La question dont la réponse devait sembler évidente est celle de savoir si le fait de refuser des relations sexuelles à son conjoint est susceptible d’entraîner le prononcé d’un divorce pour faute.
Jusqu’à aujourd’hui, la réponse du droit français était positive.
Pour rappel :
Article 212 du code civil :
« Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »
Tel que rappelé par la Cour dans son arrêt du 23 janvier 2025, selon une jurisprudence ancienne mais constante, les époux sont tenus à un « devoir conjugal » – c’est-à-dire à une obligation d’entretenir des relations sexuelles – dont l’inexécution peut justifier le divorce (Cass., 2e civ., 8 octobre 1964, Bull. civ. II n° 599, 12 novembre 1965, Bull. civ. II n° 879, 27 janvier 1971, n° 70-11.864, Bull. civ. II n° 27, 23 avril 1975, n° 74‑11.819, Bull. civ. II n° 114, et 17 décembre 1997, n° 96-15.704).
Article 222-22 al. 2 du code pénal :
« Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage. Dans ce cas, la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel ne vaut que jusqu’à preuve du contraire. »
Article 222-23 du code pénal :
« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.
Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. »
La position de la France :
Dans un arrêt du 07 novembre 2019 la Cour d’appel de Versailles considère comme fautif le refus continu opposé par l’épouse à partir de 2004 à des relations intimes avec son mari, et ce pendant une durée aussi longue.
En 2024, le Gouvernement français vient encore soutenir qu’en vertu de l’article 215 du code civil, les époux s’obligent mutuellement à une « communauté de vie », laquelle est généralement comprise comme impliquant une « communauté de lit ». (…) cette obligation résulte d’une jurisprudence bien établie que la Cour de cassation n’a jamais remise en cause (…) que le devoir conjugal n’est pas absolu et qu’il n’est pas susceptible d’exécution forcée. Il fait en outre valoir que le droit pénal, en réprimant les atteintes sexuelles entre époux, garantit leur liberté de refuser toute relation intime. (…) que les époux ont librement consenti à leur mariage et qu’ils se sont délibérément soumis aux devoirs qu’il implique (..) il fait valoir que celui des époux à qui son conjoint se refuse ne peut être délié de son devoir de fidélité que par le divorce, cette mesure permettant de concilier les intérêts concurrents des époux.
En substance, après avoir découvert une obligation découlant du mariage et consistant en un devoir d’avoir des relations sexuelles avec son conjoint, la France considère que, puisque le viol entre époux est sanctionné pénalement, le conjoint non consentant est parfaitement fondé à refuser la sollicitation de l’autre et ce, alors même que le droit positif fait peser sur celui qui ne consentirait pas à la relation sexuelle le risque du prononcé d'un divorce pour faute.
Il est ici inutile de rappeler qu’il est aujourd’hui très aisé de divorcer, même, sans l’accord de l’autre époux, sur un fondement autre que celui de la faute.
Ce que nous dit la Cour européenne des droits de l’Homme :
« La Cour ne saurait admettre, comme le suggère le Gouvernement, que le consentement au mariage emporte un consentement aux relations sexuelles futures. Une telle justification serait de nature à ôter au viol conjugal son caractère répréhensible.
Or, la Cour juge de longue date que l’idée qu’un mari ne puisse pas être poursuivi pour le viol de sa femme est inacceptable et qu’elle est contraire non seulement à une notion civilisée du mariage mais encore et surtout aux objectifs fondamentaux de la Convention dont l’essence même est le respect de la dignité et de la liberté humaines
Aux yeux de la Cour, le consentement doit traduire la libre volonté d’avoir une relation sexuelle déterminée, au moment où elle intervient et en tenant compte de ses circonstances. »
En conséquence la Cour dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.
S’il n’apparaît pas nécessaire de modifier la loi française et particulièrement les dispositions du Code civil applicables au mariage et au divorce, cette décision, frappée du sceau du bon sens, impose aux juridictions françaises d’opérer un brutal revirement de jurisprudence dont nous ne pourrons que nous féliciter !
https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-240199%22]}
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