Les salariées en état de grossesse bénéficient d'une protection contre la rupture de leur contrat de travail instaurée par les articles L. 1225-4 et suivants du Code du travail (I). Force est de constater que le non-respect de ces dispositions par l'employeur a donné lieu à une jurisprudence abondante. Un arrêt du 31 janvier 2018 en est une illustration récente, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation ayant fait application des dispositions du Code du travail en la matière s'agissant d'une assistante maternelle employée par un couple de particuliers (II)

  • La protection de la salariée en état de grossesse quant à la rupture de son contrat de travail : rappel des dispositions du code du travail

Les articles L. 1225-1 à L. 1225-6 du Code du travail déterminent la protection de la grossesse et de la maternité dans le secteur privé.

Ces dispositions ont été récemment modifiées par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 qui a allongé la période de protection de la femme enceinte contre le licenciement.

L’article L. 1225-4 prévoit ainsi qu’aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté pendant :

  • l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit,
  • et au titre des congés payés pris immédiatement après le congés de maternité
  • ainsi que pendant les 10 semaines suivant l’expiration de ces périodes (avant la loi du 8 août 2016, la période de protection se limitait à 4 semaines après l’expiration de ces périodes).

Il existe cependant une exception à ce principe : l’employeur pourra rompre le contrat de travail s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à son état de grossesse, ou s’il justifie d’une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

Dans ces cas exclusivement, si l’employeur décide de rompre le contrat de travail de la salariée, la rupture ne pourra cependant ni être notifiée ni prendre effet durant les périodes de suspension du contrat de travail liées aux périodes de suspension du contrat de travail évoquées ci-dessus.  (Article L. 1224-1 alinéa 2).

Pour mettre en œuvre cette protection, la salariée doit faire parvenir à son employeur un certificat médical attestant de son état de grossesse et de la date présumée de l’accouchement (article R. 1225-1 du Code du Travail).

L’employeur ne pourra pas non plus rompre le contrat de travail de la salariée pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant sauf à ce qu’il justifie d’une faute grave de la salariée ou de l’impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant (article L. 1225-4-1 du Code du travail).

Enfin, l’article L. 1225-5 du Code du travail ajoute que le licenciement d’une salariée doit être annulé lorsque dans le délai de quinze jours à compter de sa notification, celle-ci envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte.

Ce délai de quinze jours court à compter du moment où le licenciement a été effectivement porté à la connaissance de la salariée par la lettre de licenciement remise en main propre ou par courrier recommandé.

La violation du statut protecteur de la salariée enceinte est sanctionnée par la nullité du licenciement (article L. 1225-71 du Code du travail).

C’est dans cette dernière hypothèse qu’intervient l’arrêt de la Chambre Sociale du 31 janvier 2018, lequel illustre une fois de plus l’application des règles de protection du contrat de travail de la salarié enceinte.

  • Illustration de la mise en œuvre de la protection de la salariée en état de grossesse contre la rupture de son contrat de travail : arrêt de la Chambre Sociale du 31 janvier 2018 n°16-17.886

Les faits :

Une salariée a été engagée en septembre 2010 en qualité d’assistante maternelle par un couple de particuliers.

Le 19 juillet 2012, les parents ont notifié à la salariée le retrait de la garde de l’enfant, ce retrait matérialisant ainsi la rupture du contrat de travail de la salariée.

Le 30 juillet 2012, pour contester la rupture de son contrat de travail, la salariée informait le couple employeur qu’elle était enceinte. Le couple employeur a refusé d’annuler la rupture du contrat de l’assistante maternelle, s’en est donc suivi un contentieux devant les juridictions prud’homales.

La Cour d’Appel a déclaré nulle la rupture du contrat de travail de l’assistante maternelle.

Le couple employeur a formé un pourvoi en cassation. Ils soutenaient que le droit au retrait de l’enfant ouvert aux particuliers employant des assistantes maternelles peut s’exercer librement, sous réserve que le motif du retrait ne soit pas illicite et que, par ailleurs, la décision de rompre le contrat de travail n’avait pas à être motivée.

Ils argumentaient également le fait de n’avoir connu l’état de grossesse de la salariée que 12 jours après avoir annoncé le retrait de l’enfant et que ce retrait étant motivé par la scolarisation de l’enfant, il ne pouvait donner lieu à une annulation car ce motif était de nature à caractériser une impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l’état de grossesse de la salariée.

Ce qu’en dit la Cour de Cassation :

La Cour de Cassation a cependant rejeté cette argumentation et fait une stricte application de l’article L. 1225-5 du Code du travail. Elle relève d’une part que l’assistante maternelle avait adressé dans les quinze jours suivant la rupture un certificat médical attestant de son état de grossesse, et d’autre part que le couple employeur ne prouvait pas le refus de la salariée d’accepter les nouvelles conditions de garde qui lui avaient été proposées. La Cour considérant ainsi que l’employeur n’établissait pas une impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement de la salariée.

Ainsi, la révélation de la grossesse dans le délai de quinze jours après la notification de la rupture du contrat de travail neutralise le pouvoir de l’employeur de licencier.

Cette décision fait une juste application des dispositions du code du travail en matière de protection de la grossesse et de la maternité mais se justifie également par la nécessité de protéger la santé physique et psychique de la salariée enceinte. Cet impératif de protection est ancré dans le droit communautaire, et la Cour de justice de la Communauté européenne (CJCE) le rappelle de manière régulière.