d’instance, des permis de construire contestés.

Dorénavant, le Bénéficiaire, l’Administration et le Juge administratif disposent d’un éventail d’instruments juridiques susceptibles d’aboutir à régularisation, spontanée ou provoquée, de toute autorisation d’urbanisme contestée (II/).


Présentation des grands principes de la régularisation des autorisations d’urbanisme

Progressivement, la jurisprudence en matière de régularisation des autorisations d’urbanisme a desserré le « carcan » lié à la pratique du permis de construire modificatif.

  • La régularisation est indifférente à la nature du vice révélé :

La régularisation d’une autorisation d’urbanisme est indifférente à la nature du vice révélé. Ainsi, la régularisation peut porter sur un vice matériel (pour la modification de la hauteur de la construction : Conseil d’État, 2/6 SSR, 9 décembre 1994, SARL Séri, n°116447, aux Tables) ou juridique (pour la régularisation de vices de forme ou de procédure : Conseil d’État, 2 février 2004, SCI La fontaine de Villiers, n°238315, aux Tables). En revanche, la date d’appréciation de son caractère régularisable sera différente selon la nature du vice révélé.

Ainsi, l'existence d’un vice de procédure est appréciée au regard des règles applicables à la date de la décision litigieuse. Partant, un tel vice doit, en principe, être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Inversement, s’agissant d’un vice entachant le bien-fondé d’un permis de construire, dorénavant le juge se prononce sur son caractère régularisable au regard des dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue. En tel cas, le juge constate qu'au regard de ces nouvelles dispositions, le permis ne présente plus les vices dont il était initialement entaché : Conseil d'État, 10/9 CR, 3 juin 2020, Société Alexandra, n°420736, Aux Tables.

  • La régularisation est indifférente à l’achèvement de la construction :

La faculté de régulariser une construction n’est plus soumise à la condition originelle impliquant que les travaux autorisés par le permis initial n'aient pas été achevés : Conseil d'État, 1/6 SSR, 22 février 2017, n°392998, Publié au recueil Lebon.

Toutefois, l’achèvement fera obstacle à la délivrance d’un permis modificatif. En tel cas, le titulaire devra solliciter la délivrance d’un nouveau permis de construire portant sur l’ensemble des éléments de la construction modifiant le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé et respecter les règles d’urbanisme en vigueur : Conseil d'État, 1/4 CR, 25 novembre 2020, n°429623, Aux Tables.

  • La régularisation est indifférente au caractère substantiel des modifications :

Dorénavant, un vice entachant le bien-fondé d’une autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation et qu’une telle mesure n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même : Conseil d'État, Section, 2 octobre 2020, n°438318, Publié au recueil Lebon.

  • La régularisation peut prendre la forme d’une dérogation :

Le Conseil d'État retient que le champ du permis de régularisation permet au bénéficiaire de demander l’application des dérogations aux règles d’urbanisme listées au code éponyme : « La mesure de la régularisation prise au titre de ces dispositions peut, le cas échéant, prendre la forme d'une dérogation aux règles d'urbanisme applicables, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme, à la condition que le pétitionnaire ait formé une demande en ce sens conformément aux dispositions de l'article R. 431-31-2 du code de l'urbanisme. » : Conseil d'État, 6/5 CR, 17 décembre 2020, n°432561, Aux Tables.

Une telle régularisation pourrait intervenir sur l’intégralité du champ des « dérogations » visées à la section intitulée « Dérogations au plan local d'urbanisme » au terme de laquelle figure, notamment, les travaux d’accessibilité aux personnes handicapées (article L. 152-4 du même code), les mesures d’isolation des façades et toitures (article L. 152-5 du même code) et les objectifs de mixité sociale (article L. 152-6 du même code). A l’avenir, l’extension de cette jurisprudence aux « adaptations mineures », visées à l'article L. 152-3 du code de l’urbanisme pourrait également être envisagée.


Présentation des principaux mécanismes de régularisation

La régularisation d’une autorisation d’urbanisme peut intervenir sous la forme d’une régularisation spontanée en cours d’instance, d’une régularisation provoquée en cours d’instance ou d’une régularisation provoquée par l’issue de l’instance.

  • La régularisation spontanée en cours d’instance :

Introduit par la Loi Elan du 23 novembre 2018 (sobrement intitulée « Construire plus, mieux et moins cher »), l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme offre au bénéficiaire du permis de construire attaqué un outil efficace lui permettant de soumettre toute mesure de régularisation délivrée à l’appréciation du juge administratif :

« Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. »

En conséquence, dans l’hypothèse d’un vice régularisable, notamment décelé lors de l’audit du permis de construire ou révélé par le recours engagé à son encontre, le bénéficiaire du permis initial peut obtenir de l’administration un permis de construire modificatif ou de régularisation qu’il soumettra, le cas échéant, au débat contentieux introduit à l’encontre du permis initial.

La régularisation spontanée de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme a pour avantage notable de réduire sensiblement le délai d’instruction contentieux, le juge administratif pouvant retenir qu’une telle mesure a pour effet de régulariser le vice révélé : Conseil d'État, 5/6 CR, 22 février 2018, SAS Udicité n°389518, aux Tables. Toutefois, compte tenu de sa technicité et de ses multiples implications procédurales, la mise en œuvre d’un tel outil s’adresse principalement à un public averti.

  • La régularisation provoquée en cours d’instance :

Sans préjudice de la mise en œuvre du mécanisme de la régularisation spontanée (Conseil d'État, SAS Udicité, op. cit.) l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme permet au juge administratif, d’office ou sur invitation d’une partie, de surseoir à statuer pour permettre au bénéficiaire d’obtenir une mesure de régularisation :

« Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. »

En conséquence, en présence d’un vice dont le caractère régularisable a été retenu par le juge, le bénéficiaire du permis disposera d’un délai déterminé pour obtenir un permis de construire modificatif ou de régularisation qu’il transmettra, le cas échéant, à la Juridiction.

La régularisation provoquée de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme a pour avantage notable de restreindre la discussion contentieuse au(x) seul(s) vice(s) retenus et à leur(s) condition(s) de régularisation (sous réserve de toute autre modification du permis initial).

En revanche, cet outil a pour effet de rallonger sensiblement le délai d’instruction (en moyenne, entre 6 et 12 mois). Malgré le caractère didactique d’une telle mesure, la présence d’un conseil avisé est fortement recommandée.

  • La régularisation provoquée à l’issue de l’instance :

Sans préjudice des mécanismes précités, l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme permet au juge administratif, d’office ou sur invitation d’une partie, annuler partiellement une autorisation d’urbanisme :

« Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. »

En conséquence, notamment dans l’hypothèse où le bénéficiaire de l’autorisation n’a pas demandé le bénéfice d’une mesure de régularisation, le juge administratif peut prononcer l’annulation partielle de l’autorisation contestée.

Partant, soit l’annulation partielle portera sur une partie juridiquement et matériellement divisible du projet. En tel cas, l’autorisation initiale survivra. Soit l’annulation partielle portera sur une opération indivisible. En tel cas, sous peine de caducité, l’autorisation partiellement annulée devra faire l’objet d’une demande de régularisation.

La mise en œuvre du mécanisme de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme a pour principal avantage de mettre un terme à la phase contentieuse, sous réserve de l’exercice d’une voie de recours par l’une ou l’autre des parties.


Ainsi, qu’il s’agisse d’une régularisation spontanée ou provoquée, en cours ou à l’issue de l’instance, la régularisation des autorisations d’urbanisme dispose dorénavant d’un cadre juridique étendu dont les bénéficiaires et l’administration pourront utilement se saisir.