C’est ce qu’affirme un arrêt de la Cour de Cassation du 26 Janvier 2022, n°20-21636 : et ça va mieux en le disant !

 

Petit rappel historique, avant 2016, un grand nombre de violations par l’employeur du Code du Travail à l’égard de son salarié tels que l’absence de visite médicale, le dépassement de la durée légale de travail, l’absence de mutuelle (etc) étaient systématiquement indemnisés par les prud’hommes.

 

C’était l’âge d’or de la jurisprudence du « préjudice nécessaire ». La Cour de Cassation estimant que certaines violations du Code du Travail causaient nécessairement un préjudice au salarié sans que ce dernier n’ait l’obligation de démontrer son préjudice.

 

Cette jurisprudence était importante pour assurer l’effectivité de certains droits des salariés pour lesquelles la preuve du préjudice est quasi impossible à rapporter bien qu’il soit évident. Par exemple pour la visite médicale préalable à l’embauche : le préjudice est évident pour le salarié mais la preuve du préjudice est quasi impossible à rapporter.

 

Cependant en 2016, par un revirement de jurisprudence, la Cour de Cassation a jugé qu’il n’existait plus de préjudice nécessaire en matière de droit du travail (Cour de Cassation, 13 avril 2016, n°14-28293).

 

Depuis lors, l’argument selon lequel il n’existerait plus de préjudice nécessaire était systématiquement brandi par les conseils des employeurs en défense.

 

Or, depuis cette même date, la Cour de Cassation s’emploie à détricoter son propre arrêt en posant un certain nombre d’exception.

 

Elle a par exemple déjà jugé que la rupture du contrat de travail causait un préjudice nécessaire (Cour de Cassation 13 septembre 2017, n°16-13578). Ou encore que l’absence d’institution représentative du personnel causait également un préjudice nécessaire au salarié (Cour de Cassation, 17 octobre 2018, n°17-14392)

 

Par cet arrêt du 26 Janvier 2022, la Cour vient une fois de plus donner un coup de boutoir à sa propre jurisprudence de 2016.

 

En effet, la Cour va juger au visa de l’article du Code du Travail relatif à la durée maximale hebdomadaire, mais surtout au visa du droit européen (article 6 b de la directive n°2003/88/CE du Parlement Européen et du conseil) que cause nécessairement un préjudice au salarié le dépassement de la durée légale hebdomadaire de travail.

 

Les faits d’espèce sont particulièrement éloquents de la volonté de la Cour de Cassation d’indemniser le préjudice du salarié à chaque manquement, même minime, de l’employeur a son obligation du respect de la durée légale du travail.

 

En effet, dans le cas d’espèce, la Cour d’Appel d’Orléans avait refusé d’indemniser le salarié qui démontrait avoir travaillé 50H00 sur une semaine : soit 2H00 au-delà de la durée légale de travail hebdomadaire qui est de 48H00 (L. 3121-20 du Code de Travail).

 

La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans sur ce point en indiquant :

« 8. En statuant ainsi, alors que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

 

La Cour statut ainsi au visa de deux arrêts de la Cour de Justice de l’Union Européenne de 2010 qui imposent aux Etats de faire respecter l’effectivité des droits des salariés relatifs au temps de travail (CJUE, 14 octobre 2010, C-243/09 ; CJUE, 25 novembre 2010, C-429/09).

 

Or, la Cour de Justice l’Union Européenne statue à bon droit qu’un droit octroyé sans sanction en cas d’irrespect : n’est pas un droit « effectif » pour le salarié.

 

Suivant cette argumentation et constatant que le dépassement de la durée de travail porte atteinte nécessairement à la sécurité et à la santé des salariés, la Cour de Cassation impose l’indemnisation d’un préjudice nécessaire en cas de dépassement de la durée légale de travail.

 

On peut considérer que cette jurisprudence viendra s’appliquer pour l’ensemble des mesures relatives aux contrôle du temps de travail imposées par le droit de l’Union Européenne à savoir notamment le respect du repos quotidien (11H00, L. 3131-1 du Code du Travail), le respect du temps de pause (20 mn toute les 6H00 L. 3121-16 du Code du Travail).

 

Les salariés remercient la Cour de Cassation de leur assurer de nouveau un droit effectif à une durée légale de travail hebdomadaire de 48H00 !