CE, 3 juin 2022, Collectivité européenne d’Alsace, n° 462256

Mots-clés : marchés publics ; accord-cadre ; référé précontractuel et contractuel ; reprise des relations contractuelles ; code de la commande publique

 

Le Conseil d’Etat vient de juger qu’une société qui n’est plus titulaire d'un accord-cadre et qui n’a pas demandé la reprise des relations contractuelles ni la suspension de la décision de la collectivité de mettre fin à leurs relations contractuelles, ne dispose pas d'un intérêt pour agir contre la procédure de passation des marchés subséquents pris pour son application.

Deux rappels s’imposent.

D’une part, en cas de résiliation d’un marché public, le juge administratif peut ordonner la reprise des relations contractuelles à la demande de la partie cocontractante de l’Administration (CE, sect., 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806).

Ce recours perd son objet si le terme stipulé du contrat survient soit en cours d'instance soit avant même l'introduction du recours (CAA Paris, 24 septembre 2021, Société Actimage, n° 19PA00698).

D’autre part, l’acheteur public peut envisager la passation d’un accord-cadre à marchés subséquents, qui implique la conclusion ultérieure ne nouveaux marchés (les marchés subséquents).

A ce titre, par exemple, la circonstance qu'un accord-cadre soit conclu avec un seul opérateur économique n'implique pas que son titulaire bénéficie de l'octroi automatique des marchés subséquents passés dans ce cadre (CE, 6 novembre 2020, Métropole européenne de Lille, n° 437718).

Il en résulte que si l’accord-cadre est résilié, le titulaire ne peut plus contester l’attribution d’un marché subséquent à raison de la perte de son intérêt à agir. Sa demande en référé dirigée contre cette procédure n'est, dès lors, pas recevable.

 

« 6. D'une part, aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section ". Aux termes de l'article L. 551-14 du même code : " Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Toutefois, le recours régi par la présente section n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article L. 551-1 ou à l'article L. 551-5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours ".

7. D'autre part, le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation. De telles conclusions peuvent être assorties d'une demande tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution de la résiliation, afin que les relations contractuelles soient provisoirement reprises.

8. Il résulte de l'instruction que le 26 mai 2021, la collectivité européenne d'Alsace a notifié à la société SetS Chauffeurs privés sa décision de ne pas reconduire l'accord-cadre pour l'année scolaire 2021-2022 et de mettre ainsi fin à la relation contractuelle. Si la société soutient, à l'appui de sa demande en référé, qu'une telle décision prise à l'encontre d'un seul titulaire de l'accord cadre multi-attributaire est irrégulière, il est constant qu'elle n'a pas demandé la reprise des relations contractuelles ni la suspension de la décision de la collectivité européenne d'Alsace de mettre fin à leurs relations contractuelles. Par suite, la société SetS Chauffeurs privés, n'étant plus titulaire de cet accord cadre au titre de la période en litige, ne dispose pas d'un intérêt pour agir contre la procédure de passation des marchés subséquents pris pour son application. Sa demande en référé dirigée contre cette procédure n'est, dès lors, pas recevable. »