Soc. 27 mars 2019, FS-P+B, n° 17-23.314

Par cette décision, la Cour de cassation vient préciser pour la première fois que tant que la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires n'est pas prescrite, l'action tendant à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail est recevable. En l'espèce, un salarié a été engagé à compter du 15 janvier 2006 en qualité de responsable de zone export sur le territoire du Moyen-Orient, statut cadre. Son contrat de travail comportait une convention de forfait annuel en jours. Le 19 mai 2014, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et des demandes se rapportant à son exécution. Il a été licencié le 23 mai 2014. Il soutenait que tant son contrat de travail que l'accord collectif instaurant le dispositif d'un forfait datant du 15 mars 2000 ne comportaient pas de dispositions de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés et que son employeur n'avait pas mis en place un entretien permettant de contrôler sa charge de travail.

Condamné en appel à payer au salarié un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires effectuées outre les congés payés afférents, l'employeur forme un pourvoi au moyen duquel il soutient que le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité d'une convention de forfait en jours, qui peut être engagée lorsque la convention est prévue par un accord collectif dont les stipulations n'assurent pas la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, est la signature de la convention de forfait.

Statuant sur le pourvoi formé par l'employeur, la Cour de cassation a approuvé cette solution en retenant que : « le salarié, dont la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires n'est pas prescrite, est recevable à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail ».

Pour rappel, l'action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit à l'expiration d'un délai de « trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture » (C. trav., art. L. 3245-1).

Cette décision est aussi l'occasion de rappeler la jurisprudence constante de la Cour de cassation relative au caractère impératif du suivi de la charge de travail du salarié (Soc. 9 janv. 2018, n° 16-15.124, Dalloz actualité, 30 janv. 2018, obs. W. Fraisse ; RDT 2018. 223, chron. G. Pignarre ). En effet, par cette nouvelle décision qui s'inscrit dans cette ligne jurisprudentielle constante, la Haute juridiction rappelle, en premier lieu, que l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail.

En second lieu, chaque année les salariés au forfait doivent bénéficier d'au moins un entretien avec le supérieur hiérarchique au cours duquel doivent être évoquées notamment l'organisation et la charge de travail de l'intéressé ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité.

Enfin, l'employeur doit organiser un dispositif d'alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec la possibilité de solliciter un entretien avec le service compétent afin que l'employeur puisse en temps utile remédier à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée du travail raisonnable (V. dans le même sens, Soc. 8 sept. 2016, n° 14-26.256, D. 2016. 1823 ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ).