Les  organisateurs de croisières ont souvent invoqué le droit des transports afin de s’exonérer de toute responsabilité en cas de sinistre arrivant durant le séjour....

 

.... jusqu'à un fameux arrêt de la Cour de cassation en date du 9 décembre 2015, aux termes duquel les croisières furent définies comme des séjours à forfait, emportant ainsi l'application de régime de la responsabilité de plein droit institué par l'article L. 211-16 du code du tourisme,

 

(issu de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours, laquelle a transposé en droit interne la directive 90/ 314/ CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait).

 

L'arret se trouve juste ici:

 

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000031608053&fastReqId=1023332366&fastPos=1

 

Quels étaient donc les faits de l'espèce??

 

Une justiciable Mme X...avait conclu auprès de la société Karavel un contrat ayant pour objet un forfait touristique comprenant une croisière sur un bateau de la société C.

 

Le deuxième jour du voyage, Mme X...a été victime d'une chute sur le pont du bateau, et a donc assigné la société Karavel, l'assureur de celle-ci, la société Hiscox Insurance Company Limited, ainsi que la société C., en réparation des préjudices subis.

 

Mme X... a saisi le juge de la mise en état d'une demande visant à l'institution d'une expertise et à l'allocation d'une provision.

 

La société C., ayant également été condamnée à verser à Mme X... une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, et non contente de cette condamnation, forma un pourvoi devant la Cour de cassation afin que soit cassé l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Toulouse.

 

Le pourvoi fut rejeté par la Cour de Cassation pour les motifs suivants:

 

" que relève du régime de la responsabilité de plein droit institué par l'article L. 211-16 du code du tourisme, issu de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours, laquelle a transposé en droit interne la directive 90/ 314/ CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, l'organisateur d'une croisière qui présente les caractères d'un forfait touristique, au sens de l'article L. 211-2 du même code ;"

 

Or, il est intéressant d'analyser le raisonnement de la Cour de cassation afin de définir les croisières en forfait touristique .

 

En effet, la Cour ne pouvait, afin de retrouver les caractéristiques d'un forfait touristique, s'appuyer sur le fait qu'une croisière comprend à la fois le transport de passager et l'hébergement, au motif que l'article L 211-2, 2° du code du tourisme exclut explicitement l'hébergement qui fait partie intégrante du transport de passagers et qui a un objectif résidentiel (ce qui est la définition même de l'hébergement dans une croisière).

 

Qu'à donc fait la Cour de cassation??

 

Elle s'est fondée sur les autres activités présentes et organisées sur la croisière!

 

En effet, il suffit qu'un voyage présente "la combinaison d'au moins deux types différents de services de voyage aux fins du même voyage ou séjour de vacances" (cf article L211-2 du code du tourisme) afin que la définition du voyage à forfait s'applique.

 

Et, l'un de ces différents services, peut être selon l'article L211-24° "Tout autre service touristique qui ne fait pas partie intégrante d'un service de voyage au sens des 1°, 2° ou 3°", ce qui n'est pas très compliqué à trouver sur une croisière...

 

C'est ainsi que la Cour de cassation a rendu la décision suivante:

 

"qu'après avoir constaté que la société C. avait organisé, non le seul transport des passagers, mais la totalité des opérations composant la croisière, en ce compris l'ensemble des services touristiques complémentaires offerts à ce titre,

la cour d'appel en a déduit à bon droit que, dès lors que la combinaison de ces opérations constituait un forfait touristique, au sens de l'article L. 211-2, précité, la société Costa Crociere, en sa qualité d'organisateur de voyages, était responsable de plein droit de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu par Mme X... ;"

 

Bien évidemment, le sujet de cet arrêt était relatif à la responsabilité de l'organisateur de la croisière au regard du code du tourisme.

 

Or, pour pouvoir faire application du régime de la responsabilité de plein droit institué par l'article L. 211-16 du code du tourisme, il fallut, pour la Cour de cassation, démontrer l'application de la définition du forfait touristique aux croisières, et c'est chose faite !

 

Quelle est dont le régime applicable en terme de responsabilité?

 

Voici la réponse de la Cour de cassation:

 

"Attendu, ensuite, qu'il résulte des articles L. 211-16 et L. 211-1, I du code du tourisme, que toute personne physique ou morale qui se livre à une opération consistant en l'organisation ou la vente de voyages ou de séjours individuels ou collectifs est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat ; que, par suite, la mise en oeuvre de cette responsabilité à l'encontre de l'organisateur du voyage ou du séjour n'est pas subordonnée à l'existence d'un lien contractuel entre ce dernier et l'acheteur ; que ce motif de pur droit permettant de répondre aux conclusions de la société Costa Crociere, le moyen ne peut être accueilli en ce qu'il invoque l'absence d'action directe de Mme X... à l'encontre de cette société ;

 

Attendu, enfin, qu'ayant retenu l'absence des causes exonératoires prévues par le second alinéa de l'article L. 211-16 du code du tourisme, la cour d'appel en a déduit à bon droit, sans inverser la charge de la preuve, que la responsabilité de plein droit de la société Costa Crociere n'était pas sérieusement contestable ;"

 

C'est ainsi que la responsabilité de l’organisateur de la croisière pouvait être engagée directement par la victime à son encontre , sans que puisse être invoquée l'absence de lien contractuel entre l'organisateur de la croisière et la victime.

 

En effet, rappelons-le, la victime avait commandé sa croisière auprès d'une agence de voyage et non directement auprès de l'organisateur de la croisière !