Le notaire instrumentaire, a informé la SAFER du projet de vente démembrée par un propriétaire d’une parcelle sise sur la commune de Chesley, cadastrée section ZX n°9, d'une superficie de 10ha 80a, pour un prix de 109 600 euros. Il était convenu au terme de ce premier projet de vente que l'usufruit de la parcelle serait transféré à l'Earl P. et la nue-propriété à M. Sébastien P..

   La SAFER a exercé son droit de préemption en pleine propriété, au prix révisé de 70 200 euros. Le notaire a informé celle-ci de la renonciation du vendeur au projet de vente.

    Peu de temps après, par deux actes authentiques du 16 août 2011, le vendeur a cédé sa propriété, sans notification préalable à la SAFER, l'usufruit a été attribué à l'Earl P. et la nue-propriété à M. Julien P. Ces deux actes de vente ont été publiés au service de la publicité foncière.

    La SAFER a assigné le notaire, les vendeurs et les acquéreurs devant le tribunal de grande instance de Troyes aux fins de voir annuler les deux actes de vente, invoquant la violation de son droit de préemption, et celle de l'obligation de notification de toutes les ventes par le notaire, conformément à l'article R 143-4 du code rural, cette obligation de notification concernant toute vente, qu'elle soit en pleine propriété ou démembrée.

   Le Tribunal a prononcé la nullité des actes authentiques portant vente par M. H. à l'Earl P. de l'usufruit de la parcelle cadastrée ZX9 et à M. Julien P. de la nue-propriété de ladite parcelle.

     La Cour d'appel, Reims, a rappelé qu’en vertu de l'article L 412-12 (3ème alinéa) du code rural et de la pêche maritime, que le locataire - et, par analogie, la SAFER - dont le droit de préemption a été méconnu doit, s'il veut annuler la vente conclue en méconnaissance de son droit de préemption, agir en nullité "dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue" ,et que la publication de l'acte de vente litigieux à la conservation des hypothèques ne fait pas, à elle seule, courir le délai de forclusion de six mois précité, lequel suppose, de la part du titulaire du droit de préemption méconnu, la connaissance effective de la date de la vente.

      En l’espèce En l'occurrence, la SAFER a eu connaissance de la vente par la délivrance du relevé des formalités par le service de la publicité foncière, le 2 décembre 2011. Dès lors, son action en annulation des ventes, initiée par exploits d'huissier des 23 et 30 mai 2012, a bien été engagée dans les six mois et ne se heurte pas à la forclusion.

  Sur le fond, la Cour a jugé que :

           - en application du droit applicable, au moment de la vente litigieuse, le droit de préemption de la SAFER ne pouvait jouer, hormis le cas de fraude, à l'occasion de la vente de la nue-propriété ou de l'usufruit d'un bien rural.

       - Est frauduleuse l'opération qui a pour but de faire échec au droit de préemption. L’absence de notification de la vente par le notaire instrumentaire, et la réitération de la vente par démembrement de propriété, un mois après une première tentative de vente pour laquelle la SAFER avait manifesté sa décision de préempter, suffisent à démontrer la fraude, c'est-à-dire le recours à la vente démembrée pour faire échec au droit de préemption.

  La Cour de Cassation approuve, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que le recours à la vente démembrée, pour faire échec au droit de préemption de la SAFER, suffisait à démontrer la fraude, qui justifient l’annulation des ventes. (Cass. Civ.3° .12 Avril 2018. N° 17-13.856.)