Arrêt des soins – mineurs – contestation de la décision par la procédure de référé liberté

 

Quelques rappels sur la procédure ô combien sensible visant à saisir le juge du référé-liberté d’une demande de suspension d’une décision médicale d’arrêt des soins et de mise en place d’une expertise collégiale.

 

II.1. SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUÊTE EN REFERE LIBERTE :

 

  • En droit :

 

Il résulte des dispositions de l’article L.521-2 du Code de Justice Administrative que :

 

 

« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

 

 

Ces dispositions confèrent au Juge des référés le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d’évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales.

 

 

Plus particulièrement, en matière de contestation d’une décision d’arrêt des soins prise sur le fondement d’une prétendue obstination déraisonnable, il a d’ores et déjà été jugé que :

 

 

« Il appartient au juge des référés d'exercer ses pouvoirs de manière particulière, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative d'une décision, prise par un médecin sur le fondement du code de la santé publique, et conduisant à interrompre ou à ne pas entreprendre un traitement au motif que ce dernier traduirait une obstination déraisonnable, dans la mesure où l'exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie. Il doit alors, le cas échéant en formation collégiale, prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues par la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, que sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable »[1].

 

II.2. SUR LA DEMANDE DE SUSPENSION DE LA DECISION COLLEGIALE RENDUE PAR L’EQUIPE MEDICALE :

 

  • En droit :

 

L’article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme consacre le droit à la vie de la personne humaine en ces termes :

 

  

« Article 2 – Droit à la vie :

1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi (…) ».

 

 

L’article 3 de cette même Convention dispose quant à lui :

 

 

« Article 3 – Interdiction de la torture :

Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

 

 

L’article 8 de la même Convention prévoit également que :

 

 

Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En adoptant les dispositions de la loi n°2005-370 du 22 avril 2005, puis celles de la loi n°2016-87 du 2 février 2016, le législateur a fixé le cadre dans lequel un médecin peut prendre la décision de limiter ou d’arrêter un traitement dans le cas où sa poursuite traduirait une obstination déraisonnable.

 

 

C’est ainsi que de nouveaux droits ont été créés pour les personnes malades ou en fin de vie, poursuivant ainsi l’objectif de préserver leur autonomie et sauvegarder leur dignité.

 

 

Aussi, il résulte des dispositions de l’article L.1110-5 du Code de la Santé Publique que :

 

 

« Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté (…) ».

 

 

L’article L.1110-5-1 du même Code prévoit quant à lui que :

 

 

« Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire ».

 

 

En outre, les dispositions des articles L.1111-4, R.4127-36 et R.127-37-2 du Code de la santé publique imposent de recueillir l’avis des parents préalablement à toute décision d’arrêt des traitements qui concerneraient leur enfant mineur.

 

 

A ce titre, l’article L.1111-4 du Code de la Santé Publique dispose notamment :

 

 

« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé (…).

 

Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment (…).

 

Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical (…) ».

 

L’article R.4127-36 du même Code prévoit également que :

 

 

« Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas.

Lorsque le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences.

Si le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que la personne de confiance, à défaut, la famille ou un de ses proches ait été prévenu et informé, sauf urgence ou impossibilité.

Les obligations du médecin à l'égard du patient lorsque celui-ci est un mineur ou un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection juridique sont définies à l'article R. 4127-42 ».

 

 

L’article R.4127-37-2 du même Code précise en outre que :

 

 

« I. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement respecte la volonté du patient antérieurement exprimée dans des directives anticipées. Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, la décision de limiter ou d'arrêter les traitements dispensés, au titre du refus d'une obstination déraisonnable, ne peut être prise qu'à l'issue de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1110-5-1 et dans le respect des directives anticipées et, en leur absence, après qu'a été recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient.

 

II. - Le médecin en charge du patient peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. Il est tenu de le faire à la demande de la personne de confiance, ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches. La personne de confiance ou, à défaut, la famille ou l'un des proches est informé, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale.

 

III. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale. Cette procédure collégiale prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile.

 

Lorsque la décision de limitation ou d'arrêt de traitement concerne un mineur ou une personne faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, le médecin recueille en outre l'avis des titulaires de l'autorité parentale ou de la personne chargée de la mesure, selon les cas, hormis les situations où l'urgence rend impossible cette consultation.

 

IV. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est motivée. La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l'un des proches du patient est informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement. La volonté de limitation ou d'arrêt de traitement exprimée dans les directives anticipées ou, à défaut, le témoignage de la personne de confiance, ou de la famille ou de l'un des proches de la volonté exprimée par le patient, les avis recueillis et les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient ».

 

 

Il convient enfin de rappeler les dispositions de l’article 371-1 du Code civil, dont il résulte que :

 

 

« L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.

Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques.

Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ».

 

  • Sur les applications jurisprudentielles :

 

Dans sa décision du 2 juin 2017[2], le Conseil Constitutionnel s’est prononcé en faveur de la constitutionnalité des dispositions des articles L.1110-5-1, L.1110-5-2 et L.1111-4 du Code de la Santé Publique.

 

 

En effet, il considère que ces dispositions respectent le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, dans la mesure où le législateur a assorti la procédure collégiale des garanties suffisantes, à savoir :

 

  • La volonté de s’enquérir de la volonté présumée du patient ou de son entourage ;

 

  • La prise en considération d’éléments médicaux et non médicaux, propres aux singularités de chaque patient et aux circonstances particulières de l’espèce ;

 

  • Les modalités de mise en œuvre de la procédure collégiale, laquelle prend la forme d’une concertation avec les membres de l’équipe soignante.

 

S’agissant du respect du droit à un recours effectif, le Conseil ajoute :

 

 

« 16. En l'absence de dispositions particulières, le recours contre la décision du médecin relative à l'arrêt ou à la limitation des soins de maintien en vie d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté s'exerce dans les conditions du droit commun.

 

17. S'agissant d'une décision d'arrêt ou de limitation de traitements de maintien en vie conduisant au décès d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que cette décision soit notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d'exercer un recours en temps utile. Ce recours doit par ailleurs pouvoir être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux fins d'obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée ». 

 

Aux termes d’une décision rendue le 24 juin 2014 dans le cadre d’une célèbre affaire[3], le Conseil d’Etat, réuni en Assemblée, a quant à lui eu l’occasion de juger que :

 

 

« Les dispositions contestées du code de la santé publique ont défini un cadre juridique réaffirmant le droit de toute personne de recevoir les soins les plus appropriés, le droit de voir respectée sa volonté de refuser tout traitement et le droit de ne pas subir un traitement médical qui traduirait une obstination déraisonnable ; que ces dispositions ne permettent à un médecin de prendre, à l'égard d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, une décision de limitation ou d'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger que sous la double et stricte condition que la poursuite de ce traitement traduise une obstination déraisonnable et que soient respectées les garanties tenant à la prise en compte des souhaits éventuellement exprimés par le patient, à la consultation d'au moins un autre médecin et de l'équipe soignante et à la consultation de la personne de confiance, de la famille ou d'un proche ; qu'une telle décision du médecin est susceptible de faire l'objet d'un recours devant une juridiction pour s'assurer que les conditions fixées par la loi ont été remplies ».

 

 

Mais également que :

 

 

« 16. Considérant que si l'alimentation et l'hydratation artificielles sont au nombre des traitements susceptibles d'être arrêtés lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable, la seule circonstance qu'une personne soit dans un état irréversible d'inconscience ou, à plus forte raison, de perte d'autonomie la rendant tributaire d'un tel mode d'alimentation et d'hydratation ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l'obstination déraisonnable ;  

17. Considérant que, pour apprécier si les conditions d'un arrêt d'alimentation et d'hydratation artificielles sont réunies s'agissant d'un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu'en soit l'origine, qui se trouve dans un état végétatif ou dans un état de conscience minimale le mettant hors d'état d'exprimer sa volonté et dont le maintien en vie dépend de ce mode d'alimentation et d'hydratation, le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d'éléments, médicaux et non médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité ; qu'outre les éléments médicaux, qui doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés collégialement et porter notamment sur l'état actuel du patient, sur l'évolution de son état depuis la survenance de l'accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique, le médecin doit accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient peut avoir, le cas échéant, antérieurement exprimée, quels qu'en soient la forme et le sens ; qu'à cet égard, dans l'hypothèse où cette volonté demeurerait inconnue, elle ne peut être présumée comme consistant en un refus du patient d'être maintenu en vie dans les conditions présentes ; que le médecin doit également prendre en compte les avis de la personne de confiance, dans le cas où elle a été désignée par le patient, des membres de sa famille ou, à défaut, de l'un de ses proches, en s'efforçant de dégager une position consensuelle ; qu'il doit, dans l'examen de la situation propre de son patient, être avant tout guidé par le souci de la plus grande bienfaisance à son égard ».

Plus encore, les juridictions administratives ont d’ores et déjà eu l’occasion de se prononcer dans le cadre d’une affaire strictement transposable aux faits de l’espèce, qui concernait une petite fille âgée de quelques mois, atteinte de lésions cérébrales et de troubles neurologiques graves, et dont l’équipe médicale avait décidé d’un arrêt des thérapeutiques actives en raison notamment d’un « état irréversible de perte d’autonomie la rendant tributaire de moyens de suppléance de ses fonctions vitales ».

 

 

Aux termes d’une ordonnance en date du 8 février 2017[4], le Tribunal Administratif de Marseille a notamment jugé que :

 

 

« 7. (…) La seule circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible de perte d’autonomie la rendant tributaire d’une alimentation et d’une ventilation artificielles ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite du traitement apparaît injustifié au nom du refus de l’obstination déraisonnable (…).

 

« 8. Considérant que, pour apprécier si les conditions d’un arrêt d’alimentation et de ventilation artificielles sont réunies s’agissant d’un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu’en soit l’origine, qui se trouve dans un état de conscience minimale le mettant hors d’état d’exprimer sa volonté et dont le maintien en vie dépend de ce mode

d’alimentation et de ventilation, le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d’éléments, médicaux et non médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité ; qu’outre les éléments médicaux, qui doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés collégialement et porter notamment sur l’état actuel du patient, sur l’évolution de son état depuis la survenance de l’accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique, le médecin doit accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient ou, en l’espèce, ses parents s’agissant d’un enfant âgé de moins d’un an à la date de la décision, peuvent avoir, le cas échéant, exprimée, quels qu’en soient la forme et le sens ; que le médecin doit ainsi prendre en compte les avis des membres de la famille du patient, en s’efforçant de dégager une position consensuelle ; qu’il doit, dans l’examen de la situation propre de son patient, être avant tout guidé par le souci de la plus grande bienfaisance à son égard » ;

 

 

Saisi du litige, le Conseil d’Etat a confirmé la solution retenue par le Tribunal, considérant, d’une part, que les éléments médicaux ne couvraient pas une période suffisamment longue et, d’autre part, que l’avis des parents aurait dû être pris avec d’autant plus de considération que l’enfant, en très bas âge, n’avait pu exprimer sa volonté.

 

 

Il a ainsi jugé, aux termes d’une décision très remarquée rendue le 8 mars 2017[5], que :

 

 

« 15. Pour apprécier si les conditions d'un arrêt des traitements de suppléance des fonctions vitales sont réunies s'agissant d'un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu'en soit l'origine, qui se trouve dans un état végétatif ou dans un état de conscience minimale le mettant hors d'état d'exprimer sa volonté et dont le maintien en vie dépend de ce mode d'alimentation et d'hydratation, le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d'éléments, médicaux et non médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité. Outre les éléments médicaux, qui doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés collégialement et porter notamment sur l'état actuel du patient, sur l'évolution de son état depuis la survenance de l'accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique, le médecin doit accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient peut avoir, le cas échéant, antérieurement exprimée, quels qu'en soient la forme et le sens. A cet égard, dans l'hypothèse où cette volonté demeurerait inconnue, elle ne peut être présumée comme consistant en un refus du patient d'être maintenu en vie dans les conditions présentes. Le médecin doit également prendre en compte les avis de la personne de confiance, dans le cas où elle a été désignée par le patient, des membres de sa famille ou, à défaut, de l'un de ses proches, en s'efforçant de dégager une position consensuelle. En particulier, comme le prévoient les dispositions de l'article R. 4127-37-2 du code de la santé publique s'agissant d'un enfant mineur, il doit prendre en compte l'avis des parents ou des titulaires de l'autorité parentale. Il doit, dans l'examen de la situation propre de son patient, être avant tout guidé par le souci de la plus grande bienfaisance à son égard ».

 

 

Et le Conseil d’Etat d’ajouter :

 

 

« 21. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 15, pour apprécier si les conditions d'un arrêt des traitements de suppléance des fonctions vitales sont réunies s'agissant d'un patient victime de lésions cérébrales graves, le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d'éléments médicaux et non médicaux.

 

22 (…) Dans ces circonstances, malgré le pronostic extrêmement péjoratif établi par les experts médicaux, compte tenu des éléments d'amélioration constatés de l'état de conscience de l'enfant et de l'incertitude à la date de la présente ordonnance sur l'évolution future de cet état, l'arrêt des traitements ne peut être regardé comme pris au terme d'un délai suffisamment long pour évaluer de manière certaine les conséquences de ses lésions neurologiques. 23. En second lieu, à défaut de pouvoir rechercher quelle aurait été la volonté de la personne s'agissant d'un enfant de moins d'un an à la date de la décision, l'avis de ses parents, qui s'opposent tous les deux à l'arrêt des traitements, revêt une importance particulière. Dans ces conditions, la circonstance que l'enfant E... D...soit dans un état irréversible de perte d'autonomie la rendant tributaire de moyens de suppléance de ses fonctions vitales ne rend pas les traitements qui lui sont prodigués inutiles, disproportionnés ou n'ayant pour d'autre effet que le maintien artificiel de la vie et la poursuite de ces traitements ne peut caractériser une obstination déraisonnable. Dès lors, les conditions d'application des dispositions de l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique ne sont pas, à ce jour, réunies ».  

 

 

Et la Haute Juridiction de conclure :

 

 

« 24. Par suite, à supposer qu'un enfant en bas âge puisse être considéré, comme " hors d'état d'exprimer sa volonté " et partant susceptible de faire l'objet de la procédure collégiale prévue par les dispositions des articles L. 1110-5-1 et L. 1111-4 du code de la santé publique et d'une décision du médecin prise sur le seul avis de ses parents, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception d'illégalité des dispositions de l'article R. 4127-37-2 au regard de l'article 371-1 du code civil faute de prévoir le consentement des parents à un tel acte, ni sur l'exception d'inconventionnalité des dispositions législatives applicables au regard des stipulations des articles 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, soulevées en défense par M. et MmeD..., il résulte de ce qui précède que l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu la décision du 4 novembre 2016 de mettre un terme aux thérapeutiques actives et enjoint à l'équipe médicale, sans préjuger en rien de l'évolution de l'état clinique de E...D..., de maintenir les soins appropriés la concernant ».

 

 

Maître Vincent RAFFIN, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit médical et dommages corporels, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges.

 

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[1] CE, Juge des référés, 8 mars 2017 n°408146

[2] Conseil Constitutionnel QPC 2 juin 2017 n°2017-632

[3] CE 24 juin 2014 n°375081

[4] TA Marseille, 8 février 2017

[5] CE, 8 mars 2017 n°408146