Au cours de l’année 2018 , un coursier à vélo faisant usage de la plateforme TAKE IT EASY a été qualifié de salarié de cette plateforme.
Cette fois, c’est au tour d’un Chauffeur Uber d’être qualifié comme tel.
La Cour de cassation considère que le statut d’indépendant des chauffeurs Uber est « fictif ».
En principe, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
De plus, le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. (Cass. soc., 13 novembre 1996 – Arrêt Société Générale).
Dans l’affaire Uber, le lien de subordination est caractérisé pour les raisons suivantes :
- L ’utilisateur intègre un service organisé de prestation de transport entièrement régit par la Société Uber, qui n’existe que grâce à cette plateforme. Il ne constitue aucune clientèle propre. Il ne fixe pas librement ses tarifs. Il ne fixe pas les conditions d’exercice de sa prestation de transport. Peu importe qu’il choisissent ses jours et heures de travail.
- De plus, les tarifs sont contractuellement fixés au moyen des algorithmes de la plateforme Uber par un mécanisme prédictif. Un itinéraire particulier est donc imposé au chauffeur. Le contrat prévoit une possibilité d’ajustement par Uber du tarif, notamment si le chauffeur a choisi un “itinéraire inefficace”.
- En outre, au bout de trois refus de sollicitations, l’application se réserve le droit de déconnecter le chauffeur ou de restreindre son accès à l’application. Ainsi, le chauffeur est contraint de rester à la disposition de l’application sous peine de désactivation temporaire. Il n’est donc pas libre de choisir ses courses.
- De surcroît, un taux d’annulation de commandes fixé par la société Uber peut entraîner entraîner la perte de l’accès au compte. En cas de signalements de “comportements problématiques” par les utilisateurs, la perte définitive d’accès à l’application Uber est encourue. Peu importe que les faits reprochés soient constitués ou que leur sanction soit proportionnée à leur commission.
Cette décision présage-t-elle une modification de la définition du lien de subordination afin d’adapter notre droit à ce type de plateforme?
A en lire la Cour de cassation, ce n’est pas le cas du tout puisqu’elle fait application d’un arrêt ancien de 1996 qui nécessite la démonstration d’un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction.
Ainsi, soit on est salarié, soit on est indépendant. Il n’y a pas de statut intermédiaire.
Toutefois, il est très clair que les travailleurs de la plateforme répondent à un statut hybride qui ne ressemble en pratique ni tout à fait au salariat ni tout à fait au statut de travailleur indépendant.
Les intéressés seront-ils automatiquement qualifiés de salariés ? Non, la décision de la Cour de cassation sera appliquée à condition que le travailleur décide de manière individuelle d’ester en justice.
Suite à cette décision défavorable pour la Société, la Ministre du travail a toutefois annoncé le lancement d’une mission sur le statut des travailleurs des plateformes d’ici l’été, afin de trouver un cadre qui permette aux travailleurs d’être protégés.
Affaire à suivre donc…
Cour de cassation, chambre sociale 4 mars 2020, n° 19-13.316
https://www.alternatives-economiques.fr/uber-salaries/00092153
Pas de contribution, soyez le premier