Pour certains artistes, l’image est aussi connue et recherchée que l’oeuvre. Au-delà du nom notoire et du style singulier de tel ou tel, le public devient souvent familier avec le visage ou la silhouette des artistes dont la renommée bénéficie d’une certaine assise. Qu’il s’agisse alors du nom, de la signature ou encore de l’image, ces différents aspects de la personnalité d’un créateur sont protégés juridiquement, notamment sur le fondement de l’article 9 du Code civil. Pour autant, une frontière délicate existe quant au champ de la protection. Et cette ligne de départage est celle du trépas. Si après le décès du créateur, la protection du nom peut toujours faire l’objet d’une action par ses héritiers, tel n’est pas le cas pour l’image. C’est là, le rappel opéré par la Cour de cassation aux termes d’une décision du 31 janvier 2018 concernant Henri Salvador, décédé depuis dix ans.

La veuve du chanteur avait assigné une société qui commercialisait, sans autorisation, des disques illustrés de photos de son défunt époux. La cour d’appel avait décidé que sa demande était irrecevable. La veuve éplorée avait alors formé un pourvoi au moyen que « le droit exclusif d’exploiter l’image d’une personne et d’en retirer un profit pécuniaire, qui revêt une valeur patrimoniale à la fois appropriable et cessible, constitue un bien qui, en l’absence de disposition contraire, est transmissible entre vifs et à cause de mort ». Pour autant, la Cour de cassation a rejeté son pourvoi au motif que « le droit à l’image, attribut de la personnalité, s’éteint au décès de son titulaire et n’est pas transmissible à ses héritiers ». La notoriété du défunt et de son image ne se transmettent pas à ses héritiers. Ceux-ci ne peuvent donc pas agir en réparation du préjudice causé par une exploitation non-autorisée réalisée par un tiers, à l’inverse de la solution retenue du vivant de celui dont la protection de l’image est recherchée.

Pourquoi une telle différence avec le droit au nom ? Deux raisons peuvent être notamment convoquées. D’une part, les héritiers du défunt portent bien souvent le même nom que celui-ci et, d’autre part, le conjoint survivant dispose lui-même d’un droit d’usage sur ce nom. Ainsi en est-il, par exemple, pour Laeticia Hallyday qui partageait publiquement avec son défunt mari son nom de scène. Par ailleurs, le nom peut connaître une protection renforcée, dès lors que celui-ci est déposé à titre de marque et qu’il constitue un signe distinctif. Dans le domaine des arts plastiques, le nom de Picasso est assurément l’illustration la plus exemplaire avec une valorisation post-mortem de celui-ci. En revanche, l’image du défunt, elle, ne se transmet pas. Elle subsiste au travers de reproductions diverses, qui elles-mêmes se font l’écho des modifications temporelles de l’apparence physique. À l’immutabilité du nom s’oppose le caractère changeant de l’image. Quelle image devrait être alors protégée après le décès ?