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MEMOIRE

Diplôme Universitaire de Médiateur

(2nde partie)

formation N° 201920.27  IFOMENE de PARIS

 

 

L’Homologation de l’accord de Médiation, enjeux et perspectives

 

 

Juillet 2021

 

Sophie PRESTAIL

Avocat au Barreau de GRENOBLE

 

 

 

 

 

PREAMBULE AJOUTE APRES REDACTION ET DEPOT DU MEMOIRE

 

Ce mémoire avait notamment été inspiré par un projet de loi d’avril 2021 : La loi pour la confiance dans l'institution judiciaire,

Cette loi a été adoptée en décembre 2021, postérieurement à la rédaction du présent mémoire.

 Dès l’entrée en vigueur de cette loi, tout accord de médiation rédigé par acte contresigné d'avocat pourra être revêtu de la formule exécutoire par le greffe et valoir ainsi titre exécutoire, au même titre d'un jugement ou un acte notarié.

L'accord de médiation, ou conciliation (notamment), rédigé par acte d'avocat est ajouté à la liste des titres exécutoires de l'article L111-3 du CPCE.

 

 

 

 

Table des Matières

 

Introduction :                                                                                                         Page  4

 

Première Partie : L’homologation de l’accord de Médiation devrait-elle

                            être automatique ?                                                                                                         Page  7

 

Seconde Partie : Opportunité d’une modification du système actuel

                            d’homologation de l’accord de médiation   

                            (quelle procédure pour l’homologation)?                                                                                                         Page 16

 

  1. Système actuel :                                                                                             Page 16
  2. Autres modes d’obtention de la force exécutoire de

l’accord de médiation envisagés / envisageables :Page 21

 

Conclusion :                                                                                                          Page 26

 

Bibliographie :                                                                                                          Page 28

 

Annexes :                                                                                                         Page 30

 

 

 

INTRODUCTION

 

Le principe même de la Médiation remonte aux premières civilisations.

Ses prémices se trouvaient déjà dans certains courants philosophiques de la Grèce antique, et le terme même de « Médiation » a été retrouvé sur les tablettes d’argile sumériennes de plus de cinq mille ans.[1]

La Médiation existe ainsi dans toute forme de vie en Société, moderne, ancienne, traditionnelle, occidentale ou non.

De tout temps, et dans tout pays, des personnes confrontées à un différend se réunissent autour d’une table afin de rechercher une solution adéquate pour tous.

Elle est donc historiquement une alternative à un procès (ou une forme totalement déjudiciarisée de justice).

Le procès n’apportera qu’une solution juridique à un litige, sans nécessairement régler le différend ayant donné lieu à ce litige.

Tandis que la médiation aura pour objectif de résoudre, autant que faire se peut, le différend lui-même, sans se limiter au litige à proprement parler tel que les parties l’auraient focalisé.

En Médiation, les parties vont être maître de leur solution à leur différend ; solution qui leur convient et répondant à leurs besoins, tandis que dans le procès, elles remettent à un tiers impartial, le juge, le  soin, mais également le pouvoir, de trancher leur litige.

 

La Médiation a cependant été structurée, petit à petit, par les praticiens en premier lieu (cf. notamment le code national de Déontologie du Médiateur : annexe 5), mais également par le législateur lui-même.[2]

La médiation, en France, est passée, petit à petit, d’un mode informel et naturel, à un processus structuré, en parallèle de la justice, voire inclus dans le système judiciaire.

En effet, si la médiation peut être purement conventionnelle, c’est-à-dire intervenir en dehors de tout procès, elle peut également être judiciaire, et l’est de plus en plus, sous l’impulsion du législateur,

La médiation judiciaire est ordonnée par le Juge, et est ainsi déjà rattachée à une procédure.

Ainsi, selon le Code National de Déontologie du Médiateur, « La médiation, qu’elle soit judiciaire ou conventionnelle, est un processus structuré reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants qui volontairement, avec l’aide d’un tiers neutre, impartial, indépendant et sans pouvoir décisionnel ou consultatif, favorise par des entretiens confidentiels, l’établissement et/ou le rétablissement des liens, la prévention, le règlement des conflits. »[3]

Si le Code de conduite européenne parle lui de procédure  et non de processus, pour autant, les différents codes français ont retenu le terme de processus, à l’instar du Code de Déontologie des Médiateurs  Judiciaires. [4]

Ainsi, la Médiation se distingue donc encore clairement du procès, retenant  une approche totalement différente, et poursuivant même, dans l’absolu, un but différent.

Elle est aujourd’hui l’un des Modes Alternatifs de Règlement des Différends (MARD).

Pour autant, elle se trouve de plus en plus liée au monde judiciaire, et ce notamment via l’homologation possible des accords trouvés en médiation.

Pour rappel,  en fin de mesure un accord peut être trouvé ; c’est ce que l’on appelle « l’accord de médiation » ; il peut être oral, mais est généralement formalisé par un écrit entre les médiés ; rédigé par eux ou leurs conseils.

Ils peuvent ensuite décider de soumettre cet accord à l’homologation du juge.

La médiation rejoint alors le monde judiciaire.

La médiation peut avoir besoin de la justice (au sens régalien du terme), et de ses tribunaux, une fois la solution dégagée et un accord trouvé.

L’accord qui serait trouvé dans le cadre d’une médiation judiciaire sera plus aisément, ou à tout le moins plus naturellement, soumis à une homologation par le juge.

Tandis qu’en matière de médiation conventionnelle, passer devant le juge une fois une accord trouvé, peut sembler moins évident, qui plus est pour des médiés qui ne seraient pas assistés d’avocats pour les informer de l’opportunité éventuelle de saisir le juge aux fins d’homologation de leur accord, alors précisément que pour eux, ils ont ainsi déjà mis fin à leur différend.

Cette homologation est-elle toujours nécessaire, voire opportune ; doit- elle être obligatoire ou laissée à la discrétion des parties ?

Ce sont les premières questions sur lesquelles nous nous pencherons (Première Partie),

Pour ensuite  essayer de déterminer quelle forme elle devrait idéalement revêtir ; et si elle  doit être soumise à un magistrat nécessairement, avec un risque d’appréciation de sa part, ou être beaucoup moins formelle et laissée aux soins du greffe par exemple ?

La question mérite d’être posée au regard de la réflexion menée par Monsieur DUPOND-MORETTI, Garde des sceaux, qui envisage de rendre l’homologation des accords de médiation par simple « enregistrement par le greffe, sans soumission au magistrat lui-même. », dans certains cas à tout le moins.[5]

De tout cela, ressort un réel et incontestable intérêt et apport de la formation qui a pu être dispensée dans le cadre des Diplômes Universitaires 1 et 2 de Médiation, que le présent mémoire vient clôturer.

 

PREMIERE PARTIE :

L’HOMOLOGATION DE L’ACCORD DE MEDIATION DEVRAIT-IL ÊTRE SYSTÉMATIQUE ?

 

La Loi prévoit expressément la possibilité de demander l’homologation de l’accord passé par un Tribunal.

L’homologation de l’accord de médiation conventionnelle est prévue par l’article 1534 du Code de procédure Civile selon lequel  « La demande tendant à l'homologation de l'accord issu de la médiation est présentée au juge par requête de l'ensemble des parties à la médiation ou de l'une d'elles, avec l'accord exprès des autres. »[6]

L’homologation de la médiation judiciaire est quant à elle prévue par l’article 131-12  du même Code : « A tout moment, les parties, ou la plus diligente d'entre elles, peuvent soumettre à l'homologation du juge le constat d'accord établi par le médiateur de justice… »

En matière administrative, cette homologation est régie par l’article L 213-4 du Code de Justice Administrative.

Pourtant, pourquoi rapporter devant les Tribunaux un processus qui se déroule précisément hors des prétoires (même lorsqu’il s’agit d’une Médiation judiciaire) ?

La question mérite d’autant plus d’être posée que, de nos jours, le législateur prône la déjudiciarisation, et recherche sans cesse le moyen de réaliser des économies, y compris sur le budget de la Justice.

Le système judiciaire actuel est en effet à l’asphyxie, manque de moyens, de temps ; la déjudiciarisation est ainsi considérée par le législateur et les pouvoirs publics comme une alternative, un moyen de désencombrer les tribunaux.

La médiation est pourtant tellement plus ; ce point de vue la réduit à une sorte de sous-justice, alors qu’elle est un système totalement distinct et différent.

Mais au-delà de ce débat, quel est l’intérêt alors de ramener les médiés devant les tribunaux, une fois leur solution trouvée ?

D’un point de vue purement pragmatique, ou sur le plan de l’économie nationale, soumettre l’accord de médiation à une homologation, telle que nous la connaissons actuellement, semble inapproprié.

Inapproprié par rapport au but recherché par le législateur, contraire à la philosophie première de la médiation, contraire au choix des médiés qui était précisément de s’éloigner des tribunaux.

 

Pourtant, pour que la Médiation puisse poursuivre sa progression, et avoir le succès qu’elle mérite, elle se doit d’apporter des garanties aux médiés.

Elle se doit de leur apporter une certaine sécurité.

Historiquement, et aujourd’hui encore dans bon nombre de pays, la clé du succès d’un tel procédé réside notamment dans la confiance de la parole donnée.

Pour autant, et paradoxalement, dans une Société occidentale comme la nôtre, régulièrement qualifiée d’Etat de droit, le respect de la parole donnée a, malheureusement perdu toute valeur ou presque.

Bien souvent, il n’est plus suffisant que l’une des parties s’engage oralement, ou même simplement par écrit.

L’accord de Médiation n’échappe malheureusement pas à cette difficulté.

En effet, quand bien même l’accord de médiation est trouvé et librement accepté par les parties, son exécution, qui plus est dans le temps, peut se révéler quelques fois difficile.

L’accord doit pouvoir répondre à l’éventuel besoin de sécurité des Médiés quant au respect des engagements ainsi pris dans le cadre de la mesure.

C’est donc pour une meilleure et pleine efficacité, qu’il sera ainsi quelquefois nécessaire de passer devant le Tribunal aux fins d’homologation de l’accord de médiation.

 

Les effets de l’accord de médiation dépendent intrinsèquement de sa nature juridique.

Pourtant, précisément, comme le rappellent Françoise HOUSTY et Pierrette AUFIERE,  sa nature est loin d’être claire et déterminée. [7] 

Tout d’abord parce que cela dépend si elle renferme un engagement de chacun des médiés ou d’une seule personne ; des engagements réciproques ou non etc.

Il ne s’agira donc pas nécessairement d’un contrat ou d’une convention synallagmatique au sens juridique du terme.

La médiation n’a pas non plus, par principe, la nature d’une transaction ; sauf éventuellement si les parties lui donnent elles-mêmes cette qualification, avec tous les risques que cela peut comporter notamment quant aux conditions de validité propres aux transactions qu’il faudrait alors que l’accord de médiation respecte (et notamment la démonstration de concessions réciproques).

Sa nature juridique est donc non définie. Ceci étant, l’accord de médiation  est, en principe, un acte juridique sous seing privé (à tout le moins hors droit administratif). [8]

 

Un accord de médiation est, par principe, exécutoire de plein droit. Ceci a été expressément rappelé par un jugement très commenté rendu par le Tribunal Administratif de Poitiers.[9]

Cela signifie qu’il doit recevoir exécution et être respecté par ses signataires dès que l’accord est ainsi formalisé.

Ceci vaut de façon générale pour tout contrat, ou acte sous seing privé. Pour autant, à défaut de respect par son signataire, il ne pourra y être contraint sans démarche préalable.

En effet, il ne faut pas confondre la nature exécutoire d’un acte et  un « Titre Exécutoire »

En droit français seuls peuvent faire l’objet d’une exécution forcée les actes que l’on nomme les « Titres Exécutoires ».

Concrètement seuls ces titres peuvent faire l’objet d’une exécution forcée, dans l’hypothèse où l’autre partie se refuserait à accomplir les diligences ou obligations mises à sa charge.

Ces actes sont ainsi revêtus d’une « formule exécutoire » laquelle permet à son bénéficiaire d’en obtenir une exécution forcée, en recourant au besoin  à un huissier de justice, ou à la force publique par exemple.

Les titres exécutoires sont cependant limitativement énumérés par la loi :

« Seuls constituent des titres exécutoires :

1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire

2° Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d'un recours suspensif d'exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l'Union européenne applicables ;

3° Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;

4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;

4° bis Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce ou à leur séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposés au rang des minutes d'un notaire selon les modalités prévues à l'article 229-1 du code civil ;

5° Le titre délivré par l'huissier de justice en cas de non-paiement d'un chèque ou en cas d'accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l'article L. 125-1 ;

6° Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement. »[10]

L’accord de médiation n’en fait donc pas partie.

Cela signifie concrètement que si l’un des médiés ne respectait pas l’accord trouvé, l’autre partie n’aurait d’autre moyen de l’y contraindre que de réengager une mesure telle que la médiation, ou de saisir le Tribunal d’une demande en exécution forcée de cet accord, ou d’une demande d’indemnisation, et  à la condition que les termes dudit accord n’excluent pas directement ou indirectement une telle saisine.

Or pour que la médiation puisse avoir un attrait pour les parties, il faut que cette mesure leur assure l’efficacité de l’accord trouvé, et ainsi exclure, autant que faire se peut, de devoir tout reprendre du début. Il faut également que les signataires de l’accord se sentent réellement engagés par l’accord trouvé.

Aujourd’hui, pour qu’un accord de médiation soit revêtu de la formule exécutoire, il doit donc être homologué par un Juge. Cette homologation a bien évidemment été prévue par le législateur qui souhaitait développer ce processus et donc lui donner pleine efficacité.

S’il s’agit d’une médiation judiciaire,  l’homologation peut tout simplement être demandée devant le juge saisi du litige et qui avait ordonné la mesure.

Dans les autres cas, l’homologation relèvera de la compétence du juge qui aurait eu à connaitre le litige si un Tribunal en avait été saisi.

 

La nature sui generis de l’accord de médiation rend son homologation la solution la plus générale et, a priori, la plus efficace, pour lui conférer force exécutoire et ainsi lui donner plein effet.

Pourtant, même son homologation ne mettra pas l’accord de médiation à l’abri de toute critique ou remise en cause.

En matière de médiation telle que prévue par le code de la consommation, dans le cadre des actions de groupe, cette homologation apportera une garantie parfaite s’il en est.

En effet, L'homologation de l'accord de médiation rend irrecevable une nouvelle action de groupe fondée sur les mêmes faits, les mêmes manquements et la réparation des mêmes préjudices (C. consom., art. L. 423-23).La décision d'homologation de l'accord de médiation a autorité de chose jugée “à l'égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure”(C. consom., art. L. 423-21).[11]

 

Pourtant, de façon générale, hors cas spécifiques tels que les actions de groupe,  l’homologation ne rendra pas pour autant l’accord de médiation parfait définitif et inattaquable.

Certes il sera revêtu de la formule exécutoire et pourra donc faire l’objet d’une exécution forcée, mais pour autant, un accord de médiation, même homologué, pourra toujours être discuté  devant le Juge de l’exécution comme l’a rappelé la Cour de cassation en 2017).[12]

Cette contestation restera néanmoins relative dans la mesure où le Juge de l’exécution n’a jamais le pouvoir de remettre en cause, à proprement parler, un titre exécutoire.

La Cour de cassation a en outre déjà eu l’occasion  de juger que l'exercice d'une voie de recours après homologation d'un protocole d'accord résultant d'une médiation peut être abusif.[13]

S’il peut être remis en cause un accord de médiation homologué apporte donc une réelle sécurité juridique et garantie d’exécution (forcée au besoin).

Dans ces conditions pourquoi hésiter, si l’on passe au-delà du fait que l’homologation réintroduit une part de judiciaire dans la médiation ?

 

En réalité l’homologation peut poser d’autres difficultés ; c’est notamment le cas sur le plan de la confidentialité.

Confidentialité qui est un des principaux piliers de la médiation.

Pourtant prévoir une homologation de l’accord trouvé nécessite qu’il soit divulgué, a minima au magistrat chargé de cette homologation.

Avec le risque que ce même magistrat garde cet accord à l’esprit dans d’autres procès de nature similaire, voir concernant l’un, ou les, signataire(s).

Ce risque de voir flouer la confidentialité est d’autant plus grand que tout juge, et donc pourquoi pas le juge homologateur, peut exiger la mise en cause  de toute personne « dont les droits ou les charges risquent d’être affectées par la décision à prendre[14]

Cette entorse au principe de confidentialité serait le même, a priori, quel que soit le mode d’homologation retenu.

 

Cet homologation doit-elle être systématique au regard de ces inconvénients, ou réservée à certains types de contentieux ?

Être laissée à l’appréciation des médiés, comme c’est le cas aujourd’hui, ou imposée ?

Il est évident que certains types de différends ont un besoin impératif de sécurité juridique ; un contentieux entre de grandes Sociétés Internationales, ou mêmes Nationales, ou encore, en matière administrative, avec engagement des concitoyens, impose souvent qu’un accord soit formalisé et soit assorti de garanties.

En réalité, c’est aussi très souvent vrai pour des différends d’ordre privé, voire familial, ou l’on peut toujours craindre qu’une fois le temps de la Médiation passé, les médiés perdent de leur bonnes résolutions, et oublient l’intérêt que présentait cet accord pour tous.

Reste que dans d’autres domaines, une fois le conflit apaisé, la question sera sans intérêt ou presque.

Que nous disent les textes :

En matière d’action de groupe la rédaction de l'article L. 423-16 du Code de la consommation semble indiquer que l’homologation est obligatoire.[15]

Dans les autres domaines, le principe général est posé par l’article 131-12 du Code de procédure Civile, selon lequel, en matière de médiation judiciaire, l’homologation peut être demandée à tout moment par une seule des parties (ou toutes).

En revanche, en matière de médiation conventionnelle, l’article 1534 Code de procédure Civile impose que « La demande tendant à l'homologation de l'accord issu de la médiation est présentée au juge par requête de l'ensemble des parties à la médiation ou de l'une d'elles, avec l'accord exprès des autres. »[16]

Ainsi, et alors même qu’elle n’est pas rattachée à une procédure et se déroule donc entièrement en dehors du cadre judiciaire, la médiation conventionnelle pourrait être bien plus systématiquement soumise à une homologation judiciaire dans les faits.

En effet, et même si les textes ne l’imposent pas, dès lors que cette homologation nécessite l’accord de tous les médiés, elle sera généralement demandée immédiatement, et donc systématiquement ou presque, lorsque tous les médiés sont encore disposés à respecter l’accord trouvé. Il serait en effet des plus risqué d’attendre la survenance d’une difficulté dans son exécution puisqu’il serait alors très probablement impossible d’obtenir l’accord de tous les signataires pour son homologation.

La rédaction actuelle des textes, et de la procédure en vigueur, impose ainsi, probablement involontairement, qu’une homologation des accords soit systématiquement requise pour plus de sécurité.

Imposer officiellement et clairement une homologation obligatoire ne changerait donc souvent que peu de choses s’agissant des médiations conventionnelles ; cela aurait en outre  en dépit des termes de l’article 131-12 qui permet à une seule des parties de la demander, et à tout moment quémander aux autres signataires, surtout lorsque la question n’avait pas été abordée lors de la rédaction de l’accord (même si c’est généralement l’une des questions qui est systématiquement débattue).

 

En réalité, en dépit des termes de l’article 131-12 qui permet à une seule des parties de la demander, et à tout moment, la question d’une homologation quasi systématique en matière de médiation judiciaire se pose tout autant. Une fois  l’accord de médiation trouvé, lorsqu’il est total et ne porte pas seulement sur une partie du litige,  les parties vont généralement se désister de l’action en cours.

Mais se désister pour le demandeur sans s’assurer de l’effectivité de l’accord trouvé peut s’avérer risqué. Aussi de façon générale, l’homologation d’un accord de médiation judiciaire, si elle est demandée, le sera rapidement après la signature de l’accord sous peine d’être ensuite inefficace ou impossible à obtenir.

Ceci militerait donc en faveur d’une homologation systématique.

 

Reste que dans certains cas le différend est résolu, de lui-même, par la seule médiation, voir par le seul accord trouvé, sans besoin de se préserver la possibilité d’une exécution forcée.

Rendre l’homologation systématique ferait supporter à ce type d’accord les inconvénients de l’homologation sans raison aucune.

Inconvénients dont certains sont loin d’être négligeables.

Arriver à une homologation systématique éloigne un peu plus la Médiation de sa philosophie d’origine.

De plus, et comme le faisait fort justement remarquer  Xavier Vuitton, cela reviendrait à annuler l’effet tant attendu par le législateur dans les MARD à savoir le désengorgement des tribunaux (même si il est vrai qu’une simple homologation reste un travail plus léger que de trancher le litige dans son intégralité.)[17]

Est-ce pour échapper à ce risque, et poursuivre l’objectif de déjudiciarisation que le Garde des sceaux, Monsieur DUPOND-MORETTI, envisageait de décharger les juges de cette homologation ?

Mais est-ce la solution que de  confier cette homologation à une autorité autre que l’autorité judiciaire par excellence, à savoir le Juge ?

 

 

DEUXIEME PARTIE :

OPPORTUNITE D’UNE MODIFICATION DU SYSTEME ACTUEL D’HOMOLOGATION DE L’ACCORD DE MEDIATION  (quelle Procédure pour l’Homologation)?

 

  1. Système actuel :

En droit privé, l’homologation de l’accord de médiation conventionnelle est prévue par l’article 1534 du Code de procédure Civile.

L’homologation de la médiation judiciaire est quant à elle prévue par l’article 131-12  du même Code :

« Le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties à l'audience.

L'homologation relève de la matière gracieuse. »[18]

Ce texte est issu de l'article 21-5 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995.

Ainsi, dans le système actuel, c’est au juge que revient la tâche de procéder à cette homologation.

La solution est identique en matière administrative.

 

Est-ce la bonne solution ?

Pour certains, il ne peut en être autrement.

«L’homologation est exclusivement attribuée à un juge, car elle ne saurait être conçue comme un acte banal.

L’intervention du juge est indispensable à l’obtention de l’effet de droit recherché même si la démarche est volontaire.»[19]

Ce point de vue s’entend d’autant plus lorsque les médiés ne sont pas accompagnés d’un conseil ou d’un professionnel ; l’accord peut alors revêtir une rédaction hasardeuse, voir un contenu inapproprié, le pouvoir d’intervention du médiateur en la matière étant en principe très limité.

Homologuer de façon aveugle tout accord de médiation pourrait aboutir in fine à l’effet inverse de celui recherché, avec la survenance de nouveaux contentieux, nés d’un « mauvais » accord, contentieux potentiellement plus complexes encore.[20]

Cette solution, consistant à confier l’homologation au juge, s’inscrit dans la logique du droit français, et le principe selon lequel seuls les officiers ministériels (dans certains domaines et selon certaines conditions), les Personnes Morales de Droit Public, ou les Tribunaux peuvent délivrer des titres Exécutoires, ce en raison de leur fonction même, de leurs connaissances et compétences.

 

Cependant quel est le réel pouvoir du juge en matière d’homologation ?

La réponse se trouve, a priori dans les textes ; à tout le moins la solution de principe ; mais son application prétorienne peut être bien différente.

En matière de médiation conventionnelle ou judiciaire de droit privé, le pouvoir du juge homologateur est extrêmement limité :

L’article 1565 du Code de procédure Civile, est très claire : « Le juge à qui est soumis l'accord ne peut en modifier les termes. »

D’ailleurs, sauf à ce que le magistrat estime utile d’entendre les parties, l’homologation se fait sans audience.

La loi n’impose la production d’aucune pièce spécifique, qui viendrait éclairer le juge sur l’accord à homologuer, rendant tout contrôle de fait assez limité. Le juge a  néanmoins la possibilité de demander la comparution des parties, et ainsi obtenir les explications qui lui semblent nécessaires.

La nature purement formelle et limitée du contrôle ainsi opéré est une bonne chose a priori du point de vue des médiés qui, en choisissant la Médiation ont voulu déterminer eux-mêmes les termes de leur solution, ce qui deviendrait utopique si ensuite cet accord était soumis à un examen approfondi et une validation à proprement parler par un juge.

Mais en ce cas, si le contrôle n’est que formel, pourquoi nécessairement le confier à un juge ?

Ses compétences et sa fonction sont-elles alors indispensables pour un simple examen formel ?

La question se pose, ou se poserait si ce contrôle n’était effectivement que purement formel.

En 2011, la Cour de cassation indiquait que ce contrôle purement formel ne portait que sur la nature de l’accord, sur sa conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs.[21]

La référence aux bonnes mœurs pourrait d’ailleurs être abandonnée aujourd’hui, suite à la réécriture de l’article 1162 du code civil en 2016.

 

Mais dans les faits, pour certains, le contrôle a pourtant tendance à s’élargir, pour aller désormais au-delà quand bien même le juge homologateur ne peut modifier les termes de l’accord trouvé.

En 2001 déjà la Chambre sociale de la Cour de cassation donnait pouvoir au juge homologateur de vérifier que les droits de chacune des parties étaient préservés.[22]

En s’appuyant sur différents textes, les juges homologateurs peuvent ainsi vérifier un certain nombres d’autres points, dans un esprit d’intérêt et de protection des parties et des tiers.

Il vérifie ainsi en sus si l’accord a été conclu de bonne foi, s’il n’a pas été pris en fraude de droit de tiers, et s’il ne présente pas de difficultés d’exécution ou d’interprétation.

La Cour de cassation a également jugé que le juge pouvait refuser d’homologuer l’accord trouvé si les conditions de formation ou d’exécution n’étaient pas remplies (par exemple lorsque l’accord n’avait pas été signé par les personnes  ayant qualité pour se faire, ou encore en cas de caducité avérée dudit accord pour des raisons de délais).[23]

Déjà ces différents points nécessitent un examen du fond de l’accord ; vérifier qu’il ne pose pas de problème d’interprétation ou d’exécution suppose une projection ; la vérification qu’il ne nuit pas aux tiers un examen approfondi de ses conséquences.

Sur le fondement de l’article  27 du Code de procédure Civile, le juge homologateur pourrait  procéder à toute mesure d’investigation qui lui semble nécessaire.

Sur le fondement de l’article 332 alinéa 2 de ce même code, il peut mettre en cause toute personne « dont les droits ou les charges risquent d’être affectées par la décision à prendre

 

Mais plus encore, pour certains, le juge doit s’assurer du consentement éclairé des parties : il doit vérifier que « l’accord a été conclu par les parties qui y adhèrent pleinement en pleine connaissance de leurs droits … »[24]

In fine l’examen du juge homologateur se confondrait alors avec l’examen de la validité de tout contrat par les tribunaux.

Ces questions, pour être réellement vérifiées, nécessitent en effet une analyse complète et complexe de l’accord.

Adieu donc le désengorgement des tribunaux, l’allègement de la charge de travail des magistrats, mais également le souhait des parties d’échapper à tout contrôle judiciaire ; de conserver les pleins pouvoirs sur leur accord.

Sur ce dernier point néanmoins, en droit privé, le refus par le juge d’homologuer l’accord ne remet pas en cause la validité de celui-ci.

Il restera valable et applicable entre les parties, mais sera simplement dépourvu de toute force exécutoire ; il n’aura que la valeur d’un acte sous seing privé et non celle d’un titre exécutoire.

Sauf en cas de refus d’homologation, les parties semblent ainsi conserver la pleine et entière disposition des termes de leur accord.

Mais serait-ce vraiment le cas ?

Lorsque l’un des signataire saura que le juge a refusé d’homologuer leur accord, s’exécutera-t-il tout de même,  tout en sachant que si les autres médiés en demandent l’exécution devant les tribunaux il sera fort probable qu’elle leur demande soit rejetée pour les mêmes raisons que l’homologation l’a été ?

Certes le jugement de refus d’homologation est susceptible d’appel, mais si la cause de refus est fondée, la solution restera la même devant la Cour.

En définitive, « Un contrôle léger n’est pas pour autant nécessairement élémentaire. »[25]

Le Juge homologateur dispose d’un certain nombre de fondement lui permettant d’effectuer un contrôle poussé.

 

En droit administratif, le contrôle du juge est encore plus poussé, et les conséquences du refus d’homologation plus sévères encore.

La loi est relativement peu explicite quant à l’étendue des pouvoirs du juge.

Mais le Tribunal Administratif de Poitiers, dans un jugement très remarqué a rejeté une demande d’homologation  en jugeant pour ce faire, dans un attendu qui semble désormais être considéré comme un attendu de principe en la matière : «qu’il lui appartient de vérifier que les parties consentent effectivement à l’accord, que l’objet de celui-ci est licite, qu’il ne porte pas atteinte à des droits dont les parties n’ont pas la libre disposition, qu’il ne constitue pas de la part de la collectivité publique une libéralité et ne méconnait pas d’autres règles d’ordre public. »[26]

Ainsi, en matière administrative encore plus qu’en droit privé le contrôle du juge n’est pas de façade mais bien réel.

Ceci s’explique par le fait que cet accord va lier des personnes de droit public, et indirectement par leur intermédiaire bon nombre de citoyens.

Mais au-delà même de l’importance du contrôle opéré par le juge homologateur, le refus d’homologation emporte des conséquences bien plus importantes en matière administrative.

En effet, si le juge administratif refuse son homologation, alors l’accord ne survit pas comme en matière de droit privé.

L’accord tombe ; il est ainsi invalidé en lui-même.

Aussi à défaut d’homologation les parties ne pourront pas même conserver cet accord et  se retrouveront  à la case départ.

Partant de là, en matière administrative, les médiés peuvent avoir une réelle réticence à solliciter une homologation de leur accord.

 

  1. Autres modes d’obtention de la force exécutoire de l’accord de médiation envisagés / envisageables :

Sans que ces solutions ne soient exhaustives, plusieurs pistes ont été évoquées récemment.

C’est ainsi que dans le projet de loi DUPOND-MORETTI, de mars 2021, le Garde des sceaux envisageait de remplacer l’homologation des accords de médiation, par un simple visa du greffe leur donnant force exécutoire, sans passer par un juge.[27]

Cela reviendrait à anéantir toutes les vérifications notamment prétoriennes dudit accord, qui se sont dégagées au fil des années.

Le greffe n’aurait qu’un rôle très limité de simple enregistrement, ou assimilé.

Les médiés retrouveraient ainsi leur entière liberté, conserveraient une totale déjudiciarisation, comme certains d’entre eux le recherchaient en s’orientant vers la  médiation ; tout en bénéficiant d’un titre exécutoire, et donc d’une décision tout aussi impérative qu’un jugement.

L’accord de médiation ne pourrait alors plus être considéré comme une justice de seconde catégorie, mais bien l’égal du judiciaire dans la résolution d’un différend.

Il ne s’agirait plus d’une homologation, mais d’une simple délivrance de formule exécutoire.

Pour autant, le risque que le différend ainsi réglé vienne de nouveau hanter les prétoires, serait alors grand, faute d’un quelconque contrôle.

Et qu’adviendrait-il des accords de médiation contraires à l’ordre public, ou encore inexécutables ?

Que faire du médié qui aurait été totalement sous la coupe ou l’influence de l’autre partie, sans que le médiateur n’ait pu intervenir à proprement parler ?

La question se posera essentiellement lorsque les médiés se présenteraient seuls, et ne seraient pas accompagnés d’un professionnel, notamment un avocat.

Pour autant, la situation serait loin d’être anecdotique.

 

La simple  homologation (si ce terme peut être encore retenu) systématique de l’accord par le greffe, sans autre considération semble donc trop risquée, et pas assez sécurisée.

Ce qui de surcroit, et nécessairement de façon indirecte, aurait une incidence sur la valeur du titre exécutoire ainsi délivrée, dont on a vu qu’il restait contestable devant le Juge de l’exécution, ou pour vice du consentement notamment.

 

L’autre voie qui a été envisagée, ou à tout le moins proposé, est de donner à l’accord de médiation, la forme d’un acte d’avocat, lorsqu’il est rédigé et contresigné par les conseils des médiés.

La Loi française n°2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées a créé l’acte d’avocat (ou l’acte contresigné par Avocat).

Il s’agit d’un acte, rédigé et signé par les Avocats aux côtés de leurs clients, qui est dispensé de nombreuses mentions manuscrites obligatoires s’il s’agissait d’un simple acte sous seing privé, et dont les termes font foi, rendant sa remise en cause bien plus compliquée que pour un simple contrat conclu entre les parties.

L’accord de médiation peut parfaitement être formalisé par un acte d’avocat.

Pour autant, cet acte ne dispose pas, à ce jour, de la valeur d’un titre exécutoire.

Par une question écrite, M Antoine Lefevre, interrogeait Monsieur le Garde des Sceaux, sur la question de savoir si l’accord de médiation contresigné par acte d’avocat ne pouvait pas être revêtu de la force exécutoire, rappelant à l’appui de sa demande, le développement de la médiation sous l’impulsion même du législateur, et les garanties attachées à l’acte d’avocat.[28]

Le Ministère de la Justice de l’époque répondait par la négative, en se fondant sur un éventuel risque d’inconstitutionnalité s’il était reconnu la valeur de titre exécutoire aux accord de médiation rédigés sous forme d’acte d’avocat.[29] Il rappelait pour ce faire une décision du conseil constitutionnel, remontant néanmoins à 1999, selon laquelle  le législateur ne pouvait autoriser des personnes morales de droit privé à ne délivrer des titres exécutoires qu’à la condition qu’elles soient chargées d’une mission de service public, ce qui ne serait pas le cas des avocats, leur indépendance l’interdisant.[30] Que par ailleurs, toujours selon ladite réponse, les accords par acte d’avocat ne pourraient, en tant que tels, circuler librement au sein de l’union européenne, ni être exécutoires dans ces autres pays.

Cette motivation peut paraitre critiquable en ce qu’elle repose sur une décision remontant à 1999 (arrêt du Conseil Constitutionnel réf. note 28).

S’agissant de la limite quant à la circulation de l’accord dans les pays de l’union européenne, la question reste sans réel intérêt dans bon nombre de cas, si bien qu’elle ne semble pas plus constituer un obstacle.

Pour autant, il n’en demeure pas moins qu’à ce jour, et en dépit des différentes demandes du CNB (Conseil National des Barreaux : représentation Nationale des Avocats de France), l’acte d’avocat n’est pas revêtu de la formule exécutoire contrairement aux actes notariés.

 

Dans son projet de réforme en réalité, l’actuel garde des Sceaux  propose une conjugaison de l’homologation simplifiée par le greffe et de l’accord ayant la forme d’un acte d’avocat.

Ce projet de loi a été présenté le 14 avril 2021 au gouvernement par Monsieur DUPOND-MORETTI, Ministre de la Justice.[31]

Il n’envisage de confier au greffe l’homologation des accords de médiation uniquement lorsqu’ils sont contresignés par acte d’avocat.

En réalité, le greffe apposerait simplement la formule exécutoire sur ces actes d’avocats.

L’article 29 du projet de loi prévoit ainsi d’ajouter à la liste des titres exécutoires de l’article L111-3 du Code des procédures Civiles d'Exécution précité un 7e : les accords de médiation établis par acte d’avocat sur lesquels le greffe apposerait la formule exécutoire.[32]

Cette solution ainsi envisagée semble effectivement toute indiquée.

La contre-signature de l’accord par acte d’avocat suppose que chacun des médiés soit représenté par son conseil, qui aura veillé au respect des intérêts, sinon des droits, de son client.

L’avocat aura veillé également nécessairement, en sa qualité de professionnel du droit, à la validité au moins de principe de l’accord ainsi trouvé, ainsi que de son exécution.

Dès lors les vérifications formelles, mais on l’a vu réelles et pouvant porter sur fond, du juge homologateur actuel, n’auraient plus lieu d’être.

Ainsi le souhait des parties, et l’essence même de la médiation, de rester en dehors des prétoires, tout comme l’objectif de déjudiciarisation seraient atteints.

Ceci tout en préservant les droits et intérêts des médiés voire des tiers et de la Société.

Cela ne confierait pas pour autant aux avocats la possibilité d’établir des titres exécutoires.

Cette mission resterait du champ des tribunaux, via un visa par le greffe.

Ceci contribuerait ainsi, bien plus surement qu’actuellement, au désengorgement des tribunaux puisque les magistrats ne seraient plus sollicités ; le contrôle ne serait plus, réellement, qu’a minima.

Pour autant, comme toute solution, elle présente son lot d’inconvénients, et en premier lieu quel serait son mode réel et effectif de mise en place,  les greffes étant tout autant débordés que les magistrats ?

Une telle réforme augmentera d’autant le rôle, mais donc également la responsabilité, des avocats rédacteurs qui se devront d’être irréprochables à ce titre dès lors que l’accord sera ensuite revêtu de la formule exécutoire sans autre vérification réelle.

Il sera donc indispensable que ces avocats accompagnants, rédacteurs, soient très vigilants, mais n’est-ce pas déjà le cas de tout avocat rédacteur d’acte ?

Pour autant, si l’avocat accompagnant ne souhaite pas supporter cette responsabilité, ce système ne resterait qu’alternatif ; à défaut d’acte contresigné par avocat (et rien n’oblige un avocat à agir par voie d’acte d’avocat), l’accord conserverait sa forme sous seing privé, et resterait alors, très probablement homologable par le juge selon le système actuel.

Cette solution actuellement en pleine actualité semble être celle qui répond au mieux aux impératifs tant des pouvoirs publics de déjudiciarisation et de désengorgement des tribunaux, qu’aux intérêts et objectifs des médiés, à savoir rester dans une médiation et non basculer en judiciaire, et conserver au maximum la confidentialité de leur accord notamment.

Reste à voir si ce projet aboutira et quelle utilisation en sera faite.

Reste également que cette solution implique que chacun des médiés soit assisté de son avocat, ce qui est loin  d’être systématiquement le cas en médiation.

Pour autant, cela l’est généralement pour les médiations entre sociétés, grands groupes ou autres types de litiges dans lesquels la confidentialité comme l’homologation semblent souvent indispensables.

Dans certains litiges, dans lesquels généralement les médiés ne sont pas assistés, l’homologation ne représente pas nécessairement un intérêt (notamment lorsque les relations sont apaisées).

Pour toute médiation dans laquelle les médiés ne seraient pas assistés, la solution d’homologation actuelle, telle que prévu par les textes précités, resteraient parfaitement possible.

 

 

 

 

CONCLUSION

 

Il ressort de cette analyse, aussi peu exhaustive soit-elle, que la médiation se trouve bien souvent encore rattrapée par le monde judiciaire.

Bien entendu, la Médiation n’a aucune raison de se méfier des prétoires, mais tend sans conteste à être sa propre voie, indépendante.

Pourtant, l’étroitesse actuelle de leurs liens en Droit français ne semble convenir, a priori, ni à la Médiation elle-même, sur le principe, puisqu’elle est un mode de règlement des conflits à part entière, et non un mode de règlement de seconde catégorie par rapport à la justice (au sens régalien du terme), ni au monde judiciaire qui espérait précisément que la Médiation aiderait à son désengorgement.

La nécessité de donner à l’accord de médiation une valeur impérative équivalente à un jugement est pourtant bien souvent indiscutable, ne serait-ce que précisément pour que la Médiation ne soit pas considérée comme inférieure au système judiciaire.

D’où la nécessité de rechercher une solution alternative qui puisse à la fois satisfaire le monde judiciaire et les objectifs des pouvoirs publics, et être en adéquation avec la philosophie de la Médiation.

Philosophie de la médiation qui nous a été transmise tout au long de la formation dispensée par l’IFOMENE, qui nous a sensibilisée, et ouvert à ce  monde tellement attrayant qu’est celui de la Médiation.

Juriste de formation, la procédure participative m’avait déjà permis d’entrevoir un autre monde, une autre façon d’aborder les différends, et de les traiter.

L’ensemble des cours dispensés dans le cadre du D.U. 2 de Médiation par l’IFOMENE m’a permis d’approfondir cette approche, cet autre mode de penser, de raisonner, grâce à tous les outils qui nous ont été présentés, et qu’il nous a été donné d’utiliser notamment dans le cadre des cas pratiques.

Reste désormais à se les approprier complètement, par la pratique, par un examen toujours plus approfondi, par les échanges au combien enrichissants avec tous les intervenants de cette formation, mais également avec tous les autres « étudiants » comme moi.

Être juriste de formation ne sera peut-être pas toujours un handicap ; la Médiation restera probablement toujours, ou à tout le moins durant encore bon nombre de décennies, liée au monde judiciaire et ses rouages.

Cette double formation permet d’accompagner de façon au combien plus constructive tout client à une mesure de médiation ; elle serait un vrai plus si le projet de loi de Monsieur le Garde des Sceaux DUPOND-MORETTI était adopté.

Elle pourrait même conserver un intérêt en tant que Médiateur, notamment lorsque les médiés ne seraient pas accompagnés d’avocats, même s’il est exclu que le Médiateur joue un rôle de conseil des médiés.

Mais il est en revanche certain que la formation qui a été suivie dans le cadre de ce D.U.2  a apporté également à la pratique actuelle de mon métier d’avocat, dans les échanges avec les clients, avec nos contradicteurs, et au-delà de la sphère professionnelle dans la vie de tous les jours.

Un immense merci donc pour ces enseignements et l’ouverture que cela a apporté dans mon quotidien et mon mode de fonctionnement.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

BALAGUERT François, Avocat (2020) «Homologation par le Juge des accords obtenus à la suite d’un processus conventionnel des différends» article dans le «Village de la Justice» du 07 mai 2020.

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BENRAÏS Linda, FRICERO Natalie, BUTRUILLE-CARDEW Charlotte et GORCHS-GELZER Béatrice (2017) 3ème édition «Le guide des modes amiables de résolution des différends» : Editions Dalloz.

BLOHORN BRENNEUR Béatrice BONNARD Laurent, Avocats (2019) «L’homologation des transactions et des accords de médiation par le Juge Administratif» Dossier contrats publics de janvier 2019 «Les modes alternatifs de règlement des litiges».

BOURRY D’ANTIN Martine, PLUYETTE Gérard, BENSIMON Stephen (2019) «Arts et techniques de la médiation» : Editions LexisNexis.

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CROZE Hervé, Agrégé des Facultés de Droit et avocat honoraire (2021) Jurisclasseur Procédure Formulaire fascicule 10 médiation.

CROZE Hervé, Agrégé des Facultés de Droit et avocat honoraire (2019) Action de groupe - commentaires Jurisclasseur concurrence consommation fascicule 1220.

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GARNERIE Laurence (2021) «Confiance dans l’institution judiciaire : le projet de loi d’Éric DUPOND-MORETTI en Conseil des Ministres» Gazette du Palais du 14 avril 2021.

HOUSTY Françoise, Médiateur de justice, et AUFIERE Pierrette, Avocat honoraire (2018) «L’accord de médiation : quelle est donc sa vraie nature ?» «Village de la Justice» : Editions du 6 novembre 2018.

JANUEL Pierre (2021) «Les grandes lignes du  projet de loi DUPOND-MORETTI» Dalloz Actualité du 03 mars 2021.

JOUAS Muriel et DOUSSOT Olivier (2020) «Communiquer en situation de crise» : Editions Gereso.

LAMBERT-WIBER Sophie et LASSERRE-KIESOW Valérie et VIGNON-BARRAULT Aline (2021) «Regards interdisciplinaires sur la médiation» Editions Dalloz

MORINEAU Jacqueline (2016) « La Médiation humaniste » éditions Erès Collection Poche

NAZARE-AGA Isabelle (2020) «Les manipulateurs sont parmi nous» : Editions de l’Homme.

PARNAUDEAU-MASSON Marie-Françoise (2021) : La médiation en matière fiscale JurisClasseur Procédures fiscales Fascicule 810

R. LIBCHABER JCP 2014 ; Doc. 1232 n°6

TIRVAUDEY-BOURDIN Catherine  - Maître de conférences HDR (2020) JurisClasseur Voies d’exécution Fasc. 345 : TITRE EXÉCUTOIRE

VUITTON Xavier, Docteur en droit et avocat (2019) «Quelques réflexions sur l’office du Juge de l’homologation dans le livre V du Code de procédure civile» RTD Civ. 2019 page 771.

Jugement du Tribunal Administratif de POITIERS 12 février 2018 n° 1701757 – Commentaires AGDA 2018 page 2477 : Editions Dalloz 2021.

Code de procédure civile dont les articles 131 et suivants, 1565 et suivants : Editions Dalloz 2021.

Code de procédure civile d’exécution dont l’article L 213-6 : Editions Dalloz 2021.

Code de la justice administrative dont l’article L 213-4 : Editions Dalloz 2021.

 

 

 

ANNEXES

 

Table des Matières des Annexes :

Annexe 1 : Synopsis du mémoire de PRESTAIL Sophie DU 2 GRENOBLE 2021                                                                                                         Page 31

Annexe 2 : Livre V du Code de procédure Civile, articles 1528 à 1567                                                                                                         Page 32

Annexe 3 : Livre Ier - Titre VI Chapitre II du Code de procédure Civile :

                   La médiation (Articles 131-1 à 131-15)                                                                                                         Page 47

 

Annexe 4 : Livre II Titre 1er Chapitre III du 

                  Code de Justice Administrative (articles L213-1 à L 213-10)                                                                                                         Page 50

 

Annexe 5 : Code National de Déontologie                                                                                                         Page 53

                                                                                                                

 

 

 

Fiche synopsis du mémoire

Annexe 1

Diplôme Universitaire de Médiateur- Promotion GRENOBLE 2020 / 2021

Formation n°201920.27

Nom et Prénom

PRESTAIL Sophie

E-mail

sophie.prestail@avocat-conseil.fr

Parcours, activité professionnelle

Après des études de droit privé et de droit des affaires à la faculté de Droit de Grenoble, et un D.E.A de Droit des Contrats à la Faculté de Chambéry (73), je suis Avocat depuis 2002, collaboratrice au sein du même cabinet jusqu’en 2018, puis à mon compte jusqu’en 2020, et en tant qu’associée au sein d’un cabinet depuis 2020

Intitulé

L’Homologation de l’accord de Médiation : Enjeux et Perspectives

Problématique

La Médiation a-t-elle réellement besoin d’une homologation de ses accords pour séduire, et présenter un intérêt, et le cas échéant, sous quelle forme pour ne pas rendre cette homologation plus dissuasive qu’attractive ?

Mots clefs

Médiation

Homologation de l’accord de Médiation

Force exécutoire

Formule Exécutoire

Résumé

La médiation supposée être hors des prétoires, est encore intimement liée au monde judiciaire, ne serait-ce que via l’homologation des accords de médiation qui relèvent actuellement du juge.

Cette homologation est-elle opportune, voire nécessaire ?

Dans l’affirmative, doit-elle être nécessairement confiée à un juge ?

L’actuel Garde des Sceaux propose que le greffe puisse apposer la formule exécutoire sur les accords de Médiation dès lors qu’ils sont formalisés par acte d’avocat.

Il coexisterait ainsi deux moyens pour un accord de médiation d’être revêtu de la formule exécutoire, lesquels semblent, à première vue, tous deux préserver les intérêts des médiés, et accentuer le désengorgement de la justice.

 

Phrases clefs

   Pourquoi rapporter devant les Tribunaux un processus qui se déroule précisément hors des prétoires (Partie I p.7)

   La nature sui généris de l’accord de médiation rend son homologation la solution la plus générale et, a priori, la plus efficace, pour lui conférer force exécutoire et ainsi lui donner plein effet. (Partie I p.11)

   Certains types de différends ont un besoin impératif de sécurité juridique (…) (Partie I p.13)

    Homologuer de façon aveugle tout accord de médiation pourrait aboutir in fine à l’effet inverse de celui recherché. (Partie II p.17)

     Une conjugaison de l’homologation simplifiée par le greffe et de l’accord ayant la forme d’un acte d’avocat (Partie II p.23)

    La Médiation n’a aucune raison de se méfier des prétoires, mais tend sans conteste à être sa propre voie, indépendante. (Conclusion p.26)

 

Originalité/finalités

de ce travail

Ce mémoire se voulait inspiré d’un fait d’actualité (la réforme de l’homologation de l’accord de médiation envisagée par M DUPONT MORETTI, Garde des Sceaux, pour la rendre plus simple et donc probablement plus attrayante, tout en tentant de ne pas revenir sur l’objectif du législateur qui est de désengorger les juridictions). Aussi indépendante que peut être la médiation, son homologation, et plus largement les effets concrets de l’accord qui peut être trouvé présentent un enjeu essentiel puisque l’intérêt de la médiation est nécessairement lié aux effets qui pourront être donnés à l’accord trouvé.

 


[1] MORINEAU Jacqueline (2016) « La Médiation humaniste » édition Erès Collection Poche

[2] Code de procédure Civile, CJA

[3] Préambule du Code National de Déontologie du médiateur (selon le Rassemblement des Organisations de la  Médiation) Annexe 5

[4] Article 21 de la  Loi de 1995, article L213-1 du Code de la Justice Administrative, et 1530 du Code de procédure Civile notamment. Annexes 2 et 4

[5] JANUEL Pierre (2021) «Les grandes lignes du projet de loi DUPOND-MORETTI» Dalloz Actualité du 03 mars 2021.

[6] Annexes 2, 3 et 4

[7] HOUSTY Françoise, Médiateur de justice, et AUFIERE Pierrette, Avocat honoraire (2018) «L’accord de médiation : quelle est donc sa vraie nature ?» «Village de la Justice» : Editions du 6 novembre 2018.

[8] HOUSTY Françoise, Médiateur de justice, et AUFIERE Pierrette, Avocat honoraire (2018) «L’accord de médiation : quelle est donc sa vraie nature ?» «Village de la Justice» : Editions du 6 novembre 2018.

[9] Jugement Tribunal Administratif de  POITIERS 12.07.2018 : n°1701757/ AJDA 2018 p.2477

[10] Article L111-3 du Code des procédures Civiles d'Exécution

[11] Hervé  Croze - Agrégé des facultés de droit - Avocat honoraire Jurisclasseur JurisClasseur Concurrence – Consommation Fasc.  1220 : ACTION DE GROUPE. – Commentaires 25 mai 2019

[12] Cass. 2e civ 28.09.2017 n°16-19.184

[13] Cass. 2e civ., 15 janv. 2004, n° 02-11.714 : JurisData n° 2004-021932

[14] Article 332 alinéa 2 du Code de procédure Civile

[15] Hervé  Croze - Agrégé des facultés de droit - Avocat honoraire Jurisclasseur JurisClasseur Concurrence – Consommation Fasc.  1220 : ACTION DE GROUPE. – Commentaires 25 mai 2019 précité note 11

[16] Code de procédure Civile cf. annexes 2 et 3

[17] VUITTON Xavier, Docteur en Droit – 2019 « Quelques réflexions sur l’office du juge de l’homologation dans le livre V du Code de procédure Civile » RTD Civ ; 2019 page 771 et s.

[18] Article 131-12 du Code de procédure Civile

[19] BALAGUER Françoise 7 mai 2020, « Homologation par le juge des accords obtenus à la suite d’un processus conventionnel des différends. » Village de la Justice parution le 7 mai 2020

[20] VUITTON Xavier, Docteur en Droit – 2019 « Quelques réflexions sur l’office du juge de l’homologation dans le livre V du Code de procédure Civile » RTD Civ ; 2019 page 771 et s. précité note 17

[21] Cass. 2e civ. 26 mai 2011 : n°06-19.527

[22] Cass. Soc. 18 juillet 2001 n°99-45.534, Bull n°279

[23] Cass.1e Civ. 03 octobre 2018 n°17-21.879, Cass. 1e Civ ; 10 septembre 2014 : n°13-11.843

[24] LAMBERT-WIBER Sophie et LASSERRE-KIESOW Valérie et VIGNON-BARRAULT Aline (2021) «Regards interdisciplinaires sur la médiation»

[25] R. LIBCHABER JCP 2014 ; Doc. 1232 n°6

[26] AJDA 2018 P ; 2477 Jugement TA POITIERS 12.07.2018 : n°1701757 indexe n°4

[27] Pierre Januel  Mars 2021 Dalloz Actualité « Les grandes lignes du projet DUPOND Moretti »

[28] Question écrite n°17709 de M Antoine Lefevre publiée au JO Sénat du 03/09/2020 page 3850

[29] Réponse ministérielle publiée au JO Sénat du 05/11/2020 page 5130

[30] Décision du Conseil constitutionnel n°99-416 du 23 juillet 1999

[31] GARNERIE Laurence (2021) Confiance dans l’institution judiciaire : le projet de loi d’ Éric Dupond-Moretti en conseil des ministres Gazette du Palais actualités du 14 avril 2021

[32] Cottin Marianne Maître de Conférences (2021) Projet de loi DUPOND-MORETTI : promotion du recours aux MARD Editions législatives Lefebvre Dalloz la veille permanente du 10 juin 2021