Il se révèle étonnamment encore nécessaire de devoir parfois rappeler aux experts le cadre légal et jurisprudentiel de l’obligation d’information.
C’est toujours un sujet sensible (d’ailleurs plus que de raison notamment lorsque cela est susceptible d'engendrer uniquement un préjudice d'impréparation dont on sait que l'indemnisation ne mettra pas en cause la pérennité financière des assureurs !) lors des réunions d’expertise et sur lequel il convient d’être ferme et pédagogique lorsque l’on intervient aux côtés des victimes, car vous pourrez encore entendre de la part de l’expert judiciaire, par exemple que :
- « La patiente a confirmé lors de l’accédit que le chirurgien lui avait rendu visite en préopératoire (c’est heureux !) et on peut donc supposer qu’il l’a informée !!
- L'intervention s'imposait ;
- Et mieux encore : l'absence de formulaire de consentement éclairé, formellement constatée dans le dossier, constitue « une preuve de franc-jeu de la part du praticien »,
Il faut donc rappeler aux experts que :
Il résulte en effet des dispositions de l’article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique que :
« Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (…) »
Aux termes de l’alinéa 7 de cette même disposition, il est également admis que :
« En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article (…) ».
La Cour de cassation a ainsi délimité l’étendue de l’information et du consentement éclairé en affirmant, que :
« Hormis les cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés et n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait qu’un tel risque grave ne se réalise qu’exceptionnellement » [1].
Aux termes d’un arrêt très remarqué en date du 3 juin 2010, la Cour de cassation a par ailleurs consacré un préjudice moral autonome lié au non-respect du devoir d’information du praticien :
« Toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, que son consentement doit être recueilli par le praticien (…) ; que le non-respect du devoir d'information qui en découle cause à celui auquel l'information est légalement due, un préjudice (...) que le juge ne peut laisser sans réparation ».[2]
Aux termes d’un arrêt très remarqué en date du 3 juin 2010, la Cour de cassation a par ailleurs consacré un préjudice moral autonome lié au non-respect du devoir d’information du praticien :
« Toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, que son consentement doit être recueilli par le praticien (…) ; que le non-respect du devoir d'information qui en découle cause à celui auquel l'information est légalement due, un préjudice (...) que le juge ne peut laisser sans réparation ».[3]
Par un arrêt en date du 23 janvier 2014, la Cour de cassation a eu l’occasion de confirmer et préciser sa position, aux termes d’une décision d’une limpidité exemplaire :
« Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d'information sur les risques inhérents à un acte d'investigation, de traitement ou de prévention a fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques, en refusant qu'il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d'information cause à celui auquel l'information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d'un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation » [4]
Plus récemment, la Cour de cassation a encore censuré une Cour d’appel aux motifs que :
« Le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportait un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins, auquel il a eu recours fautivement ou non, cause à celui auquel l’information était due, lorsque l’un de ces risques s’est réalisé, un préjudice moral distinct des atteintes corporelles subies, résultant d’un défaut de préparation à l’éventualité que ce risque survienne »[5].
En application de cette jurisprudence désormais constante, les juges du fond ont régulièrement l’occasion de juger que :
« Le patient privé d’une information qui lui était due subit un préjudice pouvant consister, le cas échéant, en une perte de chance d’éviter le dommage qui est survenu, et, en toute hypothèse, lorsque le risque se réalise, en un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation »[6].
Ainsi, les choses sont-elles essentiellement binaires en matière d’obligation d’information médicale préopératoire et, dans le cadre une expertise médicale, il n'y a pas lieu de le déplorer ou de s'en réjouir mais uniquement d'en faire application.
Partant, l'alternative qui s’impose à nous tous est la suivante :
- Soit, nous sommes dans une situation d'urgence et dans ce cas-là il n'y avait pas d'obligation d'information à la charge du praticien ;
- Soit, nous n'étions pas dans une situation d'urgence et dans ce cas il y avait bel et bien une obligation d'information à la charge du praticien, la notion d’ « urgence relative » n’étant pas connue des dispositions légales.
Ainsi, le respect de l'information préopératoire ne saurait être satisfait par le seul fait de constater que la patiente a confirmé lors de l’accédit que le chirurgien lui avait rendu visite en préopératoire (c’est heureux !).
De même, le fait que l'intervention s'imposait n’autorise pas non plus à s'abstenir de délivrer une information telle qu'elle est exigée par les dispositions du code de la santé publique.
Enfin l'absence de formulaire de consentement éclairé, ne peut constituer « une preuve de franc-jeu de la part du praticien », mais constitue, qu’on le veuille ou non, et à défaut d’autres éléments probants, une méconnaissance des obligations légales qui s'imposent à tout médecin.
Ferme et pédagogique !
[1] Civ. 1ère, 7 octobre 1998, Bull. n° 287 et 291, 15 juillet 1999, Bull. n° 250 et 9 octobre 2001, n° 1511P
[2] Civ. 1ère, 3 juin 2010, n° 09-13.591
[3] Civ. 1ère, 3 juin 2010, n° 09-13.591
[4] Civ. 1ère, 23 janvier 2014, n°12-22.123
[5] Cass Civ 1ère 23 janvier 2019 n°18-11982
[6] CA Colmar 24 mars 2016 n°15/05988
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