Dans un arrêt récent (Cass. 2e civ., 15 déc. 2022, n° 21-16.682, F-B), la Cour de cassation a jugé que les assureurs d’entreprises devant indemniser le préjudice d'anxiété de salariés exposés à l’amiante devaient leur garantie en retenant que le fait dommageable était, dans les rapports entre assuré et assureur, l’exposition à l’amiante et non la connaissance que le salarié avait de cette exposition.
Cette décision s’inscrit dans le contentieux de la réparation du préjudice d’anxiété des salariés qui ont été exposés à l’amiante. Cette indemnisation est possible pour les salariés éligibles à l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (ACAATA) prévue par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.
Depuis un arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 5 avril 2019 (Cass. ass. plén., 5 avr. 2019, n° 18-17.442), les salariés non éligibles peuvent être indemnisés par leur employeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité en prouvant une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave.
Les faits qui ont donnés lieu à l’arrêt du 15 décembre 2022 sont classiques.
Exposés au recours des salariés victimes, des employeurs ont mis en œuvre les assurances souscrites pour garantir leur responsabilité civile.
Les assureurs ont refusé de garantir en invoquant la résiliation de leur contrat et en soutenant que le sinistre était survenu après l’expiration de la période de garantie.
En application des articles L 124-1 et 124-2 du Code des Assurances visés par la Cour de cassation, l’assureur de responsabilité est tenu de garantir leur assuré en cas de réclamation d’une victime, le tiers lésé, à la suite d’un fait dommageable prévu par le contrat.
L’article L 124-5 du Code des Assurances encadre le choix par les parties d’un contrat d’assurances entre une garantie déclenchée par le fait dommageable ou par la réclamation
On peut supposer que les parties en litige avaient opté pour que la garantie soit déclenchée par le fait dommageable qui doit alors survenir entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration.
Pour refuser de garantir, les assureurs ont soutenu que le fait générateur du préjudice d'anxiété est la date à laquelle la personne a eu connaissance de la réalité de cette exposition.
La Cour d'Appel de Versailles avait adopté l’argumentaire des assureurs.
Elle a ainsi jugé (Cour d'appel, Versailles, 3e chambre, 11 Mars 2021) que le fait générateur était soit :
- La date à laquelle l’établissement de l’employeur avait fait l’objet d’un classement au régime de L’ACAATA par arrêté ministériel pour les salariés éligibles à ce régime ;
- La date à laquelle il est prouvé que le salarié a eu conscience de son exposition et de ses dangers pour ceux qui ne sont pas employé dans un établissement classé.
Ces dates étant en l’espèce postérieures à la résiliation des contrats d’assurance, la garantie ne pouvait être mise en œuvre.
Selon le raisonnement adopté par la Cour d’Appel, le fait générateur de la garantie coïncidait avec le point de départ du délai du tiers lésé pour présenter sa réclamation.
La décision de la Cour de Cassation infirme cette décision et remet en cause cette argumentation.
Pour la Cour de Cassation, dans les rapports entre l’assuré et l’assureur, le fait générateur de la garantie est indépendant de la connaissance que le tiers lésé avait de son préjudice, mais est constitué par l'exposition à l'amiante.
Dés lors que cette exposition a eu lieu pendant la durée d’effet du contrat, la garantie est due par l’assureur.
Cette décision est parfaitement justifiée pour des contrats d’assurance responsabilité en « base fait dommageable » pour lesquels la garantie ne doit pas dépendre de la date de la réclamation.
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