Il est constant que le juge des référés administratif est incompétent pour connaître d’une telle demande de contre-expertise à titre reconventionnel dans le cadre d'un référé provision initié par la victime dans l'attente de la consolidation de son état.

 

La finalité de l'article R.532-1 du Code de justice administrative est en effet de faciliter l’obtention de la preuve, mais absolument pas de remettre en cause la validité de tel ou tel élément de preuve d’ores et déjà versé aux débats.

 

 

Ainsi, est-il de jurisprudence constante que le juge des référés n'est pas compétent pour ordonner une contre-expertise, car il appartient au seul juge du fond de déterminer si les constatations et les conclusions de l'expert lui apparaissent suffisantes pour statuer en connaissance de cause, et dans ce dernier cas une contre exeprtise ne sera envisageable pour l'essentiel qu'en cas de rapport lacunaire.

 

Voir en ce sens :

 

  • Un arrêt de la Cour Administrative de Bordeaux en date du 13 mars 2008 : « Considérant que la mesure d’expertise demandée par Mme BOLUDA a pour objet, dans la perspective d’un litige l’opposant, devant le juge administratif, au centre hospitalier de Saintes et à son assureur, de déterminer, au vu des complications dont elle a été atteinte et des nombreuses interventions qu’elle a subies, l’ensemble des conséquences de l’infection dont elle a été atteinte à la suite de son hospitalisation au centre hospitalier de Saintes en juin 2004 ; qu’il ressort toutefois de l’examen du rapport remis le 31 août 2005 par l’expert désigné par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, que cet expert, après avoir admis que l’infection dont il s’agit avait bien été contractée à l’occasion des actes de soins prodigués au centre hospitalier de Saintes, s’est prononcé de façon explicite sur l’ensemble des conséquences de cette infection, en évaluant les différents chefs de préjudice en résultant et en relevant que, pour ce qui est des conséquences de cette seule infection, la consolidation était intervenue le 20 juin 2005 ; que, s’il est vrai que Mme BOLUDA fait état de complications et d’interventions survenues depuis le dépôt du rapport d’expertise, qu’elle impute à l’infection nosocomiale contractée en juin 2004, cette imputation a d’ores et déjà été écartée par l’expert puisque, comme il a été dit, il a estimé que l’état de la patiente, en tant qu’il était imputable à l’infection, était consolidé depuis le mois de juin 2005 ; que, par suite, la mesure sollicitée par la requérante s’analyse en définitive comme fondée exclusivement sur une contestation des conclusions de l’expert désigné par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ; qu’il n’appartient pas au juge des référés de trancher une telle contestation, qui relève du fond du litige ; qu’il appartiendra au juge du fond, éventuellement saisi, d’apprécier s’il y a lieu d’ordonner la contre-expertise sollicitée[1] ».

 

 

  • Un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Douai en date du 11 janvier 2018 : « Considérant qu'il appartient, pour l'application de ces dispositions, au juge des référés saisi d'une demande d'expertise de rechercher si la mesure sollicitée peut être utile à la solution d'un éventuel litige ; que, dans l'hypothèse où une telle expertise a déjà été ordonnée et que le juge des référés se trouve saisi d'une nouvelle demande portant sur le même objet, cette recherche porte sur l'utilité qu'il y aurait à compléter ou étendre les missions faisant l'objet de la première expertise ; que si la nouvelle demande a en réalité pour objet de contester la manière dont l'expert a rempli sa mission ou les conclusions de son rapport, elle relève du tribunal administratif saisi du fond du litige, à qui il reste loisible d'ordonner, s'il l'estime nécessaire, toute mesure d'instruction (…) que, dans ces conditions et ainsi que l'a jugé le juge des référés du tribunal, le complément d'expertise sollicité, qui vise à soumettre à un nouvel expert les mêmes questions que celles définies par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, et auxquelles les experts ont apporté des réponses précises et circonstanciées, ne revêt pas en l'état de l'instruction un caractère utile et il reste loisible à Mme D...d'apporter au juge du fond tous les éléments tendant à établir l'existence de préjudices non reconnus par l'expert et au juge du fond d'ordonner toute mesure d'instruction qu'il jugera nécessaire ; que, par suite, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande d'expertise sollicitée[2] ».

Aussi, l'ONIAM n'est-il pas fondé à solliciter à titre reconventionnel une contre expertise pour tenter d'échapper à son obligation d'indemnisation dès le stade du référé provision lorsqu'il résulte de l'instruction et notamment d'un rapport d'expertise contradictoire et judiciaire établi par un collège d'experts qualifiés l'existence avérée d'un accident médical non fautif.

 


[1] CAA Bordeaux 13 mars 2008 n°07BX02589

[2] CAA Douai 11 janvier 2018 n°17DA01440