Le reçu pour solde de tout compte est l’un des documents que l’employeur a l’obligation d’établir et de remettre au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Il doit faire l’inventaire des sommes versées au salarié à la rupture de son contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte est doté d’un effet libératoire pour l’employeur : sans dénonciation dans les six mois suivant sa signature, le salarié est censé avoir renoncé à toute réclamation, y compris judiciaire, s’agissant des sommes qui sont visées dans ce document (Art. L. 1234-20 du Code du travail).

Cet effet libératoire ne concerne cependant que les sommes qui y sont précisément inventoriées par l’employeur.

Dès lors, si l’employeur manque de précision lorsqu’il établit le solde de tout compte, il ne pourra pas invoquer cet effet libératoire pour se prémunir contre une réclamation ultérieure du salarié.

C’est ce que vient rappeler un arrêt rendu le 14 février 2018 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation.

Dans cette affaire, deux salariées dont le contrat de travail avait été rompu du fait de leur mise à la retraite, avait signé un reçu de solde de tout compte dans lequel elles reconnaissaient avoir bénéficié d’une somme de 3.872,20 € qui correspondait au solde de l’indemnité de mise à la retraite.

Dans les faits, elles avaient perçu la quasi intégralité de cette indemnité.

Le reçu pour solde de tout compte était rédigé ainsi :

 « (…) reconnais avoir reçu de la société {…} pour solde de tout compte la somme de XXX€ en paiement des salaires, des accessoires de salaire et de toute indemnité quels qu’en soient la nature et le montant qui m’étaient dus au titre de l’exécution et de la cessation de mon contrat de travail ».

Le reçu précisait en outre : « Ces différents éléments sont détaillés en annexe du présent reçu pour solde de tout compte sur le duplicata du bulletin de paie ». Ce document annexe mentionnait en effet le règlement de l’indemnité de mise à la retraite.

Les salariées n’ont pas dénoncé le solde de tout compte dans le délai de six mois qui leur était imparti. Elles ont toutefois saisi le juge prud’homal d’une demande de versement d’un complément d’indemnité de mise à la retraite.

Devant la juridiction prud’homale, l’employeur leur a opposé l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte qu’elles avaient signé et qui mentionnait qu’elles avaient bénéficié de la totalité de la somme correspondant à l’indemnité de mise à la retraite. Il considérait que, si ce document mentionnait une somme globale, il renvoyait à un bulletin de paie annexé lequel énumérait les différents éléments de rémunération versés, dont l’indemnité de mise à la retraite litigieuse. Les salariées n’ayant pas dénoncé le solde de tout compte dans les six mois de sa signature, l’employeur soutenait ainsi qu’elles ne pouvaient donc plus soulever aucune réclamation relation à cet élément de rémunération.

La Cour de Cassation a cependant écarté tout effet libératoire du reçu de solde de tout compte en l’espèce, en s’appuyant sur la rédaction actuelle de l’article L. 1234-20 du Code du travail issue de la loi du 2008-596 du 25 juin 2008 laquelle précise que l’effet libératoire ne s’applique qu’aux sommes mentionnées dans le reçu pour solde de tout compte.

Elle en a déduit ainsi déduit que « le reçu pour solde de tout compte qui fait état d’une somme globale et renvoie pour le détail des sommes versées au bulletin de paie annexé n’a pas d’effet libératoire ».

La solution retenue paraît conforme à la lettre du texte visé lequel ne prévoit pas la possibilité de compléter le reçu par un document annexé.

La demande des deux salariées portant sur le montant de l’indemnité de mise à la retraite a donc été accueillie dans la mesure où le reçu pour solde de tout compte ne mentionnait qu’une somme globale, sans inventaire détaillé des sommes payées.

En pratique, il appartient donc à l’employeur qui entend se prévaloir de l’effet libératoire du solde de tout compte de se montrer particulièrement vigilant lorsqu’il l’établit. Il doit y mentionner avec précision tous les éléments de rémunération et d’indemnisation dont il entend se libérer ainsi que la ventilation de la somme globale versée au salarié entre ces différents éléments. Il ne peut se contenter de renvoyer à un document annexé, quand bien même ce serait un bulletin de paie, pour le détail des sommes versée.

Dans une telle hypothèse, le reçu n’aura pas d’effet libératoire et ne constituera qu’une simple preuve du paiement de la  somme globale qui y est visée, autorisant ainsi le salarié à saisir la juridiction prud’homale d’une réclamation alors même que le délai de six mois pour dénoncer le solde de tout compte avait expiré.

(Cass. soc. 14 janvier 2018, n°16-16.617 et 16-16.618)