Peut-on être harcelé par toute une entreprise ? La Cour de cassation vient de trancher : une politique managériale abusive peut être qualifiée de harcèlement moral institutionnel et entrainer la condamnation de ses dirigeants. Une décision qui ne peut qu’inciter les entreprises à un management bienveillant.
Le 21 janvier 2025, la Cour de cassation a rendu un arrêt consacrant le harcèlement moral institutionnel comme une infraction pénale. Cette décision marque une étape cruciale dans la protection des salariés contre des politiques managériales délétères.
Contexte de l'affaire :
Entre 2006 et 2008, une grande entreprise a mis en œuvre une politique visant à réduire ses effectifs de 20 000 postes et à imposer une mobilité interne à 10 000 employés. Ces mesures ont conduit à une dégradation significative des conditions de travail, provoquant stress et anxiété parmi les salariés. Un syndicat a alors porté plainte, dénonçant les conséquences humaines désastreuses de cette politique.
Définition du harcèlement moral institutionnel :
Le harcèlement moral institutionnel se caractérise par des agissements répétés, issus d'une politique d'entreprise, qui dégradent les conditions de travail de manière intentionnelle ou par négligence. Contrairement au harcèlement moral individuel, qui implique des actes entre personnes, le harcèlement institutionnel émane de décisions stratégiques affectant collectivement les salariés. Ces pratiques peuvent porter atteinte aux droits et à la dignité des employés, altérer leur santé physique ou mentale, ou compromettre leur avenir professionnel.
Décision de la Cour de cassation :
La Cour de cassation a confirmé que le harcèlement moral institutionnel relève de l'article 222-33-2 du Code pénal, qui sanctionne le harcèlement moral au travail. Elle a souligné que la loi n'exige pas que les agissements soient dirigés vers une victime spécifique ou qu'ils résultent d'une relation interpersonnelle. Il suffit que les actes, issus d'une politique d'entreprise, entraînent une dégradation des conditions de travail pour un groupe de salariés. Cette interprétation vise à protéger l'ensemble de la communauté de travail contre des pratiques managériales abusives.
Implications pour les entreprises et les dirigeants :
Cette jurisprudence impose aux entreprises une vigilance accrue quant à leurs politiques managériales. Les dirigeants peuvent désormais être tenus pénalement responsables si leurs décisions stratégiques conduisent, en connaissance de cause, à une dégradation des conditions de travail. Il est donc essentiel pour les entreprises de veiller à ce que leurs pratiques respectent les droits et la dignité des salariés, en intégrant des mesures préventives contre le harcèlement dans leurs processus décisionnels.
Prévention du harcèlement moral institutionnel :
Pour prévenir de telles situations, les entreprises doivent :
- Évaluer les risques psychosociaux : Réaliser régulièrement des audits pour identifier les facteurs de stress et les dysfonctionnements organisationnels.
- Former les managers : Sensibiliser les cadres aux pratiques managériales respectueuses et aux conséquences juridiques du harcèlement institutionnel.
- Mettre en place des dispositifs d'alerte : Instaurer des canaux confidentiels permettant aux salariés de signaler des pratiques abusives.
- Dialoguer avec les partenaires sociaux : Collaborer avec les représentants du personnel pour co-construire des environnements de travail sains.
En conclusion, cet arrêt de la Cour de cassation renforce la protection des salariés en reconnaissant le harcèlement moral institutionnel comme une infraction pénale. Les entreprises doivent désormais s'assurer que leurs politiques managériales respectent les droits fondamentaux des employés, sous peine de sanctions judiciaires.
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