VOTRE EMPLOYEUR VOUS IMPOSE UNE MUTATION ENTRE SOCIÉTÉS DU MÊME GROUPE, QUELS SONT VOS DROITS ?

Par commodité fiscale et administrative de nombreux groupes sont organisés en une quirielle de sociétés distinctes.

Par exemple : une chaîne de restaurant X est propriétaire d’une dizaine d’établissements sur la région parisienne. Chacun des établissements est géré par une société distincte avec son propre numéro SIRET et donc sa propre personnalité morale.

Dans ce cas, il est fréquent que les dirigeants de l’ensemble de ces sociétés estiment normal et légal de transférer leurs salariés d’une société à l’autre sans leur demander leur reste.

Dans cette hypothèse, quels sont vos droits ?

 

1. Vous avez le droit de refuser un changement de société

La mutation d’une société à une autre société du groupe ne peut se faire sans l’accord express du salarié.

En effet, la mutation à pour effet de modifier un élément substantiel du contrat de travail puisque dans ce cas, le salarié change de co-contractant, chaque société étant considérée comme une personne morale distincte.

La Cour de Cassation analyse même la mutation d’une société à une autre comme une novation du contrat de travail (un nouveau contrat de travail) qui nécessite donc obligatoirement l’accord express du salarié (Cour de Cassation, 8 avril 2009, n°08-41046).

L’accord express du salarié peut se concrétiser par la signature d’une convention de mise à disposition, d’un nouveau contrat de travail, ou encore d’une convention tripartite entre l’ancienne société, la nouvelle société et le salarié.

Concrètement donc, si le salarié refuse la mutation d’une société à une autre, l’employeur n’a pas le droit de la lui imposer quand bien même la mutation se ferait sur un poste équivalent et dans la même zone géographique.

Si le salarié est licencié pour faute du fait de son refus de mutation d’une société à une autre, le licenciement est jugé comme étant sans cause réelle ni sérieuse, quand bien même les sociétés appartiendraient au même groupe (Cour de Cassation, 16 mai 2012, n°10-27749).

 

2. Vous avez le droit de refuser une mutation dans une autre société même lorsque cela est prévu par votre contrat de travail

Il arrive régulièrement que les employeurs glissent une clause de mobilité intra-groupe à l’intérieur du contrat de travail.

Dans ce cas, la clause prévoit en général que le salarié pourra être affecté à l’une ou l’autre des sociétés du groupe sur un poste équivalent et qu’il accepte ce changement a priori.

Or, ce type de clause a été jugée nulle par la Cour de Cassation. Concrètement, cela signifie que les juges ne la prendront pas en compte en cas de litige entre le salarié et l’employeur à ce sujet.

Le salarié peut donc refuser une mutation d’une société à une autre, quand bien même une telle mutation serait prévue par son contrat de travail initial.

C’est ce qu’a jugé la Cour de Cassation qui a estimé qu’un licenciement pour faute prononcé en raison du refus du salarié de sa mutation d’une société à un autre était sans cause réelle et sérieuse quand bien même son contrat de travail initial prévoyait une clause de mobilité entre les sociétés appartenant au même groupe (Cour de Cassation, 23 septembre 2009, n°07-44200).

 

3. Vous pouvez prendre acte de la rupture de votre contrat de travail si la mutation vous est tout de même imposée

Malgré ces règles précises, il arrive encore que les employeurs imposent à leurs salariés de changer de société.

C’est le cas dans un dossier défendu par le cabinet. Une salariée se voyait imposer une mutation au sein d’une société appartenant au même groupe que la société avec laquelle elle avait initialement conclu son contrat de travail. Le poste occupé était équivalent et la zone géographique identique au contrat initial.

N’ayant pas d’autre choix que de s’exécuter, la salariée prend son nouveau poste au sein de la nouvelle société. Cependant, elle marque son opposition en refusant de signer le contrat tripartite entérinant son changement de société.

Elle fait également part, par mail, à son employeur de son refus et de son souhait de réintégrer la société initiale.

Quelques mois plus tard, n’ayant toujours pas été réintégrée dans la société initiale, la salariée prend acte* de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur au motif, notamment, qu’il lui a imposé un changement de société sans son accord express.

La Cour d’Appel de Paris, dans une décision du 13 septembre 2018, n°16-08172, obtenu par le cabinet, juge que la prise d’acte est justifiée car l’employeur ne pouvait imposer à la salariée un changement de société sans son accord express, quand bien même les sociétés appartiendraient au même groupe.

La Cour d’Appel analyse dès lors, la prise d’acte en licenciement sans cause réelle ni sérieuse et octroie en conséquence à la salariée une somme globale d’un peu plus de 26 000,00 € (Préavis, indemnité de licenciement, et dommage et intérêt).

 

*La prise d’acte de la rupture du contrat de travail contrat correspond à la  rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur si elle est considérée comme justifiée par le conseil des prud’hommes elle porte les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse

 

Source : Cour d’Appel de Paris, 13 Septembre 2018, n°16-08172