Il ressort de la jurisprudence judiciaire que :

 

 

« Une perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que sa réparation ne peut être écartée que s’il peut être tenu pour certain que la faute n’a pas eu de conséquence sur l’état de santé du patient ».[1]

 

 

De la même manière, la jurisprudence administrative admet que :

 

 

« Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ».[2]

 

 

Il est par ailleurs constant que l’incertitude relative à l’évolution de la pathologie d’un patient, ou encore l’indétermination de la cause du décès de la victime, n’est pas de nature à venir écarter l’existence d’un lien de causalité entre le défaut de soins et la perte de chance de survie.

 

 

Dans cette hypothèse, la notion de perte de chance trouve pleinement à s’appliquer et les illustrations jurisprudentielles se révèlent particulièrement nourries à ce sujet.

 

 

 

Il ressort ainsi d’une jurisprudence habituelle de la Cour de cassation que :

 

 

« Ni l’incertitude relative à l’évolution de la pathologie, ni l’indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aigüe ayant entrainé le décès, n’étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par [le médecin], laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de [la patiente], et la perte d’une chance de survie pour cette dernière »[3].

 

 

 

De la même manière, la Cour de cassation a pu juger que :

 

 

« Attendu que pour débouter les consorts X..., à la suite du décès de Roger X..., dans la nuit du 7 au 8 août 2005, à la clinique du Parc à Beauvais où il avait subi le 2 août une adénomectomie prostatique, de leur action en responsabilité à l'encontre de M. B..., chirurgien, de Mme Z..., médecin-anesthésiste l'ayant assisté, ainsi que de M. A..., médecin-anesthésiste de garde appelé en urgence la nuit du décès, la cour d'appel, bien qu'elle ait estimé que les médecins en charge de la surveillance post-opératoire du patient avaient commis des fautes en interprétant comme une crise de goutte la douleur au pied droit dont il s'était plaint la veille sans mettre en œuvre les investigations qui auraient pu permettre de confirmer ou éliminer le diagnostic de phlébite, l'embolie pulmonaire massive étant la première cause de décès en matière de chirurgie prostatique, a écarté toute responsabilité à leur égard au motif que, dès lors que la cause du décès restait inconnue, il ne pouvait être établi de lien de cause à effet entre cette faute et le décès ainsi qu'entre la faute et la perte de chance de survivre alléguée par les appelants ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme cela le lui était demandé, l'absence d'investigations complémentaires reprochée aux praticiens n'avait pas fait perdre à Roger X... une chance de bénéficier d'un diagnostic et d'un traitement qui auraient pu éviter son décès, peu important que la cause de celui-ci demeure indéterminée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé »[4].

 

 

Et la Cour d’Appel de renvoi d’ajouter :

 

 

« La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable de sorte que l’incertitude qui subsiste sur le diagnostic de phlébite puis d’embolie pulmonaire et l’évolution favorable de cette pathologie si elle avait été traitée, n’est pas de nature à faire écarter l’existence du lien de causalité entre la faute des médecins qui se sont abstenus d’effectuer les investigations nécessaires et la perte de chance de survie pour S. Y. Compte-tenu des éléments ci-dessus résultant du rapport d’expertise la perte de chance peut être fixée à 50 % ».[5]

 

La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence admet également que :

 

 

« La défaillance de la Polyclinique est caractérisée dès lors que les médecins qui ont examiné M.X lors de son passage aux urgences et qui ont l’obligation d’établir leur diagnostic en respectant les données acquises de la science, n’ont pas fait réaliser les examens et investigations les plus appropriés. (…).

Cette mise en œuvre de moyens techniques insuffisants constitue une absence de réponse médicale satisfaisante et de prise en charge optimale au regard des normes et pratiques professionnelles communément admises et revêt par la même un caractère fautif.

 

Le manquement de la Polyclinique à l’obligation de donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science à la date de ceux-ci est parfaitement établi.

 

Cette erreur fautive de diagnostic a privé le patient de la possibilité de bénéficier, en temps utile, d’examens et soins spécialisés et adaptés qui auraient pu avoir une influence favorable sur l’évolution de la pathologie qui a conduit à son décès quelques heures plus tard.

 

Elle engage la responsabilité civile de la Polyclinique.

 

Certes, le lien de causalité direct entre cette faute et le décès n’est pas démontré puisqu’il ne peut être affirmé avec certitude que si la faute n’avait pas été commise M. X aurait survécu, ce qui ne permet pas la réparation de l’entier dommage qui en résulte pour les ayants-droit.

 

Mais il est certain que, sans la faute, le patient avait une chance d’éviter l’issue fatale, ce qui permet l’indemnisation du dommage au titre de la perte de chance.

 

Le préjudice de la victime présente, en effet, un caractère certain et direct chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable.

 

Ni l’incertitude relative à l’évolution de la pathologie dont M. X était atteint, ni l’indétermination de la cause exacte ayant entrainé son décès ne sont de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par les préposés de la Polyclinique, laquelle a eu pour effet de retarder la prise en charge adaptée de ce patient et la perte pour ce dernier d’une chance de survie.

 

Cet établissement de santé est donc tenu de réparer les conséquences dommageables subies par les ayants-droit de M.X, victimes par ricochet de son décès ».[6]

 

 

C’est encore la Cour d’Appel de Lyon qui juge que :

 

 

« Attendu que dès lors que la cause du décès n’est pas déterminée, il n’existe pas de lien de causalité certain entre la faute commise et la mort de M.X.

Attendu par contre qu’une perte de chance existe et présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable ; que tel est le cas en l’espèce, puisque l’absence d’hospitalisation et de mise en œuvre des examens visés par l’expert a entrainé la disparition d’une éventualité favorable d’une prise en charge adaptée et de la mise en œuvre de la thérapie ; que compte tenu de l’indétermination de la cause du décès, la perte de chance ainsi subie doit être fixée à 25 % du préjudice ».[7]

 

Maître Vincent RAFFIN, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit médical et dommages corporels, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges.

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[1] Civ 1, 5 juillet 2017 n°16-21510 (pièce n°1)

[2] CE 21 décembre 2007 n° 289328 (pièce n°2)

[3] Cass. 1ère Civ. 14 octobre 2010 N°09-69.195 (pièce n°3)

[4] Cass. 1ère Civ. 22 septembre 2011, n°10-21.799 (pièce n°4)

[5] CA Douai 16 mai 2013 n°11/07547 (pièce n°5)

[6] CA Aix en Provence 16 juin 2016 n°15/02172 (pièce n°6)

[7] CA Lyon 15 décembre 2015 n°14/04251 (pièce n°7)