Dans une décision du 27 Juin 2018 obtenue par le Cabinet, le Conseil des Prud’hommes d’Evry prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur pour modification unilatérale des fonctions exercées par le salarié.

Dans le cas jugé par le Conseil des Prud’hommes, le salarié exerçait depuis presque quinze ans ses fonctions dans la même société. Bien que son contrat et ses fiches de paie indiquaient la fonction de « CHAUFFEUR / FERAILLEUR », le salarié n’exerçait dans les faits que les seules fonctions de CHAUFFEUR depuis presque quinze ans.

Lors de son retour de congé estival, l’employeur va tenter soudainement d’imposer au salarié le changement de ses fonctions pour celle de FERAILLEUR.

Le salarié refuse ce changement unilatéral de ses fonctions et cesse le travail en indiquant par écrit qu’il se tenait néanmoins à la disposition de son employeur pour reprendre le travail en qualité de CHAUFFEUR. 

Il saisit parallèlement le Conseil des Prud’hommes en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur (NB : la résiliation judiciaire consiste à demander au Conseil des Prud’hommes de mettre fin au contrat de travail aux torts de l’employeur, elle a les mêmes effets qu’un licenciement abusif).

Devant le Conseil des Prud’hommes, l’employeur indiquait que les fonctions exercées par le salarié n’avaient pas été modifiées puisque son contrat de travail et ses bulletins de salaire indiquaient les fonctions de CHAUFFEUR / FERRAILLEUR.

Le Conseil des Prud’hommes ne suivra pas cette argumentation et prononcera la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur le condamnant ainsi à verser plus de 40 000,00 € au salarié (rappel de salaire et indemnités).

La motivation de cette décision qui reprend l’argumentation du salarié est la suivante :

1. Les fonctions exercées par le salarié sont celles qu’il exerce réellement 

Les fonctions du salarié sont celles qu’il exerce réellement qu’importe ce qu’indique son contrat de travail (Cass. soc. 1er juillet 2009 n°07-42691, Perdomo c/ Sté Vacances Heliades).

Cette jurisprudence a pu être appliquée dans les cas suivants :

  • l’employeur ne peut imposer à sa salariée le retour à un poste d’ « employé polyvalent » figurant sur son contrat de travail alors qu’elle exerce depuis plusieurs mois les fonctions d’assistante de gérance (Cour de Cassation, 17 janvier 2006, 04-43228) ;
  • la réaffectation d’une salariée au service reprographie au nom d’une restructuration non justifiée est illégale dans la mesure où qu’elle exerçait depuis plus de deux ans les fonctions de chauffeurs-livreurs (Cour de Cassation, 19 mars 2008, n°06-44126) ;

Dans le cas jugé par le Conseil des Prud’hommes d’Evry, le salarié démontrait par la production d’attestations de ses collègues de travail qu’il exerçait en réalité uniquement les fonctions de chauffeur depuis quinze ans.

Sa fonction était donc CHAUFFEUR. L’employeur ne pouvait lui imposer la nouvelle fonction de FERAILLEUR quand bien même celle-ci figurait sur son contrat de travail.

2. L’employeur ne peut pas modifier sans l’accord du salarié les fonctions exercées par celui-ci

Il est constant que l’employeur ne peut imposer de manière unilatérale au salarié une modification de la qualification de ses fonctions.

Cette modification est jugée comme étant une modification substantielle du contrat de travail qui ne peut être imposée par l’employeur au salarié.  Elle doit recueillir son accord préalable.

Dès lors, le refus du salarié d’un changement de sa qualification imposée par l’employeur est légitime et ne peut justifier un licenciement pour faute (CCass, 23 Janvier 2001, n°99-40129, PBvoir également CCass, 2 octobre 2002 n° 00-42003).

Dans le cas d’espèce, il n’y avait pas eu de licenciement prononcé par l’employeur du fait du refus du salarié de prendre les fonctions de CHAUFFEUR.

Le Conseil des Prud’hommes a donc prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l’employeur au motif suivant : l’employeur a tenté d’imposer illégalement à son salarié une modification des fonctions qu’il exerçait.

Le salarié est donc considéré comme privé involontairement de son emploi : il pourra toucher le chômage. Il touchera également une indemnisation de la part de l’employeur du fait de la perte involontaire de son emploi.

 

SOURCE : Conseil des Prud’hommes d’Evry, 28 Juin 2018, décision en pièce jointe.