Un locataire donne congé et remet les lieux à son bailleur le jeudi 31 janvier 2013.

Le lundi 4 février suivant, le bailleur fait dresser un état des lieux de sortie par un huissier, hors la présence du preneur, et donc de manière non contradictoire.

Plus tard, le locataire saisit le juge de proximité et sollicite la condamnation de son bailleur à lui restituer son dépôt de garantie.

Le bailleur conteste la demande, invoquant des dégradations locatives, sur la base du constat d’huissier.

La juridiction de proximité a fait droit à la demande du locataire, considérant que :

  • l’état des lieux n’était pas contradictoire,
  • et que le délai de convocation du locataire de 7 jours minimum (article 3 devenu 3-2 de la loi du 6 juillet 1989) n’avait pas été respecté.

La présomption de remise en bon état sur le fondement de l’article 1731 du Code civil a ainsi bénéficié au preneur.

Une fois n’est pas coutume, le bailleur forme un pourvoi en cassation, nonobstant le coût très important d’une telle procédure.

Bien lui en a pris puisque, par un arrêt du 17 mars 2016, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a cassé le jugement et retenu que:

« Qu’en statuant ainsi, alors que le caractère non contradictoire de l’état des lieux de sortie n’interdisait pas au bailleur d’invoquer l’existence de désordres locatifs et sans examiner ce document régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ».

Alors ? L’état des lieux non contradictoire est-il désormais recevable et suffisant ?

Il faut nuancer l’arrêt et rappeler que:

  • l’état des lieux doit en principe être réalisé contradictoirement au moment de la remise des clefs,
  • sauf s’il existe des circonstances particulières telles que l’impossibilité de réaliser l’état des lieux de sortie, le locataire y faisant obstacle, l’état des lieux de sortie pouvant alors être réalisé plus tard, par un huissier de justice.

Dans ce dernier cas, le locataire doit être convoqué par LRAR 7 jours avant la venue de l’huissier.

Selon la Cour de cassation, en raison de l’impartialité et du caractère authentique des constatations effectuées par huissier, le caractère contradictoire est respecté dès lors que le constat est versé aux débats et soumis à la discussion des parties.

Or, ce n’est pas ce que nous dit l’article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989: un tel constat n’est envisageable que s’il n’est pas possible pour le bailleur d’y procéder contradictoirement.

Si le bailleur ne démontre pas en quoi il ne pouvait procéder à l´état des lieux de manière contradictoire, c’est bien lui qui doit être considéré comme y ayant fait obstacle.

La juridiction de proximité a donc appliqué l’article 3-2 sans le violer.

Mais la jurisprudence semble sur ce point bien plus souple que la loi…

Les bailleurs ne doivent pas s’en contenter et doivent démontrer qu’ils ont cherché à réaliser l’état des lieux au contradictoire du locataire, en rappelant bien à l’huissier qu’il lui appartient de convoquer le preneur 7 jours avant.

Un état des lieux contradictoire aura bien évidemment une valeur probante bien supérieure au constat d’huissier non contradictoire, ce dernier étant susceptible de multiples contestations…

 

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