Dans sa décision du 26 avril 2017, n°14-23392, la Cour de Cassation confirme une décision de la Cour d’Appel de Versailles, qui requalifie le contrat de prestation de service d’une formatrice en « massage bien être » ayant statut d’auto-entrepreneur en contrat de travail.

La Cour de Cassation précise au passage comment, dans le cas de requalification en contrat de travail, les juridictions doivent apprécier la nature de la rupture du contrat.

LA REQUALIFICATION DU CONTRAT DE MISSION EN CONTRAT DE TRAVAIL

Il arrive bien souvent que le statut d’auto-entrepreneur soit subi car imposé par l’employeur dès le début de la relation de travail. Dans ce cas, la requalification du contrat de prestation de service conclu en qualité d’auto-entrepreneur en contrat de travail est possible.

Les juridictions vérifient alors l’existence d’un lien de subordination entre le prétendu « auto-entrepreneur » et la société les employant.

Dans l’affaire jugée le 26 avril 2017, Madame X est formatrice en « massage bien être » auprès d’une société qui l’emploie via des contrats de mission en qualité d’auto-entrepreneur sur une période allant de 2009 à 2012.

Madame X obtient la requalification du contrat de mission en contrat de travail. En effet, de nombreux éléments démontrent qu’il existe un lien de subordination entre Madame X et la société qui l’emploie.

Ainsi, les prestations de Madame X sont intégrées à un service organisé : les formations réalisées par Madame X font partie de cycles de formation proposés par la société.

Par ailleurs, les tarifs des prestations réalisées sont fixés à l’avance par la société dans son catalogue de formation : Madame X ne peut donc pas négocier le tarif de ses prestations qui lui est imposé par la société.

Les plannings des formations sont également imposées par la société et donc imposé à l’auto-entrepreneur.

Les prestations sont réalisées dans les locaux de la société et avec le matériel mis à disposition par la société (par exemple : livres, tables de massage, huiles de massage).

Les prestations suivent également des règles précises de préparation et d’animation des séances imposés aux formateurs par la société « notamment des obligations de travail en binôme, de débriefing, de tenue, d'en référer aux responsables de pôles et aux directeurs pédagogiques ».

Un contrôle est exercé sur le travail du prestataire grâce à une adresse mail dédiée, dans lequel apparaît le nom de la société, et avec l’obligation pour le prestataire de mettre en copie de chacun de ses courriels un responsable de la société.

Ce contrôle s’est également manifesté lors de la fin de la relation de la prestation de service, les reproches étant fait à la formatrice pour mettre fin à son contrat portant sur la qualité de son travail.

La Cour d’Appel requalifie donc le contrat de mission en contrat de travail au regard des éléments susvisés. Elle confirme cette requalification quand bien même, par ailleurs, la formatrice disposait :

  • d’une autonomie dans la création du contenu des formations, autonomie que la Cour juge inhérente au caractère personnel et intellectuel du contenu ;
  • d’un site internet pour ses activités personnelles réalisées en dehors de l’institut de formation ;

Le lien de subordination est caractérisé : le contrat est requalifié.

LES CONSEQUENCES DE LA REQUALIFICATION DU CONTRAT DE MISSION EN CONTRAT DE TRAVAIL

Dans l’arrêt, l’employeur est condamné pour travail dissimulé qui donne automatiquement droit au salarié à une indemnisation d’au minimum 6 mois de salaire (article L. 8223-1 du code du Travail). En effet, les cotisations sociales dues pour un salarié n’ont pas été versées par l’employeur. Cette dissimulation d’emploi salarié est jugée intentionnelle par la Cour.

Par ailleurs, la Cour d’Appel a jugé qu’il n’y avait pas eu de lettre de licenciement, les lettres de rupture du contrat de prestation de service ne pouvant être assimilées, selon elle, à des lettres de licenciement.

Ainsi, puisqu’il y avait licenciement sans lettre de licenciement, la Cour juge naturellement que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamne la société à des dommages et intérêt afférant.

La Cour de Cassation vient néanmoins casser la Cour d’Appel sur ce motif, elle indique :

« Attendu que le juge qui requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse ; »


En bref, lorsque le juge requalifie le contrat de prestation de service en contrat de travail, il doit vérifier la matérialité des faits invoqués pour mettre fin à la relation de travail quand bien même la lettre adressée pour indiquer ces griefs ne s’intitulerait pas « lettre de licenciement ».

En l’espèce, il était reproché à la formatrice en cause dans les lettres de rupture du contrat de prestation de service, dont la Cour aurait dû rechercher si elles ne valaient pas lettre de licenciement, les faits suivants : « le non-respect de la charte pédagogique ;- du prosélytisme du chamanisme péruvien, contraire à l'éthique de l'institut ;- l'attitude négative à l'égard des stagiaires en difficultés ;- la mauvaise gestion d'un stagiaire qui avait décompensé, ce qui avait créé des angoisses chez les autres stagiaires ».

Pour conclure : la requalification du contrat de mission en contrat de travail n’entraine pas automatiquement la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Il s’agira de vérifier, dans les faits, si oui non la formatrice s’est rendu coupable notamment de « prosélytisme du chamanisme péruvien ».

Un arrêt mystique à venir…