Décision commentée Cour d’Appel de Paris, 7 octobre 2020, n°18/08016

 

Dans cette décision obtenue par le cabinet devant la Cour d’Appel de Paris, la Cour annule le licenciement du salarié dont l’employeur indiquait dans la lettre de licenciement « qu’il avait eu l’outrecuidance » de saisir le conseil des prud’hommes !

 

1. Rappel du principe de la nullité du licenciement en cas d’atteinte à une liberté fondamentale

Le licenciement prononcé pour un motif portant atteinte à une liberté fondamentale est nul, principe initialement consacrée par la jurisprudence puis repris par le Code du Travail (L. 1235-3-1 du Code du Travail).

Rappelons que la nullité du licenciement est une sanction plus sévère que la simple requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle ni sérieuse puisqu’elle permet soit la réintégration du salarié dans ses fonctions, soit une indemnisation d’au minimum de 6 mois de salaire, indemnité qui, en tout état de cause n’est pas régit par le plafonnement des indemnités prud’homales dit plafonds « MACRON » (L. 1235-3-1 du Code du Travail).

La saisine du conseil des prud’hommes est naturellement considérée par les juridictions comme l’exercice d’une liberté fondamentale : celle d’ester en justice (Cour de Cassation, 3 février 2016, n°14-18600, Publié au Bulletin). Est également rattachée à cette liberté fondamentale le fait de produire une attestation en justice (Cour de Cassation, 29 octobre 2013, n°12-22447).

Dès lors, l’employeur ne peut licencier son salarié au motif qu’il a saisi le conseil des prud’hommes. A défaut, le licenciement est nul.

 

2. L’atteinte à une liberté fondamentale est un motif « contaminant »

Dans le cas jugé par la Cour d’Appel, la lettre de licenciement avait été prononcée en raison d’absences injustifiées du salarié. L’employeur reprochait également au salarié au sein de la lettre de licenciement d’avoir eu « l’outrecuidance » de saisir le conseil des prud’hommes.

La Cour applique une jurisprudence classique en jugeant nul le licenciement en cause. En effet, quand bien même les autres motifs du licenciement seraient justifiés, le motif tiré de l’atteinte à la liberté fondamentale est « contaminant » et le licenciement doit être considéré comme nul.

Les autres motifs du licenciement doivent être pris en compte uniquement pour établir et évaluer le préjudice du salarié (L. 1235-2-1 du Code du Travail).

Dans le cas d’espèce, l’employeur indiquait pour se défendre qu’il avait fait preuve de maladresse dans la lettre de licenciement en mentionnant la procédure prud’homale en cours mais qu’il ne s’agissait pas d’un motif du licenciement en tant que tel.

La Cour n’a pas été convaincu par cette argumentation. Elle applique ainsi une jurisprudence stricte qui est celle de la Cour de Cassation qui juge que la seule mention de l’action en justice dans la lettre de licenciement entraîne sa nullité (Cour de Cassation, 9 octobre 2019, n°18-14677, Publié au Bulletin).

 

3. Une sanction sévère

Comme il a été indiqué la nullité du licenciement peut être réparée par une indemnisation adéquate qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire et qui n’est pas soumise au régime du plafonnement des indemnités prud’homales comme c’est le cas dans la décision obtenue par le cabinet.

La nullité du licenciement peut également être sanctionnée par une réintégration du salarié dans son emploi ou à un emploi équivalent. La Cour de Cassation a récemment confirmé que la réintégration du salarié licencié en rétorsion à une action prud’homale, pouvait parfaitement être obtenue en référé. Le licenciement constituant dans ce cas un « trouble manifestement illicite ». Dans ce cas d’espèce, la lettre de licenciement faisait grief au salarié d’avoir produit des pièces dans le cadre d’une instance relative à une inégalité de traitement (Cour de Cassation, 30 septembre 2020, n°19-11741).

 

Conclusion : Salariés, ayez l’outrecuidance de saisir les prud’hommes !

 

Décision commentée : Cour d’Appel de Paris, 7 octobre 2020, n°18/08016