Dans un arrêt ancien (Cass. civ., 15 avr. 1872 : Bull. civ., n° 72), la Cour de cassation proscrit au juge de réaliser une interprétation, lorsque les termes d’une convention sont clairs et précis, sous peine de dénaturation. Cette interdiction prétorienne est légalisée, lors de la réforme du droit des obligations, apparaissant, en droit positif, à l’article 1192 du Code civil. Toutefois, la cour régulatrice ne cantonne plus l’interdiction de dénaturation à la seule sphère contractuelle, elle élargit son champ d’application au champ procédural et généralise la prohibition pour toute forme d’écrit. Reformulant le principe, sous forme de visa, elle indique « vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ». Dans le contentieux relatif à la prestation compensatoire, les arrêts rendus par la Haute juridiction montrent que tout acte de procédure peut être intéressé, tout au long de la phase du procès.

            Outre les conclusions clairement formulées (Cass. 1re civ., 30 nov. 2022, n° 21-11.334 : JurisData n° 2022-024083), la dénaturation peut avoir trait aux pièces de procédure, notamment l’information relative à la date de l’acquiescement au jugement du divorce (Cass. 1re civ., 15 févr. 2023, n° 21-22.134 : JurisData n° 2023-004374) ; à la communication de pièces (Cass. 1re civ., 15 mars 2023, n° 21-18.059 : JurisData n° 2023-004377) ; à l’objet d’une demande en justice (Cass.1re civ., 23 mars 2022, n° 20-22.850 : JurisData n° 2022-024082). Cela peut encore porter sur l’existence d’une déclaration d’appel (Cass. 1re civ., 15 mars 2023, n° 20-20.730).

            On constate alors que le principe d’interdiction de dénaturation ne porte pas seulement sur le contenu de l’écrit, il aborde également son existence ou son contenant. La Cour de cassation contrôle le fait que le juge altère une disposition écrite de manière erronée. Cela rappelle la dénaturation, en tant que vice de motivation, donnant lieu de longue date à un cas d’ouverture au pourvoi en cassation. Sous couvert d’une reformulation du principe de dénaturation, ne serait-ce pas un instrument de contrôle de la cour régulatrice sur les prérogatives du juge et sur sa fonction de juger ?(  Sonia Ben Hadj Yahia - Droit de la famille n° 5, Mai 2023, comm. 72. Cass. 1re civ., 15 févr. 2023, n° 21-22.134  : JurisData n° 2023-004374.VEILLE LEXIS NEXIS.)