Par quatre décisions du 1er décembre 2022, la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer sur la clause d'exclusion insérée dans certains contrats d'assurance AXA (Civ. 2ème, 1er déc. 2022, n°21-19.343 ; n°21-15.392 ; n°21-341 ; n°21-342).  

Le débat ne date pas d'hier puisque ces stipulations contractuelles ont été mobilisées par les assurés professionnels dès le premier confinement afin de solliciter l'indemnisation de leurs pertes d'exploitation suite à la fermeture administrative de leur établissement.

Si de nombreuses décisions ont été rendues par les Tribunaux de première instance et les Cour d'appel, la position de la Cour de cassation était attendue.

En effet, les décisions rendues par les Cours d'appel ont été variées, statuant une fois en faveur des restaurateurs, une autre fois en faveur de l'assureur.

Quel était le litige soumis à la Haute Juridiction ?

Des assurés restaurateurs ont souscrit un contrat d'assurance « multirisque professionnelle », comportant une extension de garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative » auprès de la Compagnie AXA France IARD.

Suite à la fermeture de leur établissement suivant arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, les restaurateurs ont sollicité l'indemnisation de leurs pertes d'exploitation en application de la clause suivante :

« La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

Toutefois, AXA France IARD leur a opposé un refus de garantie en se prévalant d'une exclusion de garantie excluant l'indemnisation des pertes d'exploitation « lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

C'est sur l'interprétation de cette clause que la Cour de cassation a été amenée à se prononcer.

Qu'a décidé la Cour de cassation ?

La deuxième chambre civile, régulièrement saisie des litige relatifs à l'interprétation des contrats d'assurance, a jugé au visa de l'article L.113-1 du Code des assurances que l'exclusion de garantie n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Rappelons qu'AXA avait pris le parti de transiger un grand nombre de dossier "Perte d'exploitation Covid" pour couper court aux procédures intentées devant les différentes juridictions, signe que l'interprétation des stipulations contractuelles n'était pas courue d'avance.

Par ailleurs, et compte tenu du nombre important de restaurateurs et d'établissement ayant subi des pertes d'exploitation lors de la fermeture de leur entreprise, la question d'une décision "en équité" aurait pu se poser.

Dans ces arrêts successifs, la Cour de cassation a considéré que la clause était bien formelle et limitée.

Il convient de noter que, contrairement aux arrêts de Cour d'appel, la Cour de cassation a pris le parti de ne pas rentrer dans le débat de la définition du terme "épidémie". Sur ce point, la Haute juridiction a considéré que dans la mesure ou ce terme étant employé dans le cadre de la définition de la garantie, elle n'avait pas à le définir puisqu'il n'était pas repris dans l'exclusion de garantie.

Cette position pourrait être critiquée dans le sens où l'exclusion de garantie fait un renvoi à la définition de la garantie, et donc un renvoi au terme d'épidémie.

Sur la caractère limité de la clause

La deuxième chambre a retenu que la clause d'exclusion était limitée et ne vidait pas la garantie de sa substance. Cette décision est motivée par le fait que la clause d'exclusion considérée laisse la possibilité pour la garantie de trouver application pour l'ensemble des autres causes de fermeture administrative (maladie contagieuse, meurte, suicide, intoxication).

Cette solution peut être critiquée dans le sens où il aurait pu être analysé que chaque cause de fermeture, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication créait une "garantie autonome", indépendantes les unes des autres. La cour de cassation a fait le choix de retenir l'ensemble des causes comme un ensemble global.

Ainsi, l'exclusion de garantie laisse dans le champ de la garantie la couverture des pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion. Dans ces conditions, la Haute jurdiction a apprécié que la garantie n'était pas vidée de sa substance.

Cette "position" relève de l'appréciation in concreto de chacune des clauses qui lui sont soumises, de sorte que la position retenue dans les arrêts récents ne peut être considérée comme contrevenant au courant général de la Haute juridiction appréciant de manière stricte le formalisme des clauses d'exclusion.

Cette décision dénote toutefois avec la politique actuelle de la Cour de cassation qui tend à protéger les intérêts des assurés.

Cette position a été confirmée par un arrêt du 9 janvier 2023 (Civ. 2ème, 9 janv. 2023, n°21-21.516).

Quel impact pour l'avenir ?

Il convient tout d'abord de relever que, désormais, beaucoup de dossiers "pertes d'exploitation Covid" sont prescrits.

L'enjeu porte donc essentiellement sur les procédures encore pendantes devant les Cour d'appel.

Il sera relevé que certaines juridictions ont choisi, volontairement, de ne pas suivre la position de la Cour de cassation.

Tel est le cas de la Cour d'appel de Nîmes qui, dans son arrêt du 7 décembre 2022 (CA Nîmes, 4ème ch. com., 7 déc. 2022, n°22/01236), a retenu que les conditions de la garantie étaient réunies, et que la clause d'exclusion litigieuse devait être déclarée non écrite faute de présenter le caractère formel posé à l'article L. 113-1 du Code des assurances.

Cette décision étant postérieure à la date de publication des arrêts rendus par la Cour de cassation, on peut donc penser que c'est en connaissance de la solution dégagée que les juges du fond ont rendu cette décision...

D'autres juridictions, à l'instar de la Cour d'appel de Rennes (5ème chambre) avaient jugé que la clause d'exclusion de garantie vidait la garantie de sa substance, considérant que la définition de l'épidémie était incompatible avec l'exigence relative à ce qu'un seul établissement soit touché (CA Rennes, 5ème ch., 16 juin 2021, n° 20/04816). Toutefois, cette même chambre s'est finalement rangée à la position de la Cour de cassation, considérant désormais, en citant l'arrêt de cassation, que la clause d'exclusion ne vide pas la garantie de sa substance (CA Rennes, 5ème ch., 15 mars 2023, n°21/02616; CA Rennes, 5ème ch., 15 mars 2023, n°21/04551 ; CA Rennes, 5ème ch., 15 mars 2023, n°21/02869).

En tout état de cause, les décisions cassées ont été renvoyées devant les Cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement constituée, Cour d'appel ayant systématiquement retenu l'absence de caractère formel de la clause. A suivre !

Dernières décisions de Cour d'appel sur l'interprétation de cette clause :

CA Nancy, 5ème ch., 22 mars 2023, 22/00186

CA Nancy, 5ème ch., 22 mars 2023, n°22/00187

CA Grenoble, ch. com., 9 mars 2023, n°21/05334

CA Versailles, 9 mars 2023, 12ème ch., n°21/03325

CA Besançon, 21 fév. 2023, 1ère ch., n°21/01631

Article rédigé par Me Aurélie LAISSAC, Avocat