Le préjudice d’anxiété a été reconnu par les juridictions prud’homales en premier lieu pour les salariés qui démontraient avoir été exposés à l’amiante, et ce sur le fondement d’un texte spécifique relatif uniquement à l’amiante (article 41 de la loi du 23 décembre 1998).

 

Par une décision historique en date du 11 septembre 2019, la Cour de cassation étend le principe d’indemnisation du préjudice d’anxiété à l’ensemble des salariés exposés à des substances toxiques ou nocives.

 

Pour ce faire, la Cour de cassation se fonde sur un principe général du droit du travail dégagé par l’article L. 4121-1 et suivants du code du travail :l’obligation de sécurité de l’employeur vis-à-vis de chacun de ses salariés.

 

La reconnaissance du préjudice d’anxiété permet d’indemniser le salarié qui démontre avoir été l’objet d’une inquiétude permanente du fait de son exposition à une substance toxique ou nocive pouvant entrainer une maladie grave, quand bien même le salarié n’est pas (encore) malade.

 

La Cour de cassation dégage ainsi le principe suivant :

 

« […] le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité. » (Cour de cassation, 11 septembre 2019, n° 17-24.879 à 17-25.623)

 

Ainsi, les conditions pour se voir accorder des dommages et intérêts pour préjudice d’anxiété sont au nombre de quatre. 

 

1. Une exposition à une substance nocive ou toxique…

 

L’intérêt principal de l’arrêt du 11 septembre 2019 est bien d’étendre la possibilité d’indemnisation du préjudice d’anxiété à d’autres catégories d’emploi que les seuls travailleurs exposés à l’amiante.

 

Dans le cas d’espèce jugé le 11 septembre 2019, il s’agissait d’un pourvoi exercé par des mineurs ayant travaillé dans des mines de charbon en Lorraine.

 

Leur recours avait été rejeté par la Cour d’appel de Metz au motif que le préjudice d’anxiété ne pouvait s’appliquer que lorsqu’un texte spécifique le prévoyait, comme c’est le cas pour l’amiante.

 

La Cour de cassation vient casser l’arrêt précisément sur ce point, en étendant l’indemnisation à l’ensemble des salariés exposés à des substances toxiques.

 

Cela ouvre considérablement le champ du préjudice d’anxiété, dont pourront notamment demander réparation les salariés du secteur agricole, les mineurs, les salariés travaillant dans le secteur du nucléaire, etc. En bref, tous les salariés qui démontreront avoir été exposés à des substances toxiques ou nocives.

 

2. Qui peut provoquer une maladie grave…

 

La Cour de cassation précise que la substance nocive ou toxique auquel le salarié a été exposé doit entrainer un risque élevépour celui-ci de développer une maladie grave.

 

Ce point nécessitera sûrement des précisions de la part de la Cour de cassation, qui n’aborde pas ce point dans sa décision du 11 septembre 2019.

 

En effet, les notions de « risque élevé » et de « maladie grave » feront certainement débat.

 

Cependant, concernant l’amiante et l’exposition à la poussière de charbon dans les mines, le risque élevé de développer une maladie grave a été établi. Il apparait donc évident, par extension, que l’ensemble des substances toxiques ou nocives entrainant des risques élevés de cancer feront l’objet d’une indemnisation du préjudice d’anxiété.

 

3. Qui a entrainé un préjudice d’anxiété personnel pour le salarié…

 

La Cour de cassation avait déjà indiqué, dans des décisions relatives à l’amiante, que le préjudice d’anxiété devait être personnel.

 

Ainsi, même en cas de recours collectif contre un employeur, chaque salarié doit prouver indépendamment de ce recours qu’il a subi personnellement un préjudice d’anxiété.

 

Cela se fait en général par la production d’un certificat médical attestant de l’état d’anxiété subi par le salarié. 

 

4. Pour lequel l’employeur ne démontre pas avoir mis en place l’ensemble des mesures nécessaires pour y remédier.

 

La Cour de cassation, après nous avoir rappelé les trois conditions susvisées :

 

1. une exposition à une substance nocive ou toxique

2. engendrant un risque élevé de maladie grave 

3. ayant entrainé un préjudice personnel d’anxiété pour le salarié, 

 

nous indique que l’obligation de sécurité de l’employeur est engagée et que le préjudice d’anxiété doit donc être réparé.

 

Cependant, l’employeur peut échapper à la sanction si et seulement s’il justifie :

 

« avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés »(i.e. articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail)


Dans le cas d’espèce, les salariés démontraient avoir été exposés à la poussière de charbon dans la mine du fait notamment du manque, en quantité et en qualité, de masques de protection et de systèmes d’arrosage nécessaires à la captation des poussières.

 

L’employeur se défend alors en démontrant avoir pris un ensemble de mesures de protection et d’information pour limiter l’exposition à la poussière.

 

C’est insuffisant pour la Cour de cassation, qui renvoie à la Cour d’appel de Douai pour juger au fond.


Il semble donc que la Cour de cassation adopte une interprétation stricte de cette exception en faisant peser sur le seul employeur la charge de la preuve du respect de l’ensemble des dispositions du code du travail relatives à la sécurité et à la santé des salariés.