Depuis plusieurs années, certaines agences web peu scrupuleuses ont développé des techniques de vente de site internet particulièrement néfastes aux professionnels, indépendants et PME.
Dans la plupart des cas, ces agents démarchent ces professionnels par téléphone ou email en leur faisant miroiter un site internet à moindre coût, puis font signer le contrat directement en rendez-vous sur le lieu de travail, sans aucun temps de réflexion, ce qui se révèle au final un piège redoutable pour les professionnels.
Ce phénomène communément appelé la « vente one shot » donne lieu à un contentieux important. Vous trouverez ci-après quelques pistes pour identifier ce type de piège, et pour réagir si vous êtes concernés.
1. Comment se met en place le piège ?
En effet, alors qu’on peut estimer qu’un site internet basique développé par une agence web « classique » a un coût moyen compris entre 1500 euros et 3000 euros suivant la complexité et la renommée de l'agence, certains prestataires proposent un site internet « tout compris » avec un abonnement mensuel et seulement quelques centaines d’euros de frais de mise en service.
En résumé, c’est la promesse d'une création de site internet à moindre coût, à la portée de tous les professionnels.
Toutes les ficelles commerciales habituelles sont utilisées par ces agences pour convaincre le professionnel : lancement de l’activité dans la région, partenariat avec le professionnel, offre promotionnelle à durée très limitée, gratuité de la mise en service, etc.
Face à des professionnels débordés et dont ce n’est pas la spécialité, l’objectif de ces agences est d’obtenir très rapidement la signature sans qu’ils aient le temps de prendre connaissance des termes du contrat.
2. Quel est le contenu du piège ?
Un contrat qui ne correspond pas à la prestation présentée
Le soir de la signature, c’est souvent la douche froide pour le professionnel qui prend finalement le temps de lire l’intégralité du contrat :
- Renonciation « forcée » au délai de rétractation : depuis la loi Hamon d’août 2015, les professionnels qui emploient moins de 5 salariés bénéficient, lorsqu’ils concluent un contrat dans leur local qui n’est pas dans leur champ d’activité principale, d’un délai de rétractation de 15 jours. Le problème est que ces agences, tout en assurant au professionnel qu’il ne peut pas bénéficier de ce délai de rétractation, lui remettent tous les documents requis sur ce délai en lui demandant d’y renoncer expressément… Le professionnel en confiance peut donc facilement se faire berner.
- Durée du contrat : le professionnel est souvent engagé pour une période ferme de 48 à 60 mois, soit 4 à 5 ans, sans possibilité de résiliation anticipée, sauf à payer l’ensemble des mensualités restantes ! Bien entendu, on lui avait indiqué oralement qu’il pouvait arrêter à tout moment... Résultat : pour un engagement de 48 mois avec une mensualité de 85 euros, cela représente un coût total de plus de 4000 euros !
- Contenu du contrat : le professionnel pensait devenir propriétaire du site internet créé, il s’aperçoit que c’est l’agence qui en est propriétaire, lui en est seulement « locataire »… Résultat : à l’issue de la période d’engagement de 4 ans et même s’il prend soin de résilier avant la reconduction tacite du contrat, il aura déboursé plus de 4000 euros sans être propriétaire du site : il doit tout recommencer à zéro !
- Cession des droits à un organisme financier : nouvelle surprise pour le professionnel, les factures ne sont pas adressées au nom de l’agence web mais au nom d’un de ses « partenaires financiers » : en effet dans la plupart des cas, cette agence a cédé à ce partenaires les créances de « loyer » dues par le professionnel. Résultat : quelles que soient les difficultés rencontrées avec l’agence web, le professionnel doit impérativement payer ce partenaire financier, sans pouvoir lui opposer les défaillances de l’agence web, sous peine de se voir appliquer des mesures de recouvrement féroces.
Et ne sont visées ici que les principaux éléments alambiqués de ce type de contrats : il y en a beaucoup d’autres….
Une prestation pas à la hauteur ou inexistante
Au-delà des simples termes du contrat, c’est ensuite la qualité de la prestation qui peut donner des sueurs froides au professionnel :
Dans de nombreux cas, il a été constaté que le site internet était élaboré grossièrement et qu’il ne correspondait pas aux attentes du professionnel… Dans certains litiges, il a même été constaté l’absence complète de prestation !
Concernant les prestations accessoires de maintenance ou de référencement, le professionnel est là-aussi souvent déçu : une fois le contrat signé, les interlocuteurs peuvent être difficilement joignables, les délais très longs ou donner lieu à des facturations supplémentaires non prévues initialement. La satisfaction client n’est le plus souvent qu’accessoire puisque l’agence web a dès l’origine du contrat vendu sa créance (i.e. les mensualités dues par le professionnel) à l’organisme financier…
Point d’attention : la « réception » (ou mise en service) du site internet
C’est souvent un moment clé où le professionnel peut relever la non-conformité du site.
Le problème est que l’agence web se réserve souvent la possibilité dans le contrat de signaler la « réception » par un simple email, en laissant au professionnel seulement 1 ou 2 jours pour réagir…
Pire, dans certains contentieux, il a été constaté que l’agence web avait fait signé un procès-verbal de réception du site internet avant même sa conception…
3. Comment réagir si vous êtes concerné ?
Bien évidemment, la réponse dépend du stade auquel vous êtes confronté :
Vous êtes simplement démarché :
La règle est simple, il ne faut jamais signer un document dans l’urgence sans l’avoir lu.
Demandez dans tous les cas à conserver le projet de contrat pour y réfléchir. Si votre interlocuteur refuse, c’est très mauvais signe…
Si vous avez le moindre doute sur le contrat ou la prestation, refusez impérativement de signer une renonciation à un délai de rétractation !
Vous avez déjà signé, mais le site n’est pas encore créé : réagissez vite !
Si vous avez signé dans l’urgence et que le contenu du contrat ou de la prestation ne vous convient pas, il faut notamment apprécier dans quelle mesure vous pouvez ou non :
- vous prévaloir du délai de rétractation : si jamais l’agence web ne vous a pas informé correctement des modalités, le délai est susceptible dans certains cas d’être prolongé d’un an !
- refuser la « réception » du site internet, selon les modalités prévus dans le contrat, et ainsi empêcher le début des prélèvements par l’organisme financier.
N’hésitez pas à vous faire assister par un avocat dans cette démarche. Si vous avez une protection juridique, vous pouvez également les solliciter.
Vous avez signé et le site est déjà en place :
Si la qualité d’une ou des prestations n’est pas à la hauteur, il faut apprécier au cas par cas votre situation et le contenu du contrat.
Souvent, et à plus forte raison depuis l’ordonnance de février 2016 qui a réformé le droit des contrats, il existe dans ce type de contrat de nombreuses clauses non valables qui peuvent entrainer la nullité de l’intégralité du contrat.
Cela nécessite toutefois une analyse précise : là encore, et en fonction de l’intérêt financier que vous avez à mettre un terme à ce contrat, vous pouvez vous faire assister dans cette démarche par un avocat ou votre protection juridique.
Contrat de site web : les points clés
Ne pas signer le contrat dans l’urgence sans prendre le temps d’y réfléchir
Calculez le coût total du contrat sur toute la période d’engagement
Vérifiez la durée d’engagement et les conséquences d’une résiliation anticipée
En cas de difficulté, consultez un avocat
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