Lorsqu’un ouvrage public est mal ou irrégulièrement implanté, il peut arriver que le juge administratif condamne l’administration à démolir l’immeuble qu’elle a construit en dépit du principe d’intangibilité des ouvrages publics.

Ce contentieux, d’origine jurisprudentielle a connu une première évolution lorsque le juge administratif a estimé que l’administration n’était pas tenue de rejeter une demande de destruction d’un ouvrage public et que le juge administratif se livre à un contrôle restreint s’agissant de la décision de l’administration de faire droit ou non à cette demande de destruction (CE, 19 avril 1991, Epoux Denard et Martin, n°78275) :

« Considérant que la buse édifiée par la commune de Carignan-de-Bordeaux sous le chemin "du petit Tourny" en vue de permettre l'écoulement des eaux pluviales présente le caractère d'un ouvrage public ; que, pour refuser par les décisions attaquées, d'engager, ainsi que le demandaient les requérants, la procédure qui aurait permis de supprimer légalement cette buse, le maire s'est fondé sur ce que cet ouvrage demeurait nécessaire, indépendamment de l'aménagement éventuel d'un fossé, pour assurer l'écoulement des eaux ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en retenant ce motif, qui n'est pas entaché d'erreur de droit, le maire n'a pas fondé ses décisions sur des faits matériellement inexacts ou une erreur manifeste d'appréciation ; qu'aucun détournement de pouvoir n'est établi ; que, par suite, les époux X... et les époux Y... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées sont entachées d'excès de pouvoir ; »

 

Par la suite, le Conseil d’Etat avait reconnu la faculté au juge administratif un pouvoir d’injonction envers l’administration de procéder à la destruction de l’ouvrage litigieux sauf si cette destruction entrainera une atteinte excessive à l’intérêt général et ce, après avoir recherché si une régularisation était néanmoins possible (CE, 29 janvier 2003, SDEG des Alpes maritimes et Commune de Clans, n°245239).

Poursuivant son œuvre jurisprudentielle, par une décision Communauté de commune du canton de Saint-Malo-de-la-Lande (CE, 13 février 2009, n°295885) le Conseil d’Etat a estimé que le juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, doit se placer au jour où il statue pour estimer si une régularisation de l’ouvrage est possible et si la démolition ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général.

Enfin, par une dernière décision, en date du 29 novembre 2019 (n°410689), le Conseil d’Etat a apporté de nouvelles précisions s’agissant de ce contentieux spécifique. En premier lieu, le contentieux ne relève plus de la compétence du juge de l’excès de pouvoir mais du juge du plein contentieux. En second lieu, le Conseil d’Etat reprécise le cadre juridique applicable à ce type de contentieux :

« 6. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général. »

En l’espèce, le Conseil d’Etat estime que la destruction de bâtiments n’entraine pas une atteinte manifestement excessive à l’intérêt général et fait injonction à l’administration de procéder à la destruction desdits bâtiments.