Par un arrêt du 28 janvier 2025, la grande chambre de la Cour de justice de l’Union était appelée à se prononcer sur la conformité au droit de l’Union d’une disposition du droit allemand qui interdirait le recouvrement des dommages causés par une infraction au droit de la concurrence au moyen du mécanisme de cession de créance à un prestataire agréé de services juridiques dans le cadre d’une action de groupe.

Les faits à l’origine du litige au principal sont les suivants : Trente-deux scieries établies en Allemagne, en Belgique et au Luxembourg prétendent avoir subi un préjudice du fait d’une entente par laquelle le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne) aurait appliqué, à tout le moins du 28 juin 2005 au 30 juin 2019, des prix excessifs à la vente à ces scieries de bois rond en provenance de ce Land.

Chacune des scieries concernées a cédé son droit à réparation du préjudice à la société ASG 2. En tant que « prestataire de services juridiques », au sens de la loi allemande, cette société a saisi le juge allemand d’une action groupée en dommages et intérêts contre le Land. Elle agit en son propre nom et à ses propres frais, mais pour le compte des scieries, en contrepartie d’honoraires en cas de succès.

Le Land conteste la qualité pour agir d’ASG 2. Il soutient que la législation allemande, telle qu’interprétée par certaines juridictions nationales, n’autorise pas ce prestataire à intenter une action groupée en recouvrement dans le contexte d’une infraction au droit de la concurrence.


Pour la juridiction de renvoi, l’interprétation de la loi sur les services juridiques extrajudiciaires (RDG) ayant pour effet l’interdiction en cause au principal est susceptible d’entrer en conflit avec la directive 2014/104 ainsi qu’avec les principes d’effectivité du droit de l’Union et de la protection juridictionnelle effective. Selon elle, l’action groupée en recouvrement constituerait, en Allemagne, le seul mécanisme procédural collectif permettant de mettre en œuvre effectivement le droit à réparation dans les affaires d’ententes.

Dès lors, ce juge demande à la Cour de justice si le droit de l’Union s’oppose à l’interprétation d’une réglementation nationale qui empêche les personnes lésées par l’entente d’avoir recours à ce type d’action.


En premier lieu, la Cour analyse la recevabilité de la première question préjudicielle se rapportant à la conformité au droit de l’Union de l’interprétation du droit national ayant pour effet d’interdire le recouvrement des dommages causés par une entente au moyen du mécanisme de cession de créance, lorsque la juridiction de renvoi est saisie d’une action en « follow-on ».

La Cour précise dans cet arrêt que le droit de l’Union confère à toute personne lésée par une infraction au droit de la concurrence le droit de demander réparation intégrale de celui-ci. Une action en dommages et intérêts peut être introduite soit directement par la personne qui bénéficie de ce droit, soit par une tierce personne à laquelle ce droit a été cédé.

Toutefois, le droit de l’Union n’a pas pour objet de régir les modalités d’exercice du droit à réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence. Partant, il appartient à chaque État membre de les déterminer, dans le respect, notamment, du principe d’effectivité.

En second lieu, le juge allemand est tenu de vérifier si l’interprétation du droit national qui interdirait le recouvrement des dommages causés par une entente à travers l’action groupée en cause satisfait à l’exigence d’effectivité.

S’il concluait i) que le droit allemand n’offre aucune autre voie de droit collective qui permettrait d’assurer la mise en œuvre effective de ce droit à réparation et ii) qu’une action individuelle rend son exercice impossible ou excessivement difficile et porte atteinte à une protection juridictionnelle effective, le juge allemand devrait constater une violation du droit de l’Union.

Dans une telle hypothèse, il devrait chercher à interpréter les dispositions nationales d’une manière conforme au droit de l’Union. Si l’interprétation conforme s’avérait impossible, le juge allemand devrait laisser inappliquées les dispositions nationales qui interdisent l’action groupée en recouvrement de prétentions indemnitaires individuelles en question.