Il n’est pas rare que les mondes du luxe et de la mode, notamment, s’inspirent de la création artistique la plus contemporaine pour promouvoir leurs activités. Cette inspiration s’avère souvent involontaire, de nombreuses œuvres imprimant une réminiscence, parfois assumée sous forme d’un clin d’œil détourné ou encore, plus rarement, recherchée. Dans ce dernier cas, l’artiste doit être associé au projet, afin de convenir des conditions contractuelles et de rémunération, sous peine de pouvoir revendiquer à l’encontre de ceux utilisant sans son consentement son œuvre, ou plus généralement son univers artistique, une indemnisation. Cette dernière peut être fondée soit sur une action en contrefaçon, soit sur une action en parasitisme, actions régulièrement présentées dans les brèves de la présente newsletter.

C’est sur ce deuxième fondement, le parasitisme, que l’artiste Fabien Chalon a pu faire condamner la société Mazarine Event, une agence de communication, qui l’avait contacté pour un projet au bénéfice de Van Cleef & Arpels au Japon qui s’inspirerait de son installation « L’aspirateur », une de ses sculptures-machines explorant le rapport de l’homme à l’espace-temps. Bien que l’artiste avait finalement mis fin au projet de collaboration, l’agence avait néanmoins maintenu sa volonté de réaliser une installation à sa manière et sans son accord.

Si le Tribunal de grande instance de Paris a reconnu, le 7 juillet 2017, l’originalité de l’œuvre « L’aspirateur », l’action en contrefaçon a toutefois été rejetée faute d’être caractérisée. D’un point de vue visuel et surtout rythmiquement, l’installation litigieuse ne reprenait pas les caractéristiques principales de l’œuvre de Fabien Chalon. Son œuvre se caractérise notamment « par un assemblage de multitudes d’objets avec une volonté manifeste d’accumulation, dont les principaux objets sont un ventilateur positionné en haut, un aspirateur noir en position verticale placée au centre de l’œuvre et un disque en métal plat en bas à gauche. Autour de ces éléments principaux, divers outils, ustensiles, ascenseurs et rails sont agencés afin de servir le parcours poétique de la boule », qui rythme l’ensemble de l’œuvre et lui confère son originalité. Or, l’aspirateur ayant donné son titre à l’œuvre n’était pas présent dans l’installation litigieuse et l’impression d’accumulation ne semblait pas caractérisée selon le tribunal. Et, d’un point de vue rythmique, le mouvement de la boule que propose l’installation litigieuse était en réalité bien plus rapide que celui proposé par « L’aspirateur ».

Cependant, il ressortait des éléments fournis par l’artiste que l’agence de communication s’était sciemment inspirée de son univers pour réaliser l’installation litigieuse, ayant même souhaité l’associer avant que l’artiste ne refuse. Cet emprunt a même été revendiqué par la société Mazarine Event et mis en avant par elle pour obtenir le marché auprès de la société Van Cleef & Arpels. Ainsi, selon le tribunal, il existe un emprunt « de manière certaine au travail de Monsieur Fabien Chalon notamment parce qu’il comporte la reprise d’un parcours d’une boule colorée fixée sur un support frontal et vertical faisant office de mur, sur un fond musical et dans laquelle la boule emprunte différents plans inclinés, s’arrête momentanément, disparaît derrière le support, effleure des carillons ». L’ensemble de ces éléments permet de porter l’évaluation du préjudice subi par l’artiste à un niveau élevé au titre du parasitisme, puisque l’agence est condamnée à lui verser une indemnité à hauteur de 40.000 euros. Celle-ci n’a, en effet, pas tenu compte de son refus de participer au projet, a ostensiblement utilisé le travail, et ce, alors que « l’utilisation à des fins commerciales du travail d’un artiste par la banalisation qu’elle emporte sur son œuvre lui cause un préjudice certain ». Ce dernier point, soulevé par le tribunal, mérite une entière approbation. La finalité de l’utilisation d’une œuvre n’est jamais indifférente.