Le droit des contrats à durée déterminée est complexe et propice aux confusions, particulièrement pour ce qui est des effets de la requalification d'un CDD en CDI.  Certains arrêts cependant ont le mérite de clarifier les choses.

Tel est le cas de cet arrêt  rendu par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation le 3 mai 2016 en ce qui concerne les effets de la requalification sur l'ancienneté du salarié, situation qui fait l'objet de multiples confusions avec celle relative aux conséquences de la requalification en matière salariale alors même que les solutions retenues sont diamétralement opposées. 

Pour un point sur les effets de la requalification du CDD en CDI, suivez donc le guide!

I/ L'arrêt du 3 mai 2016 (Cass. Soc. 3 mai 2016 n°15-12.256) : faits, enjeu et portée

Dans cette affaire, un salarié, agent de propreté, avait cumulé les CDD sur une période courant de décembre 2004 à 2009, avant de signer enfin un CDI. Il a cependant été licencié, quelques années plus tard, pour faute grave. 

Il a  alors saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de sa succession de CDD en CDI, et se voir ainsi reconnaître une ancienneté qui remonte à la date de sa première embauche en CDD en décembre 2004. À cet effet, il soutient avoir été employé de façon ininterrompue par l'employeur à compter de décembre 2004. 

La Cour d'Appel accueille favorablement sa demande en requalification de la succession de CDD en CDI, toutefois, elle refuse de faire remonter son ancienneté à décembre 2004, en considérant que le salarié ne démontrait pas avoir exécuté une prestation de travail entre novembre 2007 et le 26 août 2009 date à laquelle il avait signé un nouveau contrat. 

Ainsi la Cour a considéré que durant près de deux ans, le salarié ne démontrait pas avoir travaillé pour l'employeur ni même s'être tenu à sa disposition permanente, et que de ce fait il ne pouvait bénéficier d'une ancienneté ininterrompue remontant à sa date d'embauche initiale sous CDD en décembre 2004. 

La question qui se posait ici  était donc de savoir si un salarié initialement embauché sous CDD qui obtient la requalification de son contrat en CDI peut bénéficier d'une ancienneté remontant à la date initiale de son embauche, ce quand bien même il ne parvient pas à démontrer qu'il a travaillé sans interruption pour le même employeur, et a fortiori, si durant les périodes séparant les différents contrats conclus avec le même employeur, il a travaillé pour un autre. 

La Cour d'Appel a répondu par la négative et considéré que s'il ne pouvait établir une activité ininterrompue au service du même employeur, le salarié ne démontrait pas non plus être demeuré à sa dispositon permanente. 

La Chambre Sociale de la Cour de Cassation a cependant censuré le raisonnement des juges d'appel et saisi l'occasion de rappeler, de façon claire et non équivoque, les effets d'une requalification du CDD en CDI sur l'ancienneté du salarié : 

En obtenant la requalification du CDD en CDI, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée régulier. Par conséquent, il est en droit de se prévaloir d'une ancienneté remontant au jour de son embauche, peu importe qu'il est ou non rapporté la preuve d'une activité ininterrompue au service de l'employeur ou même de s'être tenu à sa disposiiton permanente. 

La solution a le mérite d'être clairement énoncée. 

Elle emporte des effets non négligeables puisqu'il faut rappeler que l'ancienneté du salarié détermine un certains nombre de droits en matière salariale par exemple et sert de base de calcul aux indemnités de rupture du contrat de travail : indemnité de licenciement, de préavis, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Se voir reconnaître une ancienneté courant à compter du jour de son engagement initial en CDD peut ainsi considérablement améliorer la situation du salarié s'agissant de ses demandes indemnitaires, par exemple, lorsque ce dernier a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave comme dans cette affaire. 

La solution retenue par la Cour de Cassation en matière d'ancienneté est cependant radicalement différente de celle qu'elle a consacré en matière de droit au salaire suite à une requalification de CDD en CDI. 

À y regarder de plus près, il semble d'ailleurs que dans cet affaire,  la Cour d'Appel a opéré une confusion sur le sort des salaires et celui de l'ancienneté suite à la requalification du CDD. 

II/ La requalification du CDD en CDI et le droit au salaire

Lorsque le salarié saisit la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de CDD en CDI, il l'assortit de manière quasi systématique d'une demande en paiement d'un rappel de salaire qui correspond aux périodes séparant les différents CDD qu'il a conclu avec l'employeur et durant lesquelles il n'a pas été payé (que l'on nomme périodes interstitielles). 

En la matière, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a, depuis plusieurs années déjà, adopté une posiition claire et tranchée : 

Les périodes interstitielles ne donnent pas de droit au paiement d'un rappel de salaire sauf à ce que le salarié soit en capacité d'établir qu'il est demeuré à la disposition permanente de l'employeur (voir par exemple pour illustrer cette solution un arrêt de la Chambre Sociale du 9 décembre 2009 n°08-41.737). 

À défaut de pouvoir démontrer qu'il s'est maintenu à la disposition permanente de l'employeur, le salarié ne sera pas admis à bénéficier d'un rappel de salaire correspondant aux périodes non travaillées entre ses CDD avec le même employeur (voir par exemple pour illustrer le refus, un arrêt de Chambre Sociale du 28 seprembre 2011 n° 09-43.385). 

Aussi, il convient de se montrer vigilant car vous l'aurez noté, les solutions en matière salariale et d'ancienneté sont diamétralement opposées!

Une dernière précision s'agissant du droit au salaire en matière de requalification du CDD en CDI qui peut avoir son importance : lorsque le salarié est bien fondé à obtenir un rappel de salaire pour les périodes interstitielles car il a établi s'être maintenu à la disposition permanente de l'employeur, le calcul des sommes qui lui sont dues à ce titre n'est pas affecté par les sommes perçues par le salarié au titre de l'assurance chômage. L'employeur ne peut ainsi déduire les allocations chômage qui ont été versées au salarié du rappel de salaire qu'il doit lui payer du fait de la requalification du CDD en CDI. (Voir par exemple un arrêt de la Chmabre Sociale du 16 mars 2016 n°15-11.396).