Le congé parental d'éducation (ou la période d'activité à temps partiel) du salarié dont l'enfant vient de naître est désormais bien intégrée dans la vie de l'entreprise. Le salarié comprend bien qu'il s'agit pour lui d'un droit auquel l'employeur ne saurait lui opposer un refus lorsqu'il demande à en bénéficier selon les modalités édictées par le Code du travail lesquelles ne s'avèrent pas des plus contraignantes.

Cependant, le salarié doit se soumettre à l'obligation d'informer son employeur tant de sa volonté de bénéficier du congé parental d'éducation que de celle de le prolonger. Une omission en la matière peut avoir de fâcheuses conséquences. C'est ce qu'illustre un récent arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de cassation du 3 mai 2016 (n°14-29.190). 

Avant de s'y intéresser, un petit rappel des dispositions relatives au congé parental d'éducation peut s'avérer utile. 

I/ Le congé parental d'éducation : pour qui, quand quoi et comment

Le droit au congé parental d'éducation est ouvert, durant la période qui suit l'expiration du congé de maternité ou d'adoption, à tout salarié justifiant d'une d'ancienneté minimale d'une année à la date de naussibace de son enfant, adopté ou confié en vue de son adoption, ou de l'arrivée au foyer d'un enfant qui n'a pas encore atteint l'âge de la fin de l'obligation scolaire. 

Le droit au congé parental peut être mis en oeuvre selon deux modalités :

- le bénéfice d'un congé à proprement parler, durant lequel le contrat de travail est suspendu,

- ou la réduction de la durée de travail du salarié dans le cadre d'un temps partiel qui ne peut être inférieur en principe à 16 heures par semaine. (article L. 1225-47 du Code du travail)

Quelle que soit la taille de l'entreprise, tout salarié qui justifie de la condition d'ancienneté d'une année à la date de naissance ou d'arrivée au foyer de l'enfant a droit au congé parental d'éducation. 

Le congé parental d'éducation et la période d'activité à temps partiel ont une durée initiale d'un an. Ils peuvent cependant faire l'objet de deux prolongations pour prendre fin au plus tard au troisième anniversaire de l'enfant. (article L. 1225-48 du Code du travail)

Certaines situations permettent l'aménagement du termes du congé parental ou de la période d'activité à temps partiel (ex : naissances multiples, maladie, accident ou handicap graves de l'enfant, etc). 

Afin de mettre en oeuvre ce droit, le salarié doit informer l'employeur du point de départ, de la durée de la période et bien entendu de la modalité selon laquelle il entend en bénéficer (congé ou période d'activité à temps partiel). 

Le salairé doit aussi se conformer à un délai pour informer l'employeur, lequel varie selon le moment où il entend faire valoir droit à congé : 

- lorsque la période de congé parental suit immédiatement le congé de maternité, le salarié doit informer l'employeur au moins un mois avant l'expiration du congé de maternité

- dans le cas contraire, le salarié doit informer l'employeur au moins deux mois avant le début du congé parental ou de la période d'activité à temps partiel. (article L. 1225-50 du Code du travail). 

Lorsque le salarié entend prolonger la période de congé parental ou modifier son congé parental ou sa période d'activité à temps partiel, il doit également en aviser l'employeur au moins un mois avant le terme initialement prévu (article L. 1225-51 du Code du travail).

La Cour de cassation a considéré que l'inobservation de ces délais ne rend pas la demande de congé irrecevable (ex: Cass. Soc. 18/06/2002 n°00-41.361), mais peut toutefois avoir pour conséquence d'en reculer la mise en oeuvre. 

Le salarié doit informer l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception ou lettre remise en main propre contre récépissé (article  R. 1225-13 du Code du travail). 

La Chambre sociale de la Cour de Cassation a par ailleurs eu a se prononcer sur la valeur à accorder à l'exigence posée par le Code du travail sur les conditoons formelles de l'information de l'employeur (courrier recommandé ou remis en main propre contre récépissé). 

La question était de savoir s'il s'agissait du condition de fond qui, à défaut d'avoir été respectée par le salarié, rendait sa demande de congé irrecevable, ou s'il ne s'agissait là que d'une condition probatoire. 

La Cour s'est prononcée en faveur de cette seconde option. Elle a ainsi considéré que l'obligation faite au salarié d'informer l'employeur par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remsie en main propre contre récépissé ne consitutait pas une condition du droit du salarié au bénéficie d'un congé parental d'éducation, mais seulement un moyen de preuve de l'information de l'employeur (par ex en ce sens Cass. Soc. 25/01/2012 n°10-16.369). 

Cela a pour conséquence que le salarié qui parvient à démontrer qu'il a bien avisé son employeur de sa volonté de bénéficier du congé parental d'éducation ou de celle de le prolonger, même s'il ne l'a pas fait par le biais d'une lettre recommandée avec avis de réception ou d'une lettre remise en main propre contre récépissé :

- ne pourra se voir refuser le congé parental par l'employeur ou sa prolongation, 

- ne pourra être sanctionné du fait de son absence à son poste de travail car l'employeur aura été avisé régulièrement du motif de son absence. 

Cela signifie également qu'en cas de contentieux, il appartiendra au salarié d'établir qu'il a bien informé son employeur

 

Une fois  rappelés ces quelques points sur le droit au congé parental d'éducation, il est temps de nous pencher sur cet arrêt du 3 mai 2016 qui rappelle que si le salarié bénéficie d'une certaine souplesse quant à la forme de l'information qu'il est tenu de délivrer à l'employeur, une omission peut s'avérer lourde de conséquences. 

 

II/ L'arrêt du 3 mai 2016 : faits, enjeu et portée

Dans cette affaire, une salariée avait fait une demande de congé parental d'éducation dont elle a bénéficié durant un an. Son retour dans l'entreprise était prévu à la date du 11 juillet 2009. Toutefois, à cette date, elle ne s'est pas présentée à son poste, ni n'a répondu aux mises en demeure que lui avait adressées son employeur d'avoir à reprendre son postre de travail ou justifier de son absence. Face à son silence, l'employeur l'a licenciée le 4 septembre 2009 au motif d'une faute grave tirée de son absence injustifiée depuis le 11 juillet 2009. 

La salariée conteste son licenciement pour faute grave en soutenant qu'elle ne pouvait  se voir considérée comme étant en absence injustifiée par l'employeur puisque, selon les dispositions du Code du travail, elle pouvait bénéficier d'un congé parental d'éduction jusqu'au trois ans de son enfant.  

La Cour d'Appel ne l'a pas suivie dans son raisonnement en retenant que la période de suspension du contrat de travail au motif du congé parental d'éducation avait pris fin le 11 juillet 2009, et que depuis cette date, la salariée n'ayant ni repris son poste de travail ni justifié son absence, son licenciement reposait sur une faute grave. 

L'enjeu de cet arrêt est de connaître la portée de l'obligation du salarié d'informer l'employeur de son intention de prolonger la période de congé parental d'éducation qui lui est faite par le Code du travail (article L. 1225-51).

Doit-on considérer qu'à défaut de respecter son obligation d'information le contrat de travail reprend son cours, la suspension cessant au jour initialement prévu pour le retour du salarié dans l'entreprise, et que son absence à son poste l'expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement?

Ou bien doit-on considérer que, de la même manière que pour la forme que doit revêtir l'infiormation, le défaut d'information de l'intention de prolonger le congé parental ne constitue pas une condition de  ce droit à prolongation, mais seulement un moyen de preuve et par conséquent que l'absence d'information ne saurait caractériser une faute du salarié?

C'est sur ce terrain que la salariée licenciée se pourvoit en cassation. 

Sa position est la suivante : puisque la Chambre Sociale considère que l'obligation d'informer par écrit l'employeur de sa volonté de prolonger le congé parental n'est pas une condition de fond du droit à la prolongation mais une simple moyen de preuve, alors, le fait d'avoir omis d'informer l'employeur de la prolongation du congé ne saurait être considéré comme une faute pouvant jusitifer son licenciement. 

La Chambre Sociale censure cependant son raisonnement et rejette son pourvoi. Le licenciement pour faute grave de la salariée est donc jugé légitime: 

"Mais attendu qu'il résulte des articles L. 1225-51 et R. 1225-13 du code du travail que lorsque le salarié entend prolonger son congé parental d'éducation, il en avertit l'employeur au moins un mois avant le terme initialement prévu par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé ; que si ces formalités ne sont pas une condition du droit du salarié au bénéfice de cette prolongation, celui-ci se trouve, à défaut de justifier d'une demande de prolongation ou d'autres causes de son absence à l'issue du congé parental d'éducation, en situation d'absence injustifiée ; 

Et attendu qu'après avoir rappelé que l'employeur, lors de son acceptation en 2008 d'un congé parental d'une année, avait précisé à la salariée qu'elle devait réintégrer la société le 11 juillet 2009, la cour d'appel a souverainement retenu que la preuve d'une information de l'employeur relative à une prolongation de ce congé n'était pas rapportée et que cette salariée, qui avait attendu février 2011 pour indiquer être alors prête à reprendre son travail, n'avait pas répondu aux mises en demeure de justifier son absence ; qu'elle a, sans constater une prolongation du congé parental, pu en déduire l'existence, à la date du licenciement, d'une faute grave"

Cette décision a le mérite de permettre  un rappel des règles du jeu : 

1er point : cet arrêt ne remet aucunement en cause la jurisprudence antérieure de la Cour selon laquelle la forme de l'information délivrée à l'employeur ne constitue pas une condition de fond mais un moyen de preuve. 

Aussi, le fait de ne pas informer l'employeur par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remise en main propre contre récépissé ne prive pas le salarié de son droit à congé parental, ni de son droit à prolongation de ce congé. 

L'infirmation peut donc être délivrée par tout autre moyen que ceux-là, par exemple par mail, ou même oralement.

Cependant, il appartient au salarié de prouver qu'il a bien délivré cette information et que l'employeur était régulièrement avisé de la prise d'effet ou de la prolongation du congé parental d'éducation. 

Ce qui nous amène au 2ème point, crucial : en matière de mise en oeuvre du congé parental d'éducation ou de sa prolongation le salarié a une obligation d'information vis-à-vis de son employeur, et ne peut s'y soustraire!

La solution retenue dans cet arrêt est logique et inspirée par les notions de loyauté et de bonne foi contractuelle. 

Dans cette affaire, la salariée a eu l'occasion, lorsque son employeur lui a adressé une première mise en demeure de reprendre son poste, de l'informer de sa volonté de prolonger le congé parental. Elle n'en a cependant rien fait, et n'a ainsi pas exprimé de volonté claire de voir son congé prolongé. L'employeur pouvait donc en tirer toutes les conséquences et la considérer en absence injustifiée. 

Dès lors si vous ne deviez retenir qu'une seule chose de cet article, elle pourrait se résumer ainsi : informez l'employeur par le moyen que vous voudrez, mais informez-le en tout état de cause, et ménagez-vous la preuve d'avoir bien satisfait à votre obligation