Par une décision en date du 23 novembre 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a eu à répondre à une question intéressant la situation d’une victime d’infection nosocomiale.

 

En l’espèce, la victime présentait une surcharge pondérale, et il avait alors été pratiqué une réduction de l’estomac par voie coelioscopique.

 

Les suites opératoires ont été marquées par la survenance d’une infection consécutive à l’apparition d’une fistule digestive.

 

La victime a saisi en première intention la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médiaux. Une expertise médicale a été diligenté.

 

L‘ONIAM a été assigné par la victime en indemnisation. Du fait du rejet de sa demande, la victime a interjeté appel.

La cour ne fera pas droit à ses prétentions indemnitaires de sorte qu’elle s’est pourvue en cassation. 

 

Cet arrêt présente un double intérêt : il revient d’une part sur l’épineuse question de la qualification juridique d’une infection nosocomiale, et d’autre part sur la détermination du débiteur de l’indemnisation d’une infection nosocomiale en fonction des critères de gravité.

 

 

 I-  Sur la qualification d’une infection nosocomiale causé par un aléa thérapeutique

 

La Cour de cassation rappelle dans un premier temps la définition d’une infection nosocomiale en indiquant que « Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge. ».

 

Et la Cour précise également que :

 

« 8. Il s'en déduit :

- que l'infection causée par la survenue d'un accident médical présente un caractère nosocomial comme demeurant liée à la prise en charge,
- qu'une indemnisation des dommages résultant d'infections nosocomiales n'est due par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, que si la responsabilité d'un établissement, service ou organisme n'est pas engagée et si les dommages répondent au moins à l'un des critères de gravité fixés ou, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1er, que si les dommages ont entraîné un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ou le décès du patient. »

 

 II-Sur la détermination du débiteur de l’indemnisation d’une infection nosocomiale en fonction des critères de gravité

 

 

La Cour de cassation rappelle les termes de l’article L.1142-1 alinéa 2 du code de la santé publique, les conditions de responsabilité d’un dommage résultant d’une infection nosocomiale incombant aux établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, diagnostic ou de soins.

 

Il en ressort que : "Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.»

 

Précisant en son II :

 

« Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. ».

 

L’article L.1142-1-1 précise les critères d’admission à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale : « Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. »

 

 

Pour rappel, la Cour de cassation indique que « (…) présente un caractère nosocomiale une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge ».

 

Autrement dit, l’indemnisation par l’ONIAM ne peut être réclamée que si la responsabilité d’un établissement, service ou organisme n’est pas engagée (par exemple à l’occasion d’une faute tenant à un défaut d’organisation du service) et si les dommages répondent à au moins un des critères de gravité fixés à l’article L 1142-1-1 en son alinéa 1.

Ces deux critères de gravité se trouvent être un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à 25% ou le décès de la victime.

 

Il pèse donc sur les établissements de santé une présomption de responsabilité en cas d’infection nosocomiale. Cette présomption est réfragable, si l’établissement de santé parvient à prouver une cause étrangère (une cause imprévisible, irrésistible et extérieure).

 

En présence de ses éléments de droit, la Cour de cassation s’est prononcée en ce sens :« Il en résulte que, même si l'infection survenue présentait un caractère nosocomial au sens des dispositions précitées, l'indemnisation des dommages consécutifs à cette infection, qui ne répondait pas aux critères de gravité de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1er, et qui avait été contractée au sein d'un établissement de santé, soumis à une responsabilité de droit, ne pouvait être mise à la charge de l'ONIAM, de sorte que les demandes formées à son encontre devaient être rejetées. »

 

La cour d’appel avait quant à elle écarté le caractère nosocomial de l’infection, car cette dernière était survenue de manière postérieure à l’accident médical non fautif. Elle avait également écarté l’indemnisation du dommage au titre de la solidarité nationale, étant donné que la victime ne remplissait pas l’un des caractère de gravité mentionnés à l’article L 1142-1-1 en son alinéa 1.

 

La Cour de cassation indique pour sa part que l’infection contractée pouvait être caractérisée comme étant nosocomiale, comme l’indique le rapport d’expertise du 19 avril 2013. Cependant les dommages résultant de cette infection ne répondaient pas aux critères de gravité de l’article L.1142-1-1 alinéa 1. L’ONIAM ne pouvait  donc être enjoint de prendre en charge l’indemnisation des dommages de la victime.

 

 

La victime doit donc agir contre l’hôpital en de telles cicronstances.

 

Cour de cassation, première Chambre civile, 23 novembre 2022 n° 21-24.103

 

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 novembre 2022, 21-24.103, Publié au bulletin  

 

Commentaire établi en collaboration avec Manon Pilorge, Etudiante, M2 droit de la santé, UFR RENNES 1