Quelles sont les modalités du licenciement d’un agent contractuel de la fonction publique hospitalière pour insuffisance professionnelle ?

Il est impératif de démontrer les motifs justifiant l’insuffisance professionnelle. Ce type de licenciement est autorisé par les textes[1] mais est très contrôlé par le juge.

1/ Appréciation de l’insuffisance professionnelle au regard des fonctions dévolues par le grade

En premier lieu, l’insuffisance professionnelle d’un agent contractuel s’apprécie au regard des fonctions qu’il a normalement vocation à exercer compte tenu de son grade[2].

Ainsi, le Conseil d’État a pu estimer :

« que le licenciement pour inaptitude professionnelle d’un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l’inaptitude de l’agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l’exercice de ces fonctions ; que, toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l’insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l’agent ni qu’elle ait persisté après qu’il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées ; que, par suite, une évaluation portant sur la manière dont l’agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement »[3].

« la circonstance que M. A…n’avait jamais fait l’objet auparavant d’une évaluation professionnelle n’est pas de nature à faire obstacle à ce que son insuffisance professionnelle puisse être relevée ».

L’administration n’est plus tenue de rechercher préalablement à reclasser l’agent avant de le licencier pour insuffisance professionnelle[4].

Concrètement, les agents publics peuvent être licenciés dès lors que :

  • « les faits ayant fondé la décision attaquée révélaient, de la part de l’intéressé, un manque de diligence et de rigueur dans l’exécution de son travail, une inaptitude à exercer ses tâches professionnelles, un absentéisme important et des difficultés relationnelles dans les équipes au sein desquelles il avait été affecté ; que ces faits, dont la matérialité est établie, étaient de nature, contrairement à ce que soutient le requérant, à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle»[5].

  • « Mme Bernadette X… fait preuve d’une incapacité avérée à s’organiser, à remplir les tâches administratives qui sont les siennes, y compris les plus simples ; que ceci provoque de multiples erreurs en toutes matières (documents d’état civil, comptabilité, etc …) » ; […] que ces faits étaient de nature à compromettre la bonne marche de l’administration communale ; que Mme X… a pu, dans ces conditions, être légalement regardée comme ne présentant pas les aptitudes nécessaires à l’exercice des fonctions de secrétaire de mairie et être licenciée pour insuffisance professionnelle»[6].

  • « qu’il ressort des pièces du dossier que Melle X, recrutée en qualité de juriste spécialisée en droit des assurances, n’a pas fait preuve dans le suivi des dossiers qui lui étaient confiés des qualités de rigueur, d’organisation et d’initiative qu’exigeait le niveau de responsabilité des fonctions exercées»[7].

  • l’agent refuse d’exécuter certaines tâches lui incombant ou avec une mauvaise volonté[8].

Deux conditions de légalité :

  • d’une part le licenciement ne peut pas être fondé que sur l’inaptitude de l’agent « à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade »[9].
  • d’autre part, la période de référence servant à apprécier l'(in)aptitude ne saurait être trop courte, l’évaluation devant porter « sur la manière dont l’agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante ».

2/ Contrôle important exercé par le juge administratif

En second lieu, l’appréciation d’une telle justification du licenciement fait l’objet d’un contrôle normal du juge[10]. Il va vérifier qu’il n’y a pas la moindre erreur dans l’appréciation de l’insuffisance.

C’est pourquoi, il est impératif de caractériser avec précision l’incompétence de l’agent pour envisager son licenciement.

Le juge a ainsi pu estimer que ne justifie pas d’une insuffisance professionnelle la décision fondée sur un unique rapport d’évaluation établi quelques semaines avant le licenciement alors que les notations annuelles de l’agent font l’objet d’appréciations satisfaisantes sur sa manière de servir et qu’aucun avertissement relatif à l’exercice de ses fonctions ne lui a été adressé[11].

3/ Exigence de l'étude d'une possibilité d’un reclassement ou d’une réaffectation de l’agent

En troisième lieu, l’employeur public doit chercher à reclasser l’agent non titulaire en CDI dont l’emploi qu’il occupe va être affecté à un fonctionnaire[12].

Le poste proposé doit en outre être en conformité avec le cadre d’emploi de l’agent :

« les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours ; qu’il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent perte de responsabilités ou de rémunération ; que le recours contre de telles mesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable »[13].

Une permutation de postes est possible, ainsi que le rappelle le site internet service-public.fr[14], bien que cela n’existe pas en droit et « désigne simplement une pratique de mutation coordonnée entre deux agents » et qui est « mise en œuvre de manière informelle par les agents ».

Or, cette procédure informelle s’apparente à une mutation interne qui, si elle demeure possible pour les agents non titulaires, doit les placer sur un emploi impliquant des fonctions similaires ou de même nature.

 

[1] art 41-2 du décret n° 91-155 du 6 février 1991

[2] CAA Marseille, 26 avril 2005, Centre hospitalier de Cannes, n° 00MA02621

[3] CE, 1er juin 2016, Commune de Sète, n° 392621

[4] CE, 18 janvier 2017, n° 390396

[5] CE 17 mars 2004, Provost, n° 205436

[6] CE, 16 octobre 1998, Commune de Clèdes, n° 155080

[7] CAA Paris, 8 juin 2006, n° 04PA02689

[8] CAA Versailles, 21 février 2013, n° 11VE00139

[9] CE, 6 juin 1980, Deschoux, n° 18435

[10] v. p. ex. impl. : CE, 11 mai 1990, n° 82125

[11] CAA Bordeaux, 18 janvier 2000, Bandres, n° 96BX01745

[12] CE, avis, 25 septembre 2013, Mme Sadlon, n° 365139 ; CE, 18 décembre 2013, Ministre de l’Education nationale c/ Mme Sinclair, n° 366369

[13] CE, Sect., 25 septembre 2015, Mme B., n° 372624

[14] https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33903

 

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