La crise sanitaire exceptionnelle que nous traversons a pour effet d’impacter l’ensemble des pans de notre activité et, notamment, l’activité juridictionnelle.

Les Greffes et Tribunaux sont en effet en grande partie fermés et seuls les contentieux d’extrême urgence sont actuellement traités, ce qui n’est pas sans poser des problèmes pratiques, s’agissant notamment des délais impartis dans certaines procédures pour accomplir des actes sous peine de sanctions : caducité, nullité, prescription … etc ...

Quatre ordonnances ont été publiées au Journal officiel du 26 mars 2020, afin de régler ces questions et d’assurer une période transitoire de « sécurité juridique ».

Ces quatre ordonnances concernent l’adaptation des règles de procédure applicables aux juridictions pénales (ord. n° 2020-303), aux juridictions civiles statuant en matière non pénale (ord. n° 2020-304), aux juridictions administratives (ord. n° 2020-305) et la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire (ord. n° 2020-306).

C’est cette dernière ordonnance et la question de la prorogation des différents délais de procédure qui attire particulièrement l’attention. 

 

Quels sont les délais concernés ?

L'ordonnance concerne, sauf certaines exceptions mentionnées au II de son article premier, les délais qui ont expiré ou qui vont expirer entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Pour mémoire, la loi de crise sanitaire n° 2020-290 du 23 mars 2020 a déclaré un état d’urgence sanitaire d’une durée de deux mois à compter de son entrée en vigueur, soit le 24 mars 2020, date de sa publication au Journal officiel, qui court donc jusqu’au 24 mai 2020, sous réserve d’une éventuelle prorogation, qui ne pourra toutefois intervenir que par une nouvelle loi.

Par conséquent, en l’état et sauf prorogation de l’état d’urgence sanitaire, les délais concernés par l’ordonnance du 25 mars 2020 et qui vont bénéficier d’une prorogation sont donc ceux qui auraient expiré ou expireraient entre le 12 mars 2020 et le mois suivant l’expiration de l’état d’urgence sanitaire, soit pour l’instant le 24 juin 2020.

 

Quels sont les actes concernés ?

L’article 2 de l’ordonnance vise de façon extrêmement large tous les actes juridictionnels :

«  Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er »   

 

De quelle prorogation de délai ces actes vont-ils bénéficier ?

L'article 2 de l’ordonnance précise que ces actes seront réputés « avoir été fait à temps » s’ils sont accomplis « dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. ».

 

Qu’en est-il des astreintes et des clauses pénales ?

Les astreintes et clauses pénales qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020 sont pour leur part suspendues pendant la période qui expirera un mois après la fin de la période d’urgence sanitaire. Leurs effets sont donc neutralisés pendant cette période.

 

Qu’en est-il des mesures d’instruction qui devaient être exécutées avant le 24 juin ?

L’article 3 de l’ordonnance prévoit également que les mesures administratives ou juridictionnelles dont le terme vient à échéance au cours de la période susvisée sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période et vise notamment les mesures d’enquête et d’instruction.

 

Et en matière contractuelle ?

L’ordonnance apporte plusieurs précisions. Elle prévoit d’abord (article 4) que les clauses résolutoires ou les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet. Elles ne produiront leurs effets qu’à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme.

Elle prévoit ensuite (article 5) que lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée par tacite reconduction, en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prorogés s’ils expirent durant la période expirant le 24 juin 2020, deux mois après la fin de cette période.

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En résumé, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 :

  • fixe une période de neutralisation des délais de procédure afférents aux actes énumérés à son article 2, qui couvre la période allant du 12 mars 2020 à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire ;
  • accorde un nouveau délai pour les accomplir qui court à compter de la fin de cette période ;
  • lequel ne peut excéder la durée du délai légalement imparti pour agir, plafonné à deux mois.

 

Stéphane ANDREO

Avocat

Spécialiste en droit commercial, droit des affaires et de la concurrence