De nombreux salariés vont devoir reprendre le travail à compter du 11 mai prochain, chacun s’inquiète des mesures qui seront prises par l’employeur pour garantir sa sécurité et sa santé face à l’épidémie en cours.

A quelles conditions et comment les salariés pourront exercer leur droit de retrait ?

Le point en 7 questions / réponses pratiques.

On rappellera à titre liminaire que l’exercice du droit de retrait est un droit individuel propre à chaque salarié. Son principe consiste à interrompre le travail en raison de l’exposition à un risque grave et imminent pour sa vie ou sa santé (Article L. 4131-1 Code du travail).

Dans ses questions/ réponses sur le COVID 19 et le droit de retrait, le gouvernement indique que le droit de retrait ne peut résulter du risque général de pandémie.

Autrement dit, vous ne pouvez pas exercer votre droit de retrait au seul motif que la pandémie est toujours en cours : il faut que vous puissiez identifier un risque propre à votre situation particulière.

1. JE PEUX TELETRAVAILLER MAIS MON EMPLOYEUR EXIGE QUE JE REPRENNE LE TRAVAIL : PUIS JE EXERCER MON DROIT DE RETRAIT ?

Le gouvernement a fixé des règles, en stade 3 de l’épidémie, qui imposent de laisser les salariés en télétravail dès que cela est possible même après le 11 mai.

Dès lors l’employeur qui obligerait à une reprise en présentiel alors que le télétravail est possible méconnaîtrait les règles applicables et expose son salarié à un risque inutile qui peut être évité par la mise en place du télétravail.

Dès lors, il semble raisonnable de penser que le salarié pourra s’opposer par l’exercice du droit de retrait à une reprise du travail en présentiel.

Attention toutefois, il n’y a pas de jurisprudence établie sur ce point la problématique étant nouvelle.

2. JE SUIS UNE PERSONNE VULNERABLE OU JE VIS AVEC UNE PERSONNE VULNERABLE : PUIS JE EXERCER MON DROIT DE RETRAIT ?

Si vous êtes une personne atteinte de pathologies qui entrainent un risque accru en cas de contraction du coronavirus, ou que vous vivez avec une telle personne,  le dispositif à employer est celui de l’arrêt de travail pour les personnes vulnérables considérées comme à « risque ».

Les personnes qui peuvent être visées par ce dispositif sont détaillées par le gouvernement ici.

Vous devez faire établir un certificat d’isolement par un médecin et le transmettre à votre employeur. A compter du 1er mai, ce dernier doit faire les démarches pour que vous soyez indemnisé au titre de l’activité partielle.

Vous n’aurez donc normalement pas à devoir utiliser un droit de retrait.

3. MON EMPLOYEUR NE RESPECTE PAS LES MESURES OBLIGATOIRES PREVUES PAR LE GOUVERNEMENT : PUIS-JE EXERCER MON DROIT DE RETRAIT ?

Le Gouvernement a établi un certain nombre de règles de base pour éviter la transmission du virus. Ces règles sont notamment les suivantes :

  • La distanciation sociale d’un mètre ;
  • Le lavage de main fréquent ;
  • L’utilisation de mouchoir unique à jeter immédiatement ;
  • La limitation des déplacements non indispensables ;
  • La limitation du nombre de personne dans un espace réduit ;

Le ministère du travail a résumé les mesures à mettre en place par l’employeur et certaines bonnes pratiques en fonction des secteurs de travail. Vous pouvez-vous y référer pour identifier si votre employeur a effectivement mis en place les mesures suffisantes (Plaquette Quelle mesure l’employeur doit-il prendre en pour protéger la santé de ses salariés face au virus complété le 3.05.2020 par le Protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assuer la santé et la sécurité des salariés.)

Votre employeur doit avoir prévu des mesures qui vous permettent de respecter ces règles. A défaut vous pourrez légitimement exercer votre droit de retrait.

Deux cas peuvent se distinguer :

1. L’employeur n’a rien prévu pour vous permettre de respecter ces mesures

Vous pouvez dans ce cas, exercer votre droit de retrait en identifiant les mesures qui ne sont pas mises en place.

Quelques exemples non-exhaustifs :

  • il n’est pas possible de se laver régulièrement les mains (pas de pauses suffisantes, pas de gel hydro alcoolique à disposition) ;
  • il n’y a pas de mouchoirs ni de poubelles à disposition ;
  • rien n’est prévu pour respecter la distanciation sociale dans le lieu de travail (pas de panneau d’affichage vous informant des règles applicables pour les salariés et/ou les personnes extérieures, fournisseurs et clients, travail à plusieurs dans un espace réduit)

2. L’employeur a prévu des mesures mais dans les faits elles ne sont pas respectées

Vous pouvez exercer votre droit de retrait en identifiant précisément à quelles occasions les mesures ne sont pas respectées. En effet, il appartient à l’employeur de contrôler l’effectivité des mesures mises en place.

Un exemple non-exhaustif :

  • Il est prévu un nombre maximum de personnes à l’intérieur d’un espace de travail (magasin, vestiaire ou autre) mais aucune mesure de contrôle n’est mise en place et dans les faits le nombre maximum est souvent dépassé ;

 

4. MON EMPLOYEUR N’A PRIS AUCUNE MESURE SPECIFIQUE A MON POSTE DE TRAVAIL : PUIS-JE EXERCER MON DROIT DE RETRAIT ?

Au-delà des règles imposées par le gouvernement et applicables à tous, votre employeur doit impérativement identifier les risques en lien avec la pandémie et propres à votre poste de travail.

Ce travail d’identification des risques et des mesures à mettre en place pour réduire ce risque doit impérativement être fait par l’employeur par l’actualisation du Document Unique d’Evaluation des Risques (L. 4121-3 Code du Travail, R. 4121-1 Code du Travail).

Vous pouvez interroger votre employeur sur l’actualisation de ce document et lui en demander copie.

Ce document doit identifier chaque risque auquel est exposé individuellement le salarié sur une journée de travail de son entrée à sa sortie de l’entreprise.

Des mesures spécifiques pour chacun des risques identifiés doivent être prises.

Vous devez être informé et formé sur les mesures applicables pour prévenir le risque.

Prenons un exemple pour illustrer, le cas d’une vendeuse en magasin de vêtements :

  1. Risque identifié : le fait de toucher des surfaces, les vêtements, qui peuvent être contaminants ;
  2. Procédure ou Mesure préconisée : port de gants ;
  3. Effectivité de la mesure : information des salariés sur l’obligation de porter des gants, disponibilité de gants en quantité suffisante et formation sur les bonnes pratiques pour le port de gants ;

Ainsi, dans ce cas vous pouvez exercer votre droit de retrait à chaque étape de cette procédure :

1. En cas d’absence d’identification d’un risque ;

2. En l’absence de mesure pour y remédier ;

3. En l’absence d’effectivité de la mesure mise en place.

Quelques exemples non exhaustifs qui justifieraient l’exercice d’un droit de retrait :

  • absence de nettoyage régulier des surfaces ;
  • absence de mesure de protection lors de contacts avec la clientèle ou les fournisseurs ;
  • absence de processus de suivi des cas suspects ;

5. CONCRETEMENT, COMMENT DOIS-JE FAIRE POUR EXERCER MON DROIT DE RETRAIT ?

Il n’y a pas d’obligation légale mais il est (très) fortement conseillé de faire un écrit à votre employeur lors de l’exercice de votre droit de retrait (Modèle de courrier à compléter en fin d'article).

Dans ce courrier vous devez identifier précisément le manquement de l’employeur à l’une des mesures visées au 3 ou 4, ou les situations concrètes dans lesquelles ces mesures n’ont pas été respectées. Le mieux est de conserver des preuves, photos ou autres de ces manquements.

L’exercice de votre droit de retrait a pour but de vous protéger et d’alerter l’employeur sur une situation de danger imminente et ainsi de le faire réagir pour qu’il prenne des mesures adéquates.

Dès lors, vous pouvez essayer de regrouper un maximum de collègues pour que chacun exerce en même temps son droit de retrait. Le rapport de force sera alors en votre faveur obligeant l’employeur à prendre des mesures rapides.

Par ailleurs, ce n’est pas une obligation, mais il est conseillé de mettre en copie de votre courrier à l’employeur l’inspection du travail ainsi que les représentants du personnel, CSE (Comité Social et Economique) s’il y en a un.

Votre droit de retrait s’il est jugé fondé n’entraine pas de retrait de salaire pour vos jours d’absence.

Vous devez reprendre votre poste lorsque votre employeur vous apporte des garanties relatives au risque qui a justifié l’exercice de votre droit de retrait.

 

6. EST-CE QUE JE RISQUE QUELQUE CHOSE EN EXERCANT MON DROIT DE RETRAIT ?

Si votre droit de retrait est justifié votre salaire doit être maintenu et vous ne pouvez être exposé à aucune sanction.

Cependant, si votre droit de retrait est considéré comme n’étant pas justifié, l’employeur peut procéder à une retenue sur salaire et peut vous sanctionner pour absence injustifiée.

Seul le conseil des prud’hommes est compétent pour juger du caractère fondé ou non de votre droit de retrait.

Il n’y a pas de jurisprudence propre au COVID 19 à ce jour, le droit reste donc assez incertain sur ce qui sera jugé comme fondé ou non.

Pour limiter les risques : identifiez le plus précisément possible le risque auquel vous êtes exposé et conservez des preuves.

 

7. QUELLES SONT LES AUTRES OPTIONS A METTRE EN ŒUVRE POUR PROTEGER MA SANTE ET MA SECURITE ?

En cas de risque pour votre sécurité en lien avec le Covid 19 vous pouvez également :

  • Saisir l’inspection du travail compétente pour demander un contrôle sur place ;
  • Saisir les services de la médecine du travail pour demander un contrôle sur place ;
  • Saisir les élus du Comité Economique et Social qui peuvent mettre en place une Alerte Danger Grave et Imminent ;
  • Envisager une action collective judiciaire avec l’aide d’un syndicat ;

Toutes ces options sont cumulatives.

 

Prenez soin de vous !