Inutile de revenir sur les faits à l’origine de cette ordonnance, l’utilisation du maillot de bain dit burkini déchaine les passions tous les étés depuis maintenant plusieurs années.

 

L’arrêté du maire de Grenoble autorisant son usage dans les piscines municipales a été attaqué devant le tribunal administratif.

La demande d’annulation était couplée d’une requête ayant pour finalité la suspension temporaire de l’acte jusqu’au prononcé du jugement qui statuera sur sa légalité.

Beaucoup d’articles de presse se sont étonnés de la décision du tribunal en ce qu’elle paraitrait inédite.

La lecture attentive des motifs retenus par le juge des référés pour justifier la suspension de l’acte démontre que la logique retenue ne diffère pas véritablement de la lignée jurisprudentielle.

Un service public doit être neutre, c’est-à-dire que le service rendu ne doit pas être fonction des croyances des usagers.

Le juge des référés a estimé en l’espèce que l’arrêté présentait une difficulté à ce sujet :

« En permettant aux usagers du service public communal des piscines de Grenoble de porter des tenues « non près du corps », sous la seule condition qu’elles soient moins longues que la mi-cuisse - comme c’est le cas notamment du vêtement de baignade appelé burkini-, c’est à dire en dérogeant à la règle générale d’obligation de porter des tenues ajustées près du corps pour permettre à certains usagers de s’affranchir de cette règle dans un but religieux, ainsi qu’il est d’ailleurs reconnu dans les écritures de la commune, les auteurs de la délibération litigieuse ont gravement porté atteinte aux principe de neutralité du service public. »

Il ressort de la lecture de ce passage que l’arrêté attaqué ferait une distinction entre deux tenues ajustées près du corps, le burkini et les autres.

La première serait autorisée au seul motif qu’elle permettrait l’exercice ou la manifestation de convictions religieuses alors que les autres tenues ajustées seraient toujours interdites.

In fine, il existerait deux types de « tenues ajustées » :

    - Le premier type, le burkini, serait autorisé afin de respecter des convictions religieuses ;

    - Le second, dénué de toute portée religieuse, qui serait interdit ;

 

Partant, il existerait bien une différence de traitement selon la conviction religieuse de l’usager puisqu’une partie pourrait porter une tenue ajustée, près du corps, répondant à un impératif religieux (le burkini), exception à laquelle les autres usagers désirant porter une tenue ajustée mais qui ne serait pas un burkini, ne pourraient pas prétendre.

Le raisonnement du juge est cohérent, et ce d’autant plus que la modification du règlement était présentée par la commune comme ayant pour seul objet de permettre aux femmes musulmanes de se baigner avec un burkini, motifs au demeurant repris dans les écritures de la commune.

Ainsi, la différence d’appréciation portée sur les ‘’tenues ajustées’’ autorisées (qui sont en substance de nature identique) est emprunte de religiosité, ce que la commune ne contestait pas…

 

Un appel sera sans doute interjeté à l’encontre de l’arrêté.

Affaire à suivre…

 

Tribunal Administratif de Grenoble, n°2203163, Ordonnance du 25 mai 2022