Inutile de présenter la célèbre plateforme championne de la location d’appartement entre particuliers. L’engouement suscité par Airbnb, et la perspective de gagner facilement de l’argent en louant son appartement à des touristes de passage, ont tout de même conduit à quelques couacs sur le plan juridique qui ont donné lieu à des condamnations judiciaires.
Ainsi, on a pu voir fleurir depuis 2014 des décisions rendues par des juridictions de première instance, à Paris exclusivement, venant sanctionner des pratiques de sous-location d’appartement sur Airbnb en contravention avec le contrat de bail. (I) Plus récemment, le Tribunal d’Instance du 6ème arrondissement de Paris a rendu un jugement le 6 février 2018 au terme duquel Airbnb est condamné à indemniser le propriétaire du fait des manquements à ses obligations légales (II), cas de figure jusqu’à présent inédit.
- Pratique de la sous-location : quelles sont les règles ?
La sous-location est la pratique selon laquelle le titulaire d’un contrat de location met partiellement ou entièrement à disposition d’une tierce personne son logement en échange d’une contrepartie, financière dans la majorité des cas.
Pour qu’il y ait sous-location, il faut donc une contrepartie, qui se matérialise la plupart du temps par le paiement d’un loyer. Elle se distingue donc à ce titre d’un hébergement à titre gratuit ou à un prêt ponctuel du logement.
La sous-location est régie par l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 s’agissant des locations vides comme meublées, le principe étant que ce texte l’interdit. La plupart des contrats de bail prévoient une clause spécifique dans laquelle il est rappelé le principe de l’interdiction de la sous-location à peine de résiliation.
Il convient cependant de bien noter que l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 ne vise que les logements constituant la résidence principale du locataire. Pour les logements loués qui ne sont pas la résidence principale du locataire, il conviendra de se référer au contrat de location conclu entre les parties afin de voir quel cadre il prévoit pour la sous-location.
Ce texte prévoit toutefois une exception à l’interdiction de sous-louer : l’autorisation du bailleur. Cette autorisation doit être expresse et écrite. Ainsi, le propriétaire devra donner son accord écrit sur le principe de la sous-location mais aussi sur le montant du loyer.
En tout état de cause, le loyer de la sous-location ne peut en aucun cas dépasser celui du loyer principal payé par le locataire.
Il convient aussi de préciser que dans certaines grandes villes, et en particulier à Paris, le logement loué en tant que résidence principale ne pourra être loué en saisonnier que ponctuellement et au maximum quatre mois par an (soit 120 jours). Dans ce cas de figure, en plus de l’autorisation écrite du propriétaire, le locataire devra procéder à une télédéclaration de la location saisonnière auprès de la mairie. À défaut, il est passible de sanctions.
Lorsque la sous-location intervient sans l’autorisation du propriétaire ou au mépris de son refus, le locataire contrevenant prend le risque de perdre son logement.
En effet, le propriétaire pourra agir en résiliation du bail (celui-ci prévoyant comme indiqué précédemment pratiquement toujours une clause rappelant l’interdiction de la sous-location sans autorisation expresse du propriétaire). La résiliation pourra être prononcée si le Tribunal juge que la faute ainsi commise par le locataire est suffisamment grave.
Il pourra également mettre en œuvre une procédure d’expulsion du sous-locataire, étant rappelé que ce dernier n’ayant aucun lien contractuel avec le propriétaire, sera considéré comme occupant sans droit ni titre et ne pourra donc pas bénéficier des mécanismes de protection issus de la loi du 6 juillet 1989.
L’engagement de ces procédures suppose qu’au préalable le propriétaire ait fait constater l’infraction par voie d’huissier et fait sommation de respecter les clauses du contrat de bail.
Plus récemment, les juridictions de première instance ont ouvert la voie à l’indemnisation des propriétaires au titre de la sous-location irrégulière. Ainsi, par jugement du 6 avril 2016, le Tribunal d’Instance de Paris 5ème a condamné le locataire contrevenant à payer la somme de 5.000€ au propriétaire à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la sous-location illicite.
- La condamnation d’Airbnb à indemniser le propriétaire
Le 6 février 2018, le Tribunal d’Instance du 6ème arrondissement de Paris a rendu une décision inédite en la matière au terme de laquelle il condamne Airbnb à indemniser le propriétaire en raison d’une sous-location irrégulière. (TI Paris 6è, n°11-17-000190).
Ici, l’action en responsabilité du propriétaire était donc dirigée non par contre son locataire contrevenant mais contre la plateforme par l’intermédiaire de laquelle il réalisait la sous-location prohibée.
Pour accueillir la demande du propriétaire et caractériser la fauté délictuelle commise par Airbnb, le Tribunal relève que la plateforme a méconnu les dispositions de l’article L. 342-1 du code de tourisme qui lui imposaient d’informer le loueur de l’obligation de déclaration ou d’autorisation préalable et à recueillir une attestation sur l’honneur du respect de ses obligations.
Le tribunal constate surtout que Airbnb a permis que le logement soit loué plus de 120 jours par an en contravention à la réglementation susvisée applicable notamment dans la Ville de Paris (pas de location saisonnière plus de 4 mois par an).
Le Tribunal en a ainsi déduit que la plateforme, manquant à ses obligations légales, a fourni au locataire le moyen de s’affranchir de ses obligations contractuelles et « avec une certaine mauvaise foi et peut-être en connivence avec le locataire, laissé perdurer ses manquements ».
Ce faisant, le Tribunal d’Instance a appliqué une jurisprudence déjà ancienne selon laquelle le tiers qui permet sciemment à un contractant de manquer à ses obligations contractuelles engage sa responsabilité à l’égard du créancier sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Si le tiers ne peut en effet être tenu d’exécuter le contrat auquel il n’est pas partie, il ne peut en revanche l’ignorer : le contrat constitue ainsi un fait qui lui est opposable.
Dans cette affaire, Airbnb a été condamné à verser au propriétaire une indemnisation au titre de son préjudice moral (occupation de son appartement par des tiers, plaintes des voisins, démarches nécessaires pour faire constater et cesser la sous-location).
Le Tribunal lui a également accordé une indemnité pour son préjudice matériel composée, d’une part, d’une somme couvrant les frais d’huissier engagés et, d’autre part, d’une somme correspondant à la somme perçue par Airbnb (commission d’intermédiation) du fait de mise à disposition illicite de son bien sur le fondement des articles 546 et 547 du Code civil qui réservent au seul propriétaire le droit de tirer profit des utilités du bien et notamment d’en récolter les fruits civils.
Sur ce dernier point, le jugement rendu par le Tribunal d’Instance de Paris est contestable. En effet, si Airbnb s’est certes enrichie indûment, en ayant facilité une sous-location irrégulière, cet enrichissement ne constitue cependant pas de facto un préjudice pour le propriétaire qui, lui, n’a subi aucune perte. En effet, si la sous-location avait été régulière, le propriétaire n’aurait pour autant rien perçu de la commission d’intermédiation prélevée par la plateforme.
Ce jugement est le premier à condamner Airbnb pour avoir hébergé des offres de sous-location illicite. Airbnb avait annoncé faire appel de ce jugement. Affaire à suivre.
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