Si le titre de cette communication peut prêter à sourire, le sujet qu’il recouvre impose, à l’inverse, la plus grande rigueur. 

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, une correspondance entre avocats ne devient pas « officielle » simplement parce qu’on le veut ainsi. En matière de dérogation à la confidentialité des correspondances entre avocats, le régime est strict, restrictif, et exigeant.

L'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 pose une exception au principe de confidentialité des correspondances entre avocats.

Ainsi, si les avocats peuvent échanger, de manière exceptionnelle, des courriers portant la mention « Officiel », encore faut-il qu’ils en aient clairement manifesté la volonté dès l'origine et qu'ils aient expressément porté sur leurs correspondances la mention « Officiel » comme le prévoit la loi.

Toutefois, cette mention, si elle est indispensable, est insuffisante et la correspondance devra en outre :

-    Être équivalente à un acte de procédure ou ne faire référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels ;

-    Respecter les principes essentiels de la profession.

Première condition : Impérieuse nécessité de mentionner « Officiel ». 

Il est impératif que le support de la correspondance ou de l'échange mentionne expressément et sans ambiguïté le terme « Officiel ».

Cette mention doit être claire et ne saurait être rajoutée a posteriori. Ainsi, une lettre entre avocats, même qualifiée de lettre en la forme de procédure, ne peut en aucun cas être produite devant le juge, dès lors qu'elle ne revêt pas la mention « Officiel » 

En aucune manière une correspondance ne comportant pas la mention « Officiel » ne peut évoluer par la suite en lettre officielle. 

Dès lors, doivent être écartées des débats toutes correspondances entre avocats ne comportant pas la mention « Officiel », lesquelles sont confidentielles ', peu importe que l'absence de cette mention relèverait d'une omission, ainsi que les pièces qui y étaient annexées.

Deuxième condition : être équivalent à un acte de procédure ou ne faire référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels.

La correspondance pour pouvoir porter la mention « Officiel » doit être équivalente à un acte de procédure : communication d'écritures et pièces, demande de communication des pièces, une lettre de transmission de fonds, etc…

Si elle n'est pas équivalente à un acte de procédure, elle se doit, en tout état de cause, de ne faire référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels : il n'est pas possible de se référer à une lettre confidentielle, ou à des propos confidentiels, dans une lettre portant la mention « Officiel ». Par conséquent, même si la mention « Officiel » est apposée sur la lettre envoyée à un autre avocat, la simple référence directe à une lettre ne portant pas la mention « Officiel », donc confidentielle, enlève au courrier son caractère officiel.

Un courrier officiel ne peut pas plus faire référence à un entretien ou à un courrier confidentiel, tel que « je fais suite à nos échanges », « comme indiqué lors de notre conversation téléphonique du... » ou « tel que mentionné dans votre correspondance en date du... ». C'est ainsi que doit être considérée comme confidentielle une lettre portant la mention « Officiel » mais faisant référence à l'existence de pourparlers confidentiels, ou celle portant la mention « Officiel » émise en réponse à une mise en demeure dès lors qu'elle fait référence à des échanges confidentiels entre avocats'

Troisième condition : respecter les principes essentiels. 

La correspondance pour pouvoir porter la mention « Officiel » doit, enfin, respecter, en toutes circonstances, les principes essentiels de la profession ainsi que les règles déontologiques qui en découlent, ce qui s’impose avec d'autant plus de rigueur qu'elle est susceptible d'être produite en justice.

Ces principes sont la dignité, la conscience, l'indépendance, la probité, l'humanité, l'honneur, la loyauté, le désintéressement, la confraternité, la délicatesse, la modération, la courtoisie, la compétence, la dévouement, la diligence et la prudence.

Les principes de probité, de loyauté, de confraternité, de délicatesse et de courtoisie doivent permettre d'éviter les abus et les débordements dans la pratique des correspondances officielles : leur vocation exclusive est de formaliser la position de la partie représentée par l'avocat qui en est l'auteur, faisant que ce dernier doit se limiter à un exposé succinct et objectif des faits ou de la demande, et s'interdire tout commentaire, toute mise en cause, toute polémique et plus généralement tout propos ou argument de nature à être perçu comme un moyen de pression.

L'avocat doit impérativement s'abstenir d'y évoquer la position de la partie adverse, plus encore de la présumer et, en particulier, proscrire toute référence à celle-ci, même précédée de formules telles qu'« il semble que », et même en utilisant le conditionnel ou des formules équivoques ou prêtant à polémique telle que « vous suggérez » ou « en dépit d'une première demande en ce sens » 

La correspondance officielle n'a nullement vocation à servir de moyen de se préconstituer une preuve.

Par suite, ne peut être produite, ou communiquée en copie à des tiers, une correspondance qui comporte une présentation des faits méconnaissant les principes d'indépendance, de modération et de délicatesse ou qui fait référence à des infractions en les présentant comme constituées alors qu'aucune juridiction ne s'est prononcée, quand bien même ledit courrier s'appuierait sur les conclusions d'un rapport établi par une administration.

 

En définitive, le courrier officiel entre avocats n’est pas du Port-Salut : ce n’est pas parce qu’on y écrit « Officiel » qu’il le devient. La dérogation au principe de confidentialité des échanges entre Avocats ne tolère ni l’approximation, ni l’ambiguïté.