Le 12 juillet 2012, M. Patrice S., non-voyant, né le 3 novembre 1972, s'est rendu en compagnie de sa compagne, Mme Magali S., et de ses deux enfants sur le Parcours Aventures de Leucate exploité par la SARL Leucate Aventures. Ce parc d'activités de parcours acrobatiques en hauteur (PAH), situé dans une pinède, et proposant différents parcours de filets suspendus, des aires de jeux et des tyroliennes, est présenté comme étant accessible à tous à partir de l'âge de trois ans sous réserve de la taille pour certaines activités.

            Compte tenu de sa cécité, M. S. s'est renseigné auprès du personnel du parc sur la compatibilité de son handicap avec les différentes activités proposées par la SARL Leucate Aventures qui a accepté sa présence.

            Rassuré par les organisateurs, M. S. a essayé en compagnie de son fils âgé de 8 ans, une tyrolienne, et a effectué, sans difficulté, au moins une première descente.

            Au cours d'un nouveau parcours, précédé par son fils, M. S., ayant adopté une position avec les jambes tendues, a heurté avec sa jambe gauche un arbre qui se trouvait à proximité du passage de la tyrolienne. Conduit au service des urgences de la clinique de Perpignan, il lui a été diagnostiqué une fracture subluxation de la cheville gauche.

            Par la suite, il a subi trois interventions chirurgicales, pour procéder à la pose de deux vis de compression, et pour retirer le matériel.

            M. Patrice S.,a assigné , SARL Leucate Aventures, de son assureur, la société MMA IARD Assurances Mutuelles.Par jugement du 21 mars 2017, le Tribunal de Grande Instance du Mans a, au visa de l'article 1147 ancien du code civil , a dit que la SARL Leucate Aventures a manqué à son obligation de sécurité à l'égard de M. S. et l'a déclaré entièrement responsable de l'accident du 12 juillet 2012 et des conséquences dommageables subies par la victime , précisant que l'organisateur d'un parc de loisirs comportant des parcours d'aventure, est tenu d'une obligation de sécurité de moyen, qu’en l’espéce, la SARL Leucate Aventures avait commis une négligence fautive, en ne tenant pas suffisamment compte de la cécité de M. S. pour adapter ses recommandations et diligences.

            La SARL Leucate Aventures et son assureur la société MMA IARD Assurances Mutuelles ont interjeté appel total de cette décision, soutenant que la responsabilité de la SARL Leucate Aventures n’est nullement encourue sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil, M. S. ne rapportant pas la preuve d'une faute d'imprudence, d'inattention ou de négligence lui étant imputable, que de manière générale, la SARL Leucate Aventures a l'habitude de recevoir des usagers atteints de cécité et de prendre en considération leur handicap pour les parcours qu'elle leur propose, au cours desquels ils sont sécurisés de manière permanente par un système 'Bornack' de mousquetons indécrochables et par la pose de matelas sur les troncs d'arbres en bordure de parcours pour limiter les chocs.

            Les appelantes réfutent toute dangerosité, elles se prévalent de la conformité du parc de loisirs de la SARL Leucate Aventures aux normes d'équipement applicables, attestée lors d'un contrôle effectué le mois précédant l'accident, ayant porté notamment sur la tyrolienne.

            Plus spécifiquement, elles font valoir que le fait que la SARL Leucate Aventures ait autorisé M. S. à pratiquer l'activité de tyrolienne ne caractérise aucune faute d'imprudence dès lors que la victime a fait préalablement l'objet d'un parcours de test réalisé seul permettant d'évaluer objectivement son aptitude conformément aux prescriptions de la décision MLD 2013-69 du 11 avril 2013 relative à l'accès des personnes en situation de handicap aux activités de parcours acrobatiques en hauteur et à l'article 3.1 du règlement intérieur de la société organisatrice.

            Elles soutiennent enfin que la SARL Leucate Aventures a apporté une attention particulière aux mesures de sécurité compte tenu de la cécité de M. S. Elles reprochent au tribunal de ne pas avoir tiré les conséquences du fait que l'accident soit survenu à l'occasion de la troisième descente en tyrolienne, alors que la victime avait préalablement reçu une formation par son guide sur le matériel et sur le parcours, ce qu'elle n'a pas contesté, et qu'elle avait expressément reçu les consignes de sécurité, notamment quant à la position à adopter lors des parcours, par le personnel de la SARL Leucate Aventures tant lors du parcours test préalable, qu'à chaque départ de la tyrolienne. Elles observent qu'il était assuré durant ses parcours par trois opérateurs, tous diplômés, y compris M. M. placé au départ.

            La Cour d'appel, d’Angers rappelle qu’en application de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ;qu’il  est constant que l'organisateur d'un parc de loisirs proposant un parcours d'aventure dans des arbres en empruntant une tyrolienne descendante, activité impliquant un rôle pour partie actif de chaque participant, est assujetti à une obligation contractuelle de sécurité de moyens, de sorte que l'engagement de la responsabilité suppose par principe la démonstration de la faute par la victime ;que l'obligation de moyens à laquelle est tenue l'organisateur doit être appréciée avec rigueur lorsqu'il s'agit d'une activité potentiellement dangereuse , susceptible de porter atteinte à l'intégrité physique du participant spécialement lorsqu'elle est ouverte à tout type de public.

            La Cour retient encore que La SARL Leucate ne rapporte pas la preuve qu'il a été donné à M S. une information suffisante sur la topographie du parcours, alors en outre qu'il n'est pas davantage établi qu'une reconnaissance préalable du parcours ait été organisée.

L'appelante ne pouvait pas limiter son obligation de sécurité au contrôle de l'aptitude physique et mentale de l'intimé à la pratique de l'activité et à l'utilisation des matériels sur un parcours test.

            La Cour juge alors que la SARL Leucate Aventures a commis une faute d'imprudence, manquant à ses obligations contractuelles en ne tenant pas suffisamment compte du handicap de cécité de M. S. pour adapter plus spécifiquement ses consignes de sécurité et pour renforcer l'information sur la topographie du parcours, au besoin en lui faisant effectuer une reconnaissance préalable à pied pour qu'il puisse se rendre compte de la proximité des arbres.(C.A .Angers. 18 juin 2019. N° 17/00782 . JurisData N° 2019-011466.)