X a souhaité faire expertiser un manuscrit non signé, intitulé « La Guerre Mondiale 1914-1918 », illustré de 77 croquis.
Ont expertisé ce manuscrit :
- un graphologue
- un expert en écritures près la CA de Toulouse
Ont également été consultés :
- le conservateur général du Patrimoine
- le conservateur en chef des Bibliothèques
- l'adjoint au général chef du service historique de la défense de Vincennes
Conclusion : c'est un manuscrit du maréchal Pétain.
X a ensuite signé un mandat de vente avec une SVV pour la vente aux enchères du manuscrit.
Estimation haute : 400.000 €
Cependant, à 3 jours de la vente, sur la base de rumeurs, la SVV a consulté un expert, qui a émis un avis négatif sur l’attribution à Pétain.
Le lot a alors été retiré de la vente.
Puis, après un rapport complet de cet expert, la SVV a définitivement résilié la vente.
X a alors cherché la responsabilité de la SVV.
Le 29 juin 2021, la CA Paris a considéré que la SVV avait effectivement commis une faute.
La cour a suivi le raisonnement suivant :
- l’expertise préalable était très approfondie
- les rumeurs, dont on ignore l’origine, le nombre ou les auteurs, ne justifient pas l’ébranlement soudain des certitudes de la SVV sur l’authenticité du manuscrit
- les circonstances dans lesquelles la SVV a organisé la seconde expertise sont très critiquables puisque cette dernière a été pilotée sans concertation avec X, et sans consultation des précédents experts
- cette seconde expertise est beaucoup moins fouillée que la première
Selon la cour, il incombait à la SVV, à réception de l’avis négatif émis par son expert, d’instaurer une discussion contradictoire, avec éventuellement la désignation d’un expert neutre.
La SVV a donc commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité en résiliant unilatéralement le mandat de vente.
Le manuscrit est aujourd’hui définitivement marqué par ce retrait, émanant d’une maison de ventes prestigieuse. La cour évalue à 50.000 € la perte de valeur du manuscrit, dont la SVV devra indemniser X.
Au passage : on déplorera la condescendance de la CA Paris qui a salué les expertises des premiers experts, « extrêmement sérieuses bien qu'émanant d'experts provinciaux ».
DES CHAMPS (paru dans la revue "Experts")
Jadis, un juge incivil
Commit un expert des champs
Au cours d’un procès civil,
Car il n’avait pas le temps
D’en trouver un à Paris,
Les juges sont faits ainsi.
Je laisse à penser l’avis
Que forma l’expert commis
Le rapport fut plus qu’honnête
Il n’y manquait aucun point
Mais le juge avait en tête
Que le rural n’était point
À un Parisien égal.
Il lut le rapport produit,
Qui n’était pas si banal
Et même fort bien écrit.
— Un bouseux qui sait écrire !
Se dit le juge in petto.
Et tout aussitôt d’écrire
A titre de memento
“Pas si mal pour un rustique !”
Le robin, fier comme un roi
De ce bon mot magnifique,
Lui donna force de loi.
Rien ne peut plus interrompre
Le désopilant plaisir
De lire tout à loisir
Ce mot qu’on ne doit corrompre.