Par une décision aussi surprenante que critiquable, la Cour de Cassation a jugé que la garantie des AGS (l’assurance qui prend en charge les créances de l’employeur à l’égard de ses salariés lorsque ce dernier est défaillant) ne joue pas lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail postérieurement au placement en redressement ou à la liquidation judiciaire de l’employeur (Cour de Cassation, 20 décembre 2017, n° 16-19517, PB).

D’ordinaire, l’Assurance des Garanties des Salaire (AGS) permet au salarié de recouvrer ses créances salariales quand bien même son employeur n’est plus solvable et a été placé en redressement ou liquidation judiciaire.

L’article L. 3253- 8 du Code du Travail précise les conditions dans lesquels les salaires sont garantis par le AGS.

Ainsi, l’ensemble des créances antérieures à l’ouverture du jugement de redressement ou liquidation judiciaire sont garanties par les AGS.

Un salarié qui prendrait acte de la rupture de son contrat de travail avant le placement de son employeur en redressement ou liquidation judiciaire verrait les créances relatives à la rupture de son contrat de travail garanties par le AGS.

Ce n’est pas le cas lorsque la rupture du contrat prise à l’initiative du salarié est postérieure au placement en redressement ou liquidation judiciaire de la société.

En effet, dans ce cas l’article L. 3253-8 du Code du Travail prévoit certains délais dans lesquels les créances relatives à la rupture du contrat de travail sont garanties par les AGS :

« 2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant : 

a) Pendant la période d'observation ; 

b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ; 

c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ; 

d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité ; »

La Cour de Cassation vient ajouter une condition à la prise en charge des AGS : elle exige dorénavant qu’en plus d’avoir été prononcée dans les délais susvisés, la rupture du contrat de travail ait été prise « à l’initiative de l’administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur ».

Dans le cas jugé par la Cour de Cassation, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur le 28 mars 2014. Or, une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte à l’égard de son employeur le 5 février 2014.

La rupture du contrat de travail a donc eu lieu à l’initiative du salarié alors qu’une procédure de redressement judiciaire était déjà ouverte.

La Cour juge donc que la rupture du contrat de travail étant postérieure à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, et prise à l’initiative du salarié et non de l’administrateur judiciaire, les créances nées de cette rupture ne sont pas prises en charge par les AGS.

Ainsi, si l’employeur n’est pas solvable, le salarié, bien qu’ayant une décision de justice condamnant son employeur, ne pourra jamais recouvrer les sommes qui lui sont dues !

Cela signifie également et de manière plus générale, que le droit du salarié de prendre acte de la rupture du contrat de travail est privé de tout effet positif à compter de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.

Concrètement, le salarié ne pourra prendre acte de la rupture de son contrat de travail à compter de l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation et pendant des périodes parfois très longues, telle que la période d’observation, au risque de perdre son droit à être garanti des créances nées de la rupture de son contrat.

Encore une belle régression des droits des salariés offerte par la Cour de Cassation.